Au Mexique, comment aider les paysans du Chiapas

Publié le 14.01.2016| Mis à jour le 08.12.2021

Créée en 1969, l’ONG Desmi, “Développement économique et social des Mexicains indigènes”, travaille à promouvoir les droits des populations du Chiapas et de nouveaux modes de développements agricoles. Rigoverto Albores Serrano, agronome en charge du suivi des programmes, nous en dit plus.

Avec quel type de populations travaillez-vous ?

Desmi travaille avec des groupes de paysans de l’État du Chiapas, au sud du Mexique. On y distingue trois types de propriété foncière.
Les ejidos, qui sont des terres communautaires dont chacun reçoit une parcelle qui peut aller jusqu’à une vingtaine d’hectares, cas assez fréquent dans les plaines.
Les biens communaux, un autre type de propriété collective dont l’utilisation est ici déterminée collectivement et en accord avec les besoins de ses membres. La superficie n’y est pas aussi bien définie que dans les ejidos et la moyenne par foyer est beaucoup plus basse, environ un demi hectare. Cette situation prévaut dans les zones montagneuses.
La troisième modalité, c’est la petite propriété individuelle. Le paysan a un titre de propriété et décide de ce qu’il va faire avec sa terre.

Quelles difficultés rencontrent-ils ?

Les petits propriétaires subissent la pression des agroindustriels ou des multinationales qui prônent la monoculture, c’est pourquoi les terres « ejidales » sont en danger en raison d’un programme gouvernemental de certification qui pousse vers l’individualisation de cette propriété collective. L’argument est qu’avec la certification, les terres pourront servir de garantie pour obtenir un prêt. Mais si le paysan ne peut pas rembourser son crédit, sa terre peut être saisie, même si elle fait partie d’un ejido, ce qui arrive malheureusement de plus en plus. L’autre risque est que ces paysans signent des contrats avec des multinationales pour se lancer eux aussi dans la palme africaine, le soja transgénique, le jatropha ou l’eucalyptus. Pour faire du biocarburant, pour la cellulose.


Monocultures riment souvent avec engrais et pesticides en tous genres donc, risques pour la santé des paysans ?

Dans les régions où l’on trouve, par exemple, d’immenses champs de maïs, l’utilisation massive de glyphosate et du Roundup ont provoqué une hausse des cas d’hydrocéphalie, les femmes ont beaucoup plus de cancers du sein, les hommes, des tumeurs de la prostate, du foie, et présentent des insuffisances rénales chroniques. D’autre part, la monoculture ne permet pas aux paysans de se nourrir c’est pourquoi ils se tournent vers une alimentation industrielle. L’usage des pesticides et le changement drastique alimentaire ont des conséquences désastreuses sur les populations locales.

Que fait Desmi ?

Nous intervenons dans les communautés autonomes zapatistes où, depuis le soulèvement de 1994, il y a un modèle d’organisation très fort, avec une structure politique d’administration, de santé, d’éducation et d’agroécologie.
Nous proposons des formations techniques pour aider les paysans à produire leur compost et leur propres biofertilisants, pour savoir comment diversifier son système de production, utiliser la biodynamie…
Nous avons aussi une approche théorique pour dépasser la conception « mécanique » de la terre en tant que moyen de production inerte. En cela, nous nous appuyons sur les représentations des communautés, “la cosmovision”, où la relation à la Terre est plus proche d’une relation de la Mère avec son enfant, la « Terre mère », base d’une relation extrêmement respectueuse. Il y a là une vision holistique très forte. Nous sommes particulièrement attentifs aux développements et aux relations entre les personnes, entre les femmes et les hommes, entre les générations, …

Nous travaillons aussi avec des paysans engagés pour le changement des pratiques, cherchant à construire un modèle alternatif au modèle ultra libéral prédateur et agressif.

En promouvant une autre forme d’économie ?

Le mot « économie » ne veut pas toujours dire la même chose que ce soit pour le président du Mexique Enrique Pena Nieto, un zapatiste ou encore une multinationale…
Dans le système néocapitaliste, l’économie est l’accumulation du capital et son contrôle. Mais si on cherche la signification épistémologique de ce mot, c’est « la gestion du foyer ». Rien à voir avec l’argent puisqu’on parle de l’administration des ressources disponibles. Alors il faut construire un système responsable pour administrer cette grande maison. Dans la dernière encyclique, le pape François reprend cette expression en nous disant qu’il faut prendre soin de la maison commune. Notre maison, ce n’est pas seulement cet espace entre quatre murs, notre maison, est aussi à l’extérieur de ces murs. C’est tout un système de pensées qu’il faut donc reconstruire. Un autre monde.

Propos recueillis par Patrick Chesnet

avec le CCFD - TERRE SOLIDAIRE

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