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Liban, Syrie : survivre au Covid-19 dans les camps de réfugiés

Publié le 15.05.2020| Mis à jour le 01.07.2022

Comment le coronavirus bouleverse-t-il davantage le quotidien des réfugiés syriens au Liban ? À leurs côtés, notre partenaire le Service jésuite des réfugiés (JRS), raconte.


Comment vit-on confiné sous une tente, dans un camp de réfugiés ? Comment nourrit-on sa famille quand les petits boulots informels se sont évanouis ? Comment supporte-t-on, en plus de la misère qui grandit, l’angoisse du virus, alors que l’accès aux médicaments relève du parcours du combattant ?

Comment vit le million et demi de Syriens réfugiés au Liban depuis le début de la répression de la révolution syrienne en 2011 et la guerre civile qui a suivi ?
Pour eux, encore plus que pour les citoyens libanais, les restrictions de circulation et de travail liées à la pandémie sont une catastrophe.

Sur le terrain

L’association JRS, le Service jésuite des réfugiés fondé en 1980, travaille auprès des réfugiés syriens au Liban depuis 2013. Deux centres, dotés chacun de trois écoles, ont été ouverts dans la plaine de la Bekaa, à l’est du pays, région limitrophe de la Syrie où sont installés la plupart des réfugiés. Une autre structure est située à Bourj Hammoud, un quartier de la capitale Beyrouth. La dernière est implantée à Byblos.

Chaque année entre 20 000 et 25 000 personnes bénéficient de programmes à destination, en premier lieu, des femmes et des enfants : éducation, santé mentale, soutien psychologique, aide à la formation. « Nous servons les gens selon des critères de vulnérabilité et, pour éviter les ressentiments, nous nous adressons aussi aux familles libanaises pauvres, explique Anne Ziegler, qui travaille à la direction régionale du JRS. 20 à 30 % de nos bénéficiaires sont des Libanais. Ils n’accèdent pas à tous nos services, car les enfants libanais fréquentent les établissements de l’éducation nationale et n’ont pas besoin de nos écoles, mais nous avons des citoyens libanais dans nos centres de formation professionnelle, par exemple. Nous encourageons cette mixité, c’est la meilleure façon d’éviter les tensions. »

Logements insalubres et surpeuplés

Le premier cas de Covid-19 a été détecté dans le pays le 21 février. Très vite, les autorités ont pris des mesures drastiques. Le 26 mars, le Liban était entièrement fermé : frontières bouclées, aéroport de Beyrouth désert, magasins et activités non essentiels en sommeil, confinement de la population, avec interdiction de circuler entre les villes et couvre-feux nocturnes entre 19h et 5h du matin. « Les conditions de vie des réfugiés sont semblables à celles des Libanais pauvres, reprend Anne Ziegler. Mais dans le cadre du Covid-19, les Syriens ont plus de difficultés à avoir accès aux hôpitaux publics, surtout s’ils sont sans papier. »

Difficile, aussi, de respecter les mesures sanitaires recommandées, le lavage régulier des mains et une distance physique : 57 % des réfugiés habitent dans des logements insalubres et surpeuplés, soit des camps informels, surtout dans la Bekaa, soit des abris de fortune, selon le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR).

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Les réfugiés syriens encore plus confinés

Le JRS n’a pas relevé de discriminations accrues à l’égard de ses bénéficiaires. Mais dans certaines municipalités de la Bekaa, relève l’ONG Human Rights Watch, 21 municipalités libanaises ont imposé des mesures de confinement plus strictes aux réfugiés syriens : couvre-feux diurnes ou interdiction pure et simple de recevoir des visiteurs et de rendre visite. Les forces de l’ordre ont aussi quadrillé des camps pour empêcher les habitants d’en sortir.

Ces tensions ne sont pas nouvelles. Le Liban est le pays qui reçoit le plus de réfugiés per capita au monde. Surtout, une crise financière, économique et sociale le secoue depuis octobre 2019. Elle a renforcé la rivalité pour les emplois de l’économie informelle. « Le Coronavirus est venu aggraver la crise économique. Mais c’est bien cette dernière la plus grave », assure Anne Ziegler.

Les chiffres parlent : au 5 mai, Beyrouth annonçait 740 cas confirmés de Covid-19 et 25 décès. Les trois décennies de mauvaise gestion et de corruption depuis la fin de la guerre civile, elles, ont amené l’endettement à des niveaux impressionnants : 84,4 milliards d’euros, soit 170 % du PIB. Le Liban est un des États les plus endettés au monde.

La monnaie nationale, la livre libanaise, a perdu 60 % de sa valeur par rapport au dollar. Les épargnants ne peuvent plus retirer que de très faibles sommes en devises. La moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, contre 35 % avant l’automne dernier.

Les Libanais sont descendus en masse dans la rue entre octobre 2019 et février 2020, exigeant le départ de leurs dirigeants considérés comme irresponsables.

Une catastrophe sociale

Crise économique et pandémie : les deux conjuguées ont conduit à une catastrophe sociale. Elle touche tout le monde, mais plus encore les plus fragiles. Fin avril, selon une enquête du HCR, la moitié des réfugiés interrogés a déclaré avoir perdu son emploi, et 70 % ont dû réduire leur consommation alimentaire par manque d’argent.

« Nos centres ont fermé le 1er mars au Liban, mais nous avons continué à suivre nos bénéficiaires par téléphone et via les réseaux sociaux, raconte Anne Ziegler. Les enfants ont pu poursuivre leurs cours grâce à internet. Mi-avril, nous avons dû reprendre les distributions d’argent liquide aux familles pour les aider à payer leur loyer ou à acheter de la nourriture. »

Les centres de JRS reprennent lentement leurs activités. D’ores et déjà, les équipes savent qu’il faudra les réorienter durablement vers l’aide économique, la distribution de nourriture et de produits de première nécessité.

« La crise n’est pas sanitaire mais économique »

« Nos derniers programmes d’urgence, en Syrie, ont été arrêtés en 2018. Il va falloir les remettre en route, partout où nous travaillons », déplore Anne Ziegler. En Syrie, le JRS travaille auprès de 2 000 enfants déplacés et de leurs familles. Là aussi, les populations, durement éprouvées par la guerre, sont dans un état de grande fragilité et vivent dans des conditions de précarité extrêmes.

« Il y a très peu de cas de Covid-19 dans le pays [au 5 mai, 44 cas confirmées et 3 morts, ndlr]. La crise n’est pas sanitaire, mais économique, reprend elle. La Syrie, déjà exsangue, subit les conséquences de l’effondrement économique et bancaire du Liban voisin. Sanctions internationales obligent, l’argent des ONG transite par les banques libanaises, et celles-ci bloquent les retraits. Les robinets financier et économique ont été fermés dès octobre, maintenant, avec le Coronavirus, les frontières le sont aussi. Ici comme au Liban, la crise Covid accentue la crise économique. »

Financièrement, l’ONG est assurée de pouvoir fonctionner jusqu’à la fin de l’année. Les donateurs ont accepté la réorientation des fonds vers les programmes d’urgence. Les équipes, 600 personnes sur toute la région, Liban, Syrie, Jordanie et Irak, se sont réorganisées pour s’adapter à la crise sanitaire. Avec l’inquiétude que l’aggravation de la pauvreté et du désespoir ne mettent le feu à une région déjà sous très haute tension.

Par Gwenaëlle Lenoir

Et aussi, dans notre dossier spécial Covid-19 : nos témoins d’une terre solidaire :

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