Colombie : La paix doit être accompagnée de changements sociaux de fond

Publié le 14.12.2016| Mis à jour le 08.12.2021

Luis Guillermo Guerrero Guevara est directeur du Centre de recherche et d’éducation populaire/Programme pour la Paix (CINEP/ PPP), un partenaire du CCFD-Terre Solidaire à Bogota, en Colombie. Pour lui, la pérennité des nouveaux accords de paix finalisés le 12 novembre à La Havane, à Cuba, dépendra de la capacité des citoyens et des politiques à changer le pays en profondeur.

Faim et Développement : Comment ont été accueillis les nouveaux accords de paix ?

Luis Guillermo Guerrero Guevara, directeur du Centre de recherche et d’éducation populaire/Programme pour la paix, Cinenp/PPP : De diverses manières. Parmi ceux qui avaient choisi le « non » lors du référendum du 2 octobre, beaucoup ont reconnu les changements fondamentaux qui ont été actés. Mais d’autres refusent toujours cet accord.
Parmi les partisans du « oui », une grande majorité les a bien accueillis, même si des groupes affirment que sur certains thèmes, comme la justice transitionnelle, les accords ont été tellement modifiés qu’ils ont perdu leur sens initial. Les partisans du « non » avaient présenté plus de 400 propositions de modification.
Durant deux semaines, le gouvernement s’est réuni avec les représentants du « oui » et du « non », puis a réalisé une synthèse des propositions. C’est de ce processus qu’est né le nouvel accord du 12 novembre.

Quelles en sont les modifications importantes ?

Elles sont nombreuses. Sur le thème agraire par exemple, des dispositions renforcent le respect de la propriété privée acquise de manière légitime. Les nouveaux accords précisent aussi que la promotion de l’économie paysanne ne doit pas se faire au détriment de la production à grande échelle. À propos de la participation politique, ces accords ont revu à la baisse le financement des partis qui vont accueillir dans leurs rangs des anciens membres des Forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée du peuple (Farc-EP). Sur le thème de la justice, l’importance des mesures de réparation pour les victimes a été confirmée.

Par ailleurs, les militaires ont obtenu la garantie d’être jugés par la juridiction spéciale pour la paix[[Créée en septembre 2015, lors des négociations de La Havane, cette juridiction aura pour compétence de juger tous ceux qui ont pris part au confl it armé, y compris les Farc-EP et les agents de l’État.]]. Dans le cadre de cette juridiction, la participation des ONG a été réduite : leur rôle se limitera à fournir des rapports aux instances juridiques.

Quel a été le rôle de l’Église ?

L’Église catholique, comme d’autres entités chrétiennes, a accompli un travail important dans ce processus qui a mené au référendum, puis à la signature des accords de paix. Mais ce rôle a varié en fonction des régions et de l’implication des responsables hiérarchiques. L’opinion publique s’attendait à ce que l’Église appuie de manière forte le « oui ». Or, elle s’est contentée de faire un communiqué qui a appelé les Colombiens à réfléchir et voter en conscience, ce qui a provoqué une désillusion dans le camp du « oui ».
Du coup, au sein de l’Église, il y a eu une polarisation politique et les fidèles se sont retrouvés désunis.
Par contre, dans le cadre des négociations en cours avec l’Armée de libération nationale (ELN), l’Église est aujourd’hui un acteur de médiation important qui exerce son rôle avec engagement et responsabilité. D’ailleurs, c’est l’Église qui a obtenu que l’ELN accepte de s’asseoir à la table des négociations.

Quels sont les défis pour que ces accords de paix se concrétisent ?

Il y en a plusieurs. L’accord final doit être soutenu avec ambition si nous ne voulons pas perdre une des plus grandes opportunités de changement pour la nation. Ensuite, il faut commencer à faire les changements sociaux de fond. Si les accords devaient rester au stade de simples rêves utopiques, les gens se sentiraient trompés et les Farc, ainsi que les autres groupes armés, reprendraient les armes. La crédibilité et la légitimité politique de l’accord dépendront aussi de la réhabilitation du respect des droits humains et de l’attention portée aux victimes.

Mais cela nécessite que les organisations et mouvements populaires soient respectés. Les Farc doivent également respecter les accords et effectuer leur transition vers la vie civile. Mais pour cela, il est important que cette transition soit respectée par les ennemis de la paix, en particulier par les organisations paramilitaires. Enfin, il faut que les accords de paix avec l’ELN se concrétisent. Sinon, la paix en Colombie sera incomplète.

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