A quoi a servi la mobilisation de la société civile ?

Publié le 05.10.2011| Mis à jour le 07.12.2021

Le choix des pays du G20 de s’attaquer aux paradis fiscaux était certes guidé par le besoin de renflouer les caisses vides des États mais répondait également à une forte demande de régulation de la part de l’opinion publique.


Car la mobilisation sociale contre les paradis fiscaux, quoique relativement récente, prend du galon. Sans doute faut-il la situer au même moment historique que le combat écologiste à la fin des années 1970 : expertise établie, influence croissante, élargissement de la base militante. Et cette mobilisation ne faiblit pas depuis le G20 de Londres, au contraire. Signe que les citoyens ne sont pas dupes des effets d’annonces et attendent encore des réformes en profondeur.

Montée en puissance

Cette mobilisation a ses pionniers, comme le Tax Justice Network* (TJN) au niveau international, né en 2002, ou Attac et Survie en France depuis la fin des années 1990. Elle se structure en France depuis 2005 autour de la Plateforme paradis fiscaux et judiciaires, qu’anime le CCFD-Terre Solidaire et qui compte à présent une quinzaine d’ONG et de syndicats. En 2009, la plateforme s’est élargie aux grands syndicats de salariés (CFDT, CGT, Solidaires) avec le lancement de la campagne « Stop paradis fiscaux » qui a réuni près de 50 000 signatures. La question fiscale mobilise aujourd’hui largement en Europe : réseaux thématiques (Eurodad), confessionnels (CIDSE), ONG internationales (Christian Aid, Action Aid, Oxfam) ou encore organisations syndicales. Le réseau pour la justice fiscale est né en Afrique en 2007, puis en Amérique latine en 2009 autour du réseau Latindadd et s’étend aujourd’hui en Asie avec des membres issus des mouvements contre la dette.

Cette année de présidence française du G20 constitue un temps de mobilisation sans précédent, notamment du fait du rôle moteur qu’a pu jouer la France dans ce combat. Au niveau international, la campagne « Action mondiale Stop paradis fiscaux » a été lancée par TJN, Latindadd, le CCFD-Terre Solidaire et Oxfam, au Forum social mondial de Dakar, en février 2011. Elle assemble aujourd’hui plus de 50 organisations, dans près de 30 pays, sur les 5 continents. Son objectif :permettre à tous les citoyens du monde (qu’ils soient d’un pays membre du G20 ou pas) de s’adresser ensemble aux dirigeants des pays du G20 pour leur demander d’en finir avec l’opacité financière et les paradis fiscaux.

Au-delà de ces mobilisations collectives, dont le CCFD-Terre Solidaire est largement partie prenante, l’association a également lancé sa propre campagne intitulée « Aidons l’Argent à quitter les paradis fiscaux », en octobre 2010, destinée à sensibiliser l’opinion sur cette question souvent jugée trop complexe des paradis fiscaux. À ce jour, ce sont plus de 430 000 cartes postales échangées, 25000 fans sur la page Facebook et des dizaines d’événements organisés en régions (conférences-débats, pièces de théâtre, actions de rue, haka, etc.).

Expertise reconnue

Cet engagement sur la durée, à la convergence de réseaux différents, a permis à la société civile d’élaborer une expertise pointue et d’être régulièrement consultée par les cabinets ministériels et les hauts fonctionnaires, les parlementaires nationaux et européens, la Commission européenne, l’OCDE ou les Nations unies. Par exemple :

– Les chiffres produits par le think-tank américain Global Financial Integrity*, animé par Raymond Baker, font référence sur la fuite illicite des capitaux que subissent les pays en développement.

– Lors de la conférence de l’ONU sur le financement du développement à Doha fin 2008, les ONG convainquent la France, l’UE puis les Nations unies de mettre la lutte contre l’évasion fiscale et la fuite illicite des capitaux au cœur de la déclaration finale.

– À la demande du CCFD-Terre Solidaire et d’Oxfam France, l’administration française a créé en septembre 2009 un groupe de travail interministériel sur les ressources fiscales pour le développement auquel participent activement les ONG. Il vise à dégager les recommandations que la France pourrait porter dans les enceintes internationales, présentées dans un rapport publié en avril 2011.

– Ce sont encore une fois les pays dans lesquels la société civile a été la plus active qui ont demandé, à l’occasion du G20 de Séoul, que figurent dans la déclaration finale la mobilisation des ressources et la lutte contre l’évasion fiscale – notamment celle pratiquée par les entreprises multinationales – comme un défi majeur pour les pays en développement.

– Les organisations de la société civile sont également présentes au sein de la
taskforce informelle « fiscalité et développement » pilotée par l’OCDE, qui réunit gouvernements, organisations internationales, ONG (dont le CCFD-Terre Solidaire) et entreprises et qui a entamé ses travaux en mai 2010. Malgré son déficit de transparence, cet espace est un des forums censés alimenter les travaux des pays du G20 et a le mérite d’être l’endroit où depuis plus d’un an les ONG discutent avec les représentants des États et les chefs d’entreprise de la proposition du reporting pays par pays.

– Les ONG participent également activement aux consultations multipartites ouvertes par les pouvoirs publics telles que celle de l’IASB sur la révision de la norme comptable pour le secteur extractif ou celle de la Commission européenne sur le reporting pays par pays*.

– Enfin les ONG accompagnent les collectivités locales dans la mise en œuvre de leurs engagements contre les paradis fiscaux.

Influence croissante

En combinant un lobbying pointu à de multiples actions d’interpellation, les ONG ont contribué à médiatiser le sujet et réussi à mettre plusieurs propositions sur la table des négociations. Exemples :

– La ténacité de la France, lors du G20 de Londres, pour obtenir une liste des paradis fiscaux répond à une revendication de longue date de la Plateforme paradis fiscaux et judiciaires. En novembre 2008, les ONG catholiques lancent avec le magazine Pèlerin une pétition demandant à la France de balayer devant sa porte. 30 000 signataires plus tard, Nicolas Sarkozy demande pour la première fois à Andorre et Monaco de se mettre au pas.

– Printemps 2009 : les militants d’Oxfam France et du CCFD-Terre Solidaire se mobilisent pour obtenir de l’UE un registre des trusts et une obligation de transparence pays par pays pour les multinationales. Juin 2009 : la moitié des eurodéputés français élus s’engagent par écrit à défendre ces propositions. Et au cours des mois suivant, la ministre de l’économie Christine Lagarde reprend l’idée du registre des trusts et François d’Aubert, nommé par Nicolas Sarkozy un an plus tôt délégué à la lutte contre les paradis fiscaux s’exprime en faveur de nos deux propositions.

– Au Royaume-Uni, l’action combinée d’ActionAid, Christian Aid et Tax Justice Network convainc Gordon Brown de plaider pour une convention multilatérale d’échange d’informations fiscales. Avec la bénédiction de Paris, poussé par les ONG françaises. L’entente cordiale est aussi au rendez-vous, le 6 juillet 2009, entre Nicolas Sarkozy et Gordon Brown pour demander à l’OCDE de se pencher sur la proposition phare du CCFD-Terre Solidaire et des ONG britanniques : la transparence comptable et fiscale des multinationales par pays.

– Aux États-Unis, dix ans d’efforts de la coalition « Publiez ce que vous payez » ont été récompensés par le vote d’un amendement concernant la transparence dans le secteur des industries extractives, au sein de la loi de réforme financière américaine, en juillet 2010 (loi Dodd-Frank. Pour ne pas apparaître en reste de cette avancée majeure en matière de lutte contre la corruption, Nicolas Sarkozy a répondu aux exigences des ONG françaises en se prononçant en faveur de la duplication d’une telle mesure au niveau européen, suivi de George Osborne lors de la réunion
des ministres des Finances du G20, puis de la représentante allemande à la conférence de l’Initiative pour les Industries Extractives.

– En France, la campagne « Stop paradis fiscaux » qui mobilise associations et syndicats est également à l’origine de deux avancées majeures en termes de transparence : 16 régions françaises se mobilisent contre les paradis fiscaux et en particulier 9 d’entre elles se sont engagées à exiger de leurs partenaires financiers un reporting pays par pays. De leur côté, les syndicats font pression au sein des comités d’entreprises de groupe des principales banques françaises pour obtenir un audit financier avec des informations comptables dans un format pays par pays.

La société civile n’en restera pas là

Forts de nos expériences, nous savons que pour être significatifs, les changements s’obtiennent dans la durée. La mobilisation dans le monde contre les paradis fiscaux va donc durer, et s’amplifier. À travers des modes d’action sans cesse renouvelés comme au sein de la campagne « Stop paradis fiscaux » dans laquelle s’investit fortement le CCFD-Terre Solidaire (action syndicale au sein des instances représentatives du personnel, actions de rue, signature de l’appel, lettres aux banques…) mais aussi grâce à des outils pédagogiques très grand public développés dans le cadre de la campagne « Aidons l’argent » (« tax toy », vidéos d’animation, jeux de cartes, expositions, clip au cinéma, etc.), notre objectif est à la fois de rassembler de nouveaux acteurs (investisseurs « responsables », dirigeants d’entreprises, experts comptables, élus locaux) tout en sensibilisant le plus largement possible le grand public. En ligne de mire : le sommet du G20 à Cannes en 2011.

Mais soyons clairs : il y aura un « après Cannes ». La société civile continuera à se mobiliser sur les paradis fiscaux sur des échéances nationales, européennes et internationales. En France, l’année 2012 sera celle des élections présidentielles et législatives, sur fond de crise financière et de pénurie budgétaire : les débats seront suivis d’extrêmement près, les promesses rappelées, les propositions analysées.

Le CCFD-Terre Solidaire travaillera également avec ses partenaires et ses alliés mexicains pour la préparation du prochain G20, qui se tiendra à Los Cabos, les 10 et 11 juin 2012.

avec le CCFD - TERRE SOLIDAIRE

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