Les coptes, entre espérance et inquiétudes

Publié le 10.05.2011| Mis à jour le 08.12.2021

Comment le printemps arabe a-t-il touché les Coptes en Egypte? Une interview de Christian Cannuyer, professeur à la faculté de théologie de l’université catholique de Lille et président de la Société belge d’études orientales, auteur de “L’Égypte copte, Les chrétiens du Nil.”

FDM : Pouvez-nous rappeler qui sont les chrétiens d’Égypte ?

Christian Cannuyer : Lors de leur arrivée en Égypte au VIIe siècle, les Arabes désignèrent les chrétiens de l’Église d’Alexandrie sous le nom de « coptes » qui signifie tout simplement « Égyptiens ». Aujourd’hui, on estime que les coptes constituent de 6 à 10 % de la population égyptienne. Comme dans les autres pays du Moyen-Orient, une bourgeoisie chrétienne ainsi qu’un réseau éducatif fréquenté par de nombreux élèves musulmans leur donnent une certaine influence. Mais il existe aussi une masse copte très pauvre, avec un faible niveau d’éducation, dans les campagnes et les bidonvilles des grandes villes.


Quelle était leur situation sous le régime de Moubarak ?

Les coptes ont d’abord souffert comme tous les Égyptiens de la dégradation effroyable de la situation économique et de l’accaparement par une caste prédatrice de tous les dividendes de la croissance économique.
Ensuite, il est vrai que les discriminations à l’égard des chrétiens se sont accrues. Ils se sont vu régulièrement interdire de construire de nouveaux lieux de culte ou même d’entreprendre les moindres travaux d’entretien ou de rénovation de leurs infrastructures paroissiales. Les coptes considèrent aussi que la discrimination passe par un système d’enseignement entièrement islamisé, par la difficulté pour les chrétiens d’accéder à des fonctions d’autorité et par le fait que des pamphlets anti-coptes soient publiés impunément.
Le régime de Moubarak était incapable de dépasser les questions communautaires et d’amorcer l’évolution vers une véritable citoyenneté. Tout se passait comme si le pouvoir attisait le conflit entre les coptes et les islamistes afin d’apparaître comme le seul garant de l’unité nationale et de perpétuer un état d’urgence en brandissant le spectre d’une prise de pouvoir par les frères musulmans.

À la veille de la révolution, quel a été l’impact de l’attentat contre l’église Saint-Pierre-Saint-Paul d’Alexandrie, lors de la messe du 31 décembre 2010, qui fit vingt-trois morts et plus de quatre-vingts blessés ?

Le retentissement de cet attentat a été très important. Pour les coptes d’abord, qui disaient avoir désormais peur de tous les musulmans, ne plus avoir confiance en l’Égypte, songer à l’émigration… Lors des funérailles, les quelque cinq mille fidèles présents ont refusé d’accepter les condoléances du président Moubarak en criant « Non, non, non ! ». À ce moment-là, on pouvait se demander si on n’était pas à la veille d’un conflit de grande ampleur entre chrétiens et musulmans d’Égypte, d’une « révolte copte » qui mettrait les chrétiens en plus grand danger encore.
Mais les manifestations qui ont commencé à embraser l’Égypte rassemblaient aux côtés des coptes un nombre étonnant de musulmans qui – fait nouveau – criaient leur refus du terrorisme et de l’intolérance religieuse. La colère des coptes à laquelle se joignait celle des musulmans révélait à quel point le peuple d’Égypte n’était plus dupe de la stratégie de division à laquelle s’employait depuis si longtemps le régime pour assurer son pouvoir.
Toutes les analyses qui incriminaient le régime prennent davantage de relief aujourd’hui qu’il semble avéré, grâce à une fuite provenant des services secrets britanniques, que l’attentat contre l’Église d’Alexandrie fut en fait commandité par le ministre de l’Intérieur, Habib el-Adly…

La révolution égyptienne a donc apporté une bouffée d’air indispensable aux coptes ?

La « révolution du 25 janvier » a en effet surpris par son ampleur et son orientation très citoyenne, sauf peut-être à Alexandrie où la présence importante des frères musulmans dans certaines manifestations a découragé des coptes d’y participer. Cette messe copte orthodoxe qui fut célébrée sur la place Tahrir le 6 février, sous la protection de jeunes insurgés musulmans est un symbole incroyable de la symbiose entre manifestants des deux confessions au début de la révolution ! Pour la première fois depuis longtemps, on éprouvait le sentiment que quelque chose de radicalement nouveau était en train d’éclore, qui pourrait bien déboucher pour ces communautés chrétiennes sur la perspective d’un avenir meilleur.

Les coptes ont-ils tous soutenu la révolution ?

En réalité, dès les premiers jours de l’intifada, le pape Shenouda III a assuré Moubarak de son soutien total et enjoint à ses ouailles de ne pas se mêler aux protestations. Mais un grand nombre de coptes orthodoxes, surtout des jeunes, ont passé outre aux ordres de leur pape, et se sont retrouvés sur le pavé avec leurs concitoyens musulmans. : « Le pape ne devrait pas parler de politique » disaient-ils.
Le déficit de citoyenneté, a, en effet entraîné ces dernières décennies un repli des milieux laïcs coptes, qui avaient été très présents sur la scène sociale et politique dans la première moitié du 20e siècle. L’Église – comme du reste la mosquée – est devenue l’instance communautaire par excellence et s’est volontiers crue le seul porte-parole autorisé de la « conscience copte ». Il se pourrait que pour s’être compromise dans le soutien à Moubarak, l’Église copte rencontre aussi l’opposition croissante d’une jeunesse laïque plus ouverte sur le monde et la modernité.

Malgré les espoirs portés par la révolution, on a vu que de nouveaux affrontements communautaires ont à nouveau provoqué plusieurs morts le 8 mars dernier au Caire ?

Effectivement une vengeance liée à un problème d’honneur (le târ) suite à la liaison d’un copte avec une musulmane a déclenché une réaction épidermique dans un quartier très pauvre au Caire et l‘incendie d‘une église. L‘affaire a dégénéré en rixe et provoqué l’intervention de la police, très liée à l’ancien régime, qui aurait apparemment plutôt mis de l’huile sur le feu. Le bilan a été très lourd. En tout, une quinzaine de morts et des blessés graves.
Il est pourtant significatif que des centaines de coptes et aussi beaucoup de musulmans aient alors manifesté publiquement pour protester contre ces violences place Tahrir. La gravité de l’incident n’a pas mis en péril la dynamique des processus engagés.
Le problème est qu’il y a aujourd’hui un grand risque de dérégulation sociale avec un climat d’insécurité général. Le régime a ouvert les prisons et les agressions sont nombreuses. Les maux structurels de l’Égypte, à savoir une injuste répartition économique, une police corrompue et un système éducatif de très mauvaise qualité, restent entiers. Ils sont à même de générer des violences manipulées par les fondamentalistes ou des partisans de l’ancien régime, dont les chrétiens peuvent être les premières victimes.

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