Accompagner les jeunes burundais dans le processus électoral

Publié le 26.05.2015| Mis à jour le 07.12.2021

Depuis plus de 30 jours, le Burundi connait une grave crise politique. La volonté du Président Pierre Nkurunziza de se représenter pour un troisième mandat (alors que la Constitution l’interdit) a mis les habitants de Bujumbura dans les rues. Violemment réprimées, les manifestations ont déjà fait près de 30 morts et plus de 100 000 burundais ont trouvé refuge dans les pays voisins.


C’est donc dans un climat particulièrement tendu et violent que l’Association des Scouts du Burundi (ASB), en synergie avec le Réseau des jeunes en action pour la paix, la réconciliation et le développement (REJA), porte un projet soutenu par le CCFD-Terre Solidaire pour favoriser une culture citoyenne de paix chez les jeunes burundais dans le processus électoral de 2015.

Interview de leur Commissaire General, Constant Kabuyenge, la veille d’une tentative de coup d’Etat manqué contre le président Pierre Nkurunziza, l’homme dont la candidature à un troisième mandat nourrit un fort mouvement de protestation populaire.

Les jeunes Burundais sont-ils politisés ?

Ils sont surtout instrumentalisés en masse par les partis politiques qui abusent à la fois de leur peu d’expérience et de leur énergie. « La formation politique » de ces jeunes consiste à être abreuvé de messages les montant les uns contre les autres, ceux des autres partis étant présentés comme des ennemis à abattre, y compris au moyen de méthodes violentes. L’utilisation des réseaux sociaux n’a fait qu’empirer la situation tant il est facile de diffuser des rumeurs déclenchant la haine et la peur. D’où ce projet « Education des jeunes vers une culture citoyenne de paix, de tolérance et de résolution pacifique des conflits », un programme de formation soutenu par le CCFD Terre-Solidaire et l’Union Européenne que nous co-portons avec le Réseau des jeunes en action (REJA) [[REJA est également partenaire du CCFD-Terre Solidaire]].

Il y a-t-il un risque d’ethnicisation du conflit politique qui oppose l’actuel président et ceux qui contestent la constitutionnalité d’un troisième mandat ?

Je ne crois pas. Même si le parti au pouvoir le CNDD-FDD (Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie) est un parti issu de la rébellion Hutu, c’est un parti dans lequel on trouve des personnes de toutes les ethnies. Par ailleurs, tous les partis de l’opposition, qu’ils soient à caractère ethniques ou non, sont unis contre le 3ème mandat de Pierre Nkurunziza. Le contexte ne pousse donc pas à l’ethnicisation de la question.

Quels sont les jeunes ciblés par votre projet ?

Nous avons prévus de toucher 54 000 personnes de 15 à 35 ans. La population du Burundi est essentiellement rurale et beaucoup d’enfants ne commencent l’école qu’à l’âge de 12 ou13 ans. Ce qui met la fin du secondaire à 25 ans et celle du supérieur à 30 ans. Avec le chômage qui sévit dans notre pays, il est fréquent qu’une personne diplômée ou non, n’ait pas trouvé de travail avant l’âge 35 ans. On voit ici le lien possible entre désœuvrement et embrigadement.

Par ailleurs nous cherchons à atteindre la parité. Les femmes constituent plus de la moitié de la population et si au niveau national et communal, nous avons pu recruter facilement des jeunes filles et jeunes femmes pour ce projet, en revanche au niveau des localités de base, c’est plus compliqué. Il nous faut combattre les stéréotypes qu’elles ont fortement intériorisés selon lesquels la politique n’est pas une affaire de femmes. Cette auto-discrimination, bien que n’étant pas le seul facteur bloquant, est très forte.

Votre projet repose sur des formations en cascade ?

Oui. Pour accompagner les jeunes dans le processus électoral notre projet, nous avons d’abord formé six formateurs nationaux issus des réseaux de l’ASB et du REJA, lesquels ont identifiés des jeunes influents dans leur environnement communal, soit cent-vingt jeunes pour soixante communes, lesquels identifient à leur tour des pairs éduqués au niveau de leur localité. Ces formations abordent l’ensemble du processus électoral sous l’angle de la citoyenneté et de la non violence : repérage des stéréotypes, traitement des rumeurs, gestion de la peur, résolution pacifique des conflits, analyse d’un programme politique, tenue des élections. Les jeunes apprennent notamment comment repérer les manipulations et à quel moment les résultats peuvent être faussés, dans l’optique de savoir y réagir sans user de violence. Un guide du formateur a été créé à cet effet.

Et l’action ne s’arrêtera pas avec les élections

La vocation de ce projet est d’inviter les jeunes à devenir acteurs de la paix, que ce soit comme électeurs ou comme futurs élus. Et effectivement, leurs responsabilités ne s’arrêtent pas au scrutin. La période électorale est la période de toutes les promesses : promesse de création d’emploi, de construction d’écoles, de soin de santé…

Dans six provinces pilotes, nous inciterons les jeunes à rencontrer leurs élus après les élections pour suivre la mise en œuvre des politiques publiques les concernant particulièrement, comme celles liées à l’enseignement, ou la lutte contre le chômage par exemple. En 2010, le CCFD-Terre Solidaire et l’Union européenne nous avaient déjà soutenu pour un programme similaire à celui-ci. Le bilan fut très encourageant.

Est-ce difficile de rester politiquement neutre dans le contexte électoral actuel ?

L’ASB est un mouvement non politicien mais fortement concernée par le politique. Notre mission est de former des jeunes responsables et socialement engagés. Ainsi, si nous ne prenons pas parti, nous condamnons en revanche toute violation des droits humains, tout ce qui va à l’encontre des libertés publiques élémentaires et des élections libres et transparentes. Comme le tir à balles réelles sur les manifestants… Les policiers sont censés protéger la population et non participer à l’insécurité. A l’heure où je vous parle, le bilan officiel fait état de 25 morts et plus de 800 arrestations. Plus de 100 000 personnes ont fuient le Burundi. A Bujumbura, notre projet est bloqué car les réunions publiques sont interdites. Mais les scouts ne se sont pas désinvestis de la question pour autant. Pour preuve, ils apportent leur aide à la Croix rouge burundaise pour évacuer les blessés vers les hôpitaux, que ce soit les manifestants ou les policiers… Dans les autres provinces nous continuons d’avancer. Ces violences ne font que souligner la pertinence de notre action.

Bénédicte Fiquet

Un témoignage de Constant Kabuyenge, Commissaire General de l’Association des Scouts du Burundi

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