Promouvoir les droits des migrants dans la région du Mékong

Publié le 06.06.2014| Mis à jour le 08.12.2021

Fondé en 2003, Mekong Migration Network (MMN) regroupe une quarantaine d’organisations de la société civile, d’instituts de recherche, d’associations locales ou nationales, et d’universitaires originaires des six pays de la région du Mékong : Birmanie, Cambodge, Laos, Thaïlande, Vietnam et province du Yunnan, en Chine. Son principal objectif est de promouvoir la dignité, mais aussi les droits des migrants dans cette zone. Omsin Boonlert, en charge du plaidoyer et de la recherche au sein de MMN, témoigne.


Quelles sont les raisons des migrations dans la région du Mékong ?
Il y a toujours eu des migrations dans la région et, contrairement aux idées reçues, ceux qui quittent leur pays ne le font pas tous parce qu’ils sont persécutés chez eux. Il y a des migrants économiques à la recherche d’une vie meilleure, des migrants « sociaux », qui se marient de l’autre côté d’une frontière par exemple, et ceux qui sont victimes de trafiquants d’êtres humains. À ceux-là s’ajoutent les réfugiés. Réfugiés qui, si l’on prend le cas de la Thaïlande, ne sont pas considérés comme tels puisque le gouvernement thaïlandais n’a toujours pas signé la Convention sur les réfugiés [[Adoptée à Genève en 1951, la Convention relative au statut des réfugiés vise à protéger quiconque « se trouve hors du pays dont elle a la nationalité » et craint « avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ». À ce jour, parmi les six pays de la Région du Mékong, seuls le Cambodge et la Chine y ont adhéré.]] et qui sont donc, eux aussi, à inclure parmi les migrants. On est donc en présence de plusieurs phénomènes qui se superposent et concernent plusieurs millions de personnes.

Comment travaille MMN ?
Compte tenu des difficultés de certains à avoir accès à l’information, l’une de nos priorités est de faire en sorte que tous nos membres reçoivent les nouvelles en provenance des autres pays ou de l’international. Cet échange permanent nous permet de rester en contact avec la réalité du terrain chez tous nos partenaires, de suivre les tendances des politiques migratoires et alimente nos recherches conjointes. Nous organisons également des ateliers de formation, non seulement pour nos membres, mais également à l’intention de représentants des ministères du Travail des six pays concernés afin de les sensibiliser sur les questions liées aux relations employeurs/employés et au respect des droits humains des migrants. Enfin, nous menons des activités de plaidoyer auprès des autorités locales et régionales.

Avec quels résultats ?
Notre influence est difficile à évaluer. Nous intervenons en effet dans des contextes politiques très différents. Certains pays se montrent plus réceptifs. Pour d’autres, il faut leur faire comprendre que nous ne travaillons pas contre eux, mais que nous cherchons à faire avancer les droits des migrants. Aujourd’hui, nous avons réussi à tisser des liens de confiance avec les gouvernements de ces six pays et à les conscientiser sur ces questions. Nous leur faisons parvenir régulièrement nos différentes recommandations. À nous de maintenir ensuite la pression pour que celles-ci se matérialisent sur le terrain. Quand notre voix n’est pas assez forte, nous n’hésitons pas à envoyer nos rapports au Rapporteur spécial des Nations unies sur les droits humains des migrants afin qu’il puisse, à son niveau, intervenir.

Quelle est la situation des migrants en Thaïlande ?

La Thaïlande reste la principale destination des migrants de la région. On y estime leur nombre entre 2 et 2,5 millions de personnes, légaux et illégaux confondus. Pour autant, leur situation est assez paradoxale : d’un côté, les autorités les considèrent comme des résidents « temporaires », de l’autre, le pays a besoin d’eux pour faire tourner son économie. Le problème est que, avec la crise politique que traverse la Thaïlande depuis plusieurs mois, le gouvernement est lui aussi « temporaire » et les autorités locales ne sont plus habilitées à signer quoi que ce soit. Ce qui a de graves conséquences pour les migrants. Ceux dont le visa a expiré [[Sur la base d’un protocole d’entente signé entre les gouvernements thaïlandais et birman en 2003, un migrant birman peut rester travailler en Thaïlande pendant une période de 4 années consécutives au terme de laquelle il devra repartir en Birmanie pour une période de 3 ans avant de pouvoir revenir travailler en Thaïlande. Cette disposition est largement décriée par les ONG de défense des migrants qui demandent à ce que ce délai soit réduit à 1 mois, voire 1 jour.]] ne peuvent en effet pas le renouveler. Cela risque de pousser un certain nombre d’entre eux dans l’illégalité et ne peut qu’encourager quelques intermédiaires mal intentionnés. Cette question du renouvellement de visa concerne désormais plusieurs dizaines de milliers de personnes et leur nombre augmente de jour en jour.

En 2015, les pays de l’Asean vont se transformer en un marché unique. Avec quelles conséquences pour les migrants ?
Cette ouverture inquiète beaucoup les Thaïlandais qui craignent de voir débarquer dans leur pays de plus en plus de migrants. Ce ne sera vraisemblablement pas le cas. La libre circulation des personnes ne concerne en effet que sept catégories professionnelles bien définies[[Les sept catégories appartiennent toutes au secteur des services : soins médicaux et dentaires, personnel hospitalier, ingénierie, architecture, comptabilité et recherche de ressources naturelles. ]], auxquelles n’appartiennent pas les migrants, et, pour les autres, rien ne changera. Maintenant, l’Asean représente aussi une opportunité pour les migrants. Plusieurs dispositifs relatifs au monde du travail et à la protection ou aux droits des travailleurs, migrants ou non, ont en effet été adoptés. Pour autant, ces textes restent complexes et nous devons les mettre à la portée des migrants pour qu’ils puissent se les approprier, les utiliser à leur profit et les promouvoir à l’échelle régionale.

Et changer les mentalités ?
Les gens ont tendance à oublier l’importance des migrants dans leur pays d’accueil. Prenons l’exemple des fruits de mer en Thaïlande : les Cambodgiens les pêchent, les Birmans les conditionnent et ce sont les Laotiens qui les servent ! Nous ne pouvons pas faire autrement que reconnaître ce qu’ils font pour nous et leur accorder notre respect. Il ne s’agit pas de les assimiler à tel ou tel groupe mais de développer le « mieux vivre ensemble ». C’est ce à quoi nous devons tous réfléchir. En Thaïlande comme ailleurs.

Propos recueillis par Patrick Chesnet

avec le CCFD - TERRE SOLIDAIRE

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