© Patrick Piro

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2008, 2020, même constat, même combat : les Etats ignorent la crise alimentaire

Publié le 12.10.2020| Mis à jour le 16.12.2021

La pandémie COVID 19 et ses répercussions mondiales risquent d’engendrer une des pires crises alimentaires que le monde ait connu depuis les émeutes de la faim de 2007-2008. Alors que la société civile et la recherche tirent la sonnette d’alarme, il est impératif que la communauté internationale et en priorité le Comité de la Sécurité Alimentaire Mondiale (CSA) se mobilise et soit rapidement à la hauteur de l’enjeu.

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Valentin Brochard est chargé de plaidoyer Souveraineté Alimentaire au CCFD-Terre Solidaire. Il alerte sur la manière dont la survenue du Covid 19 exacerbe les injustices liées à la mondialisation de nos systèmes alimentaires et le risque d’une grave crise alimentaire non prise en compte par les Etats

La sécurité alimentaire des plus démunis et des pays du Sud va être particulièrement mise à mal par la crise du COVID 19.

Que ce soit via la fermeture des frontières ou des marchés alimentaires ou via les pertes massives d’emplois, cette crise va durablement déstructurer toutes les chaines de production, transformation et distribution alimentaire.

Cette situation requiert une attention immédiate et une vraie planification et coordination internationale.

La crise met en évidence les vulnérabilités de notre système alimentaire mondialisé

Nos partenaires témoignent par exemple qu’au Mexique, le prix au détail de certaines denrées alimentaires, telles le maïs, ont déjà triplé localement.

Dans d’autres pays, tels la Côte d’Ivoire, ce sont les prix du riz qui s’envolent dans un contexte où certaines des filières vivrières nationales sont au bord de l’effondrement.

Les pays les plus touchés par cette crise seront sans surprise les pays les plus dépendants des marchés internationaux pour leurs exportations et importations alimentaires.

Comme toujours les populations les plus pauvres en paieront le plus lourd tribut.

Cette situation, qui met en exergue l’extrême vulnérabilité et l’injustice de notre système alimentaire mondialisé n’est malheureusement pas nouvelle.

Les faiblesses structurelles de ce système sont largement connues et documentées : elles furent à l’origine des dernières crises alimentaires de 2008 et 2012.

Pourtant, depuis 2008, peu de choses ont changé. Ni les Etats, ni les agences des Nations Unies n’ont été en mesure de corriger les inégalités grandissantes de notre modèle alimentaire.

Lire aussi notre rapport : dix ans après les émeutes de la faim, où en sont nos engagement internationaux

Pire, sous l’incitation des pays du G7, de nombreux Etats ont tenté sans succès de faire de l’hyper-spécialisation agricole un modèle de réussite.

Le résultat est sans appel : avant même cette crise, et alors que les prix mondiaux des denrées alimentaires assuraient en théorie des revenus décents aux producteurs, le nombre de personnes souffrant de la faim était en hausse pour la quatrième année consécutive.

En 2018, 821 millions de personnes ont ainsi été sous-alimentés et plus de 2 milliards – pour la moitié des paysans et paysannes – ont connu l’insécurité alimentaire.


Une crise révélatrice de l’incurie mondiale

Or cette crise alimentaire, dont la gravité aurait donc pu être clairement prévenue, n’est actuellement pas prise au sérieux par la communauté internationale.

Les recommandations de gestion de crise émises après les épisodes catastrophiques de 2008 et 2012 ne sont pas suivies et les Etats rechignent à entendre parler de toute coordination internationale sur le sujet, préférant la mise en place de simples mesures commerciales.

Il y a pourtant urgence à agir : tous les scénarios convergent pour dire que si cette crise n’est pas traitée à temps, la situation risque de devenir hors de contrôle. Les expériences passées nous montrent les limites d’une gestion purement économique d’une crise alimentaire.

En 2008, il a fallu attendre la généralisation d’émeutes de la faim partout dans le monde pour que les Etats daignent enfin admettre que les mesures commerciales qu’ils promulguaient jusque-là étaient au mieux inadaptées à la réalité des populations les plus démunies, au pire contre-productives.

Nous ne pouvons laisser cette situation se reproduire !
Cette crise alimentaire ne peut pas être ignorée.

La communauté internationale doit être en mesure de proposer rapidement un plan de réponse prenant en compte tant l’interdépendance alimentaire des pays que la réalité de millions de travailleurs nécessitant un soutien et des politiques publiques spécifiques.

Restaurer la légitimité du Comité de la sécurité alimentaire mondiale à gérer la crise

Réformé après la crise de 2008, le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) – est la seule instance internationale à avoir et le mandat et la légitimité pour coordonner une réponse sur le sujet.

C’est par ailleurs le seul espace où les travailleurs et producteurs agricoles, principales victimes de la crise alimentaire en devenir, sont en mesure de faire valoir leurs droits et de témoigner de leur réalité.

Toutefois, nombre d’Etats font passer leurs intérêts nationaux avant la sécurité alimentaire mondiale et contestent la légitimité du CSA à gérer cette crise.

Mercredi 6 mai 2020 aura lieu la prochaine réunion du bureau du CSA. La France sera présente et le rôle du CSA dans la gestion de la crise alimentaire occupera une partie importante de l’agenda.

Il est crucial que notre gouvernement prenne conscience de la gravité de la situation, rejoigne les demandes unanimes de la société civile et de la recherche et donne enfin mandat au CSA de piloter la gestion de la crise alimentaire et nutritionnelle de 2020.

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