-
Vaincre les réticences
Nous sommes tous frères, sœurs, enfants d’un même Père. « Mais il y en a qui sont un peu moins nos frères/sœurs dans la reconnaissance de leurs droits ! » – La Parole de Dieu insiste sur l’accueil de l’étranger. « J’étais étranger et tu m’as accueilli » (Mt 25,35).
-
Des chrétiens se mobilisent au nom de leur foi
Face à ces enjeux de migrations d’autant plus complexes qu’ils sont souvent
instrumentalisés à des fins politiques, nos valeurs chrétiennes nous invitent à
agir, à « accueillir l’étranger ». -
La rencontre avec le migrant
La rencontre évoque, provoque et convoque
À travers le premier mouvement, la rencontre évoque. Chaque personne que nous rencontrons devient comme une sorte de miroir qui nous renvoie une image de nous-mêmes : un miroir qui nous révèle des traits, des atouts et aussi des limites, qui nous identifient. C’est en ce sens que l’on peut dire que la rencontre évoque : elle donne à chacun de la présence, et dès lors, elle fait exister. La rencontre évoque la vie portée par chacun, elle la rend visible et vivante, elle la révèle et la fait vibrer.Une femme étrangère vient demander à Jésus de guérir son enfant, possédé par un démon (Mc 7, 24-30). Jésus ne veut pas satisfaire la demande de la femme car il croit que sa mission est réservée aux enfants d’Israël. Il lui répond de manière très dure : « Il ne sied pas de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens ». Mais la femme insiste en lui disant que les « petits chiens, dessous la table, mangent les miettes des enfants ». Et Jésus se laisse alors déplacer par cette femme qui au début l’agaçait et lui dit : « À cause de cette parole, va, le démon est sorti de ta fille ». Cette rencontre révèle à Jésus que le salut dont il est porteur a un caractère universel. Si la différence agace, elle peut ouvrir au radicalement
nouveau.Si dans le premier mouvement, elle évoque, dans le deuxième, elle provoque. La rencontre renvoie à soi mais elle conduit aussi au-delà de soi-même. Elle devient ainsi une invitation au voyage. Et un voyage dans des terres inconnues. La rencontre déplace car elle fait entrer dans l’univers de l’autre. Un univers que je ne connais pas, en tout cas, jamais entièrement. Et un univers qui, étant différent du mien, commence toujours par me déranger. La rencontre provoque à sortir de soi et à s’ouvrir au monde de l’autre. C’est en ce sens que la rencontre ouvre au sacré car elle me mène au-delà de ce que je maîtrise et contrôle. La rencontre constitue toujours une expérience de transcendance, car elle me mène au-delà de mon monde et de mon univers de sens.
L’évocation renvoie à ce que chacun porte de plus précieux en soi. La provocation pousse ailleurs, vers un nouveau possible. Si la rencontre évoque et provoque à la fois, c’est qu’elle convoque : elle appelle à la fois à entrer et à sortir. Elle donne rendez-vous dans un même lieu à l’humain et au sacré, au « déjà-là » et au « pas-encore », au passé et à l’avenir.
Témoignage
Le « Goût de l’autre », c’est un repas partagé, une fois par mois, entre Français et étrangers, dans la mairie du 4e arrondissement de Paris. Un rendez-vous mensuel entre des personnes qui pour la plupart ne se connaissent pas, autour d’un repas préparé à chaque fois par un étranger selon une recette de son pays (le plat principal) et un Français (l’entrée et le dessert). Autour du goût des aliments on partage ainsi le goût de la vie des uns et des autres. Il n’y a rien à prouver ni à démontrer dans ces repas, juste le plaisir de rencontrer des gens différents autour de saveurs nouvelles et mélangées. L’Égyptien Ishak dit : « Autour de la table du “Goût de l’autre” je ne me sens pas étranger ». Son identité ne relève pas de ses papiers. C’est la rencontre qui le fait exister. Autour du repas on se rassemble et on se ressemble car on retrouve l’autre, le « différent », au-delà des représentations, à travers une expérience qui est commune à tout le genre humain, celle de manger. Si autour du repas partagé du « Goût de l’autre », la différence s’efface pour laisser place à la ressemblance qui permet à chacun de se sentir reconnu par l’autre, dans la rencontre entre Jésus et la Syro-phénicienne, c’est leur différence qui introduit la distance nécessaire pour découvrir quelque chose de nouveau et d’inconnu. Deux mouvements contraires qui sont pourtant présents dans toute rencontre. – IshakSi, en tant que chrétiens, nous sommes invités à accueillir l’étranger, ce n’est pas uniquement par charité à son égard mais parce que l’Évangile est avant tout une invitation à la rencontre. Une rencontre qui évoque la vie portée par chacun, qui provoque à aller plus loin et qui convoque à faire chemin ensemble. La rencontre fait de l’Évangile un lieu de relation plutôt qu’un objet de transmission. La rencontre nous conduit ainsi à dire que l’Évangile est, autant qu’un message à transmettre, une conversation à établir : une conversation à travers laquelle chacun évoque, provoque et convoque la vie de l’autre.
Questions pour un partage
Ai-je déjà eu l’occasion de rencontrer et échanger avec un étranger dans ma vie quotidienne en France (parents d’école, collègue de travail, voisin) ?
Quelle en a été mon expérience : agacement, surprise, curiosité, ressemblance ?
-
Les migrations dans la mondialisation
Témoignage
« En ouvrant ma porte aux migrants, en cherchant à trouver le visage de Dieu en eux, je me suis senti vraiment missionnaire, annonciateur de la Bonne Nouvelle. Mais le plus enrichissant, c’est que les migrants eux aussi m’ont évangélisé, m’ont aidé à changer de discours et à agir. J’ai redécouvert des valeurs que beaucoup ont oubliées : le courage, la ténacité, l’espoir et surtout la confiance totale en la providence de Dieu. La mondialisation a du bon, surtout si c’est une mondialisation à visage humain, guidée par la solidarité. Et les migrants nous rappellent cette mondialisation de solidarité ! » – Anselm Mahwera, prêtre missionnaire d’Afrique, est le fondateur de la Maison du migrant de Gao qui accueille quotidiennement les migrants expulsés d’Algérie, de tous pays, de toutes origines et religions. -
Les migrations, toujours considérées comme un « problème »
Témoignage
En 2009, plusieurs travailleurs sans papiers risquent de se faire expulser. Une grève se déclenche, qui va durer plusieurs mois, et qui va être soutenue par de nombreuses organisations, par des syndicats et également par des employeurs. C’est le cas de Derichebourg Multiservices, entreprise cotée en bourse, qui emploie vingt mille salariés en France, dont treize mille dans la propreté. On y dénombre quatre-vingts nationalités. Sophie Moreau-Follenfant, directrice des ressources humaines de Derichebourg s’interroge : « Pourquoi des personnes qui donnaient satisfaction à titre professionnel et qui étaient depuis longtemps dans l’entreprise devraient-elles faire l’objet d’une mesure aussi violente qu’un licenciement ? ». L’entreprise décide de déposer et d’appuyer une centaine de demandes de régularisation. – Le Monde, 7 juin 2010 -
Les préjugés sur les migrants
Témoignage
« “Peu importe le séjour d’un tronc d’arbre dans l’eau, il ne sera jamais un caïman”. Cela fait dix ans que je vis ici, sans cesse mes origines sont un obstacle alors que je cherche par tous les moyens à m’intégrer. Impossible de trouver un logement sans cautions françaises. Plus de dix heures d’attente à la préfecture afin de renouveler mes papiers pour finalement m’entendre dire que je dois revenir le lendemain. Et si je ne suis pas content : « je n’ai qu’à rentrer chez moi ». Je veux faire valoir mes diplômes mais quand je les présente on me demande s’ils sont faux. Je suis venu en France pour étudier mais on m’affirme que les Africains viennent ici seulement parce que là-bas tout va mal et qu’on meurt de faim. » – M. Salif Mandala Djiré, venu du Mali -
De quoi parlons-nous ?
Quelques définitions
Un étranger est une personne qui réside sur le territoire français et qui n’a pas la nationalité française. L’Insee recensait au 1er janvier 2014 la présence de 4,2 millions d’étrangers en France, soit 6,4 % de la population.
Un immigré est une personne née à l’étranger, de parents étrangers et qui réside sur le territoire français. Certains immigrés deviennent français par acquisition de la nationalité française, les autres restent étrangers. Au 1er janvier 2013, l’Insee recensait 5,84 millions d’immigrés en France, dont 2,36 millions de français. De nombreux immigrés ont donc désormais la nationalité française.
Un réfugié est une personne qui a obtenu le « statut de réfugié », en application de la convention de Genève (Convention des Nations Unies de 1951) destinée à protéger les victimes de persécution en raison de leur origine, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social ou de leur opinion politique.
Un demandeur d’asile est une personne qui demande le statut de réfugié parce qu’elle s’estime menacée pour sa vie ou sa liberté dans son pays. En France, sa demande est examinée par l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) puis en appel par la Cour nationale du droit d’asile (Cnda) qui ont pour mission d’accorder ou de refuser le statut de réfugié à cette personne.
Un débouté est une personne à laquelle le statut de réfugié a été refusé par l’Ofpra et la Cnda. Elle devient alors « sans-papiers ».
Un sans-papiers est un étranger qui vit en France sans avoir le droit d’y séjourner, soit parce qu’il n’a pas demandé de titre de séjour, soit parce que l’administration le lui a refusé ou ne le lui a pas renouvelé (sachant que la plupart du temps, il est entré en France de façon tout à fait légale). On estime généralement que le nombre de sans-papiers se situe entre 200 000 et 400 000 personnes.Les raisons de leur venue en France : travail, famille, asile, études
En dehors des ressortissants européens (membres de l’Union européenne) qui peuvent aisément s’installer et travailler en France (sauf les Roumains et les Bulgares, qui ont difficilement accès au droit au travail), les étrangers hors Union européenne viennent vivre en France pour quatre motifs principaux :
Pour travailler : c’est l’immigration dite « économique ». Depuis les fortes restrictions à l’immigration économique intervenues dès 1974, le nombre de nouveaux « immigrés économiques » autorisés à s’installer en France est faible : 25 000 en 2005, 31 000 en 2010, 20 845 en 2015.
Pour vivre avec sa famille : en 2015, plus de 90 000 nouvelles cartes de séjour ont été délivrées dans ce cadre. Il s’agit des personnes étrangères qui viennent au titre du regroupement familial rejoindre leur conjoint étranger résidant régulièrement en France (près de 15 000 personnes en 2010) ; ou encore des « conjoints de Français », (couples mixtes) : 40 000 étrangers conjoints de Français ont reçu un titre de séjour en 2010 (pour rappel, 75 % des migrants venus au titre du regroupement familial travaillent).
Au titre de l’asile : 13 820 étrangers ont obtenu le statut de réfugié en 2015.Pour étudier : 66 520 étudiants étrangers ont été autorisés à faire leurs études en France en 2010. Leur titre de séjour est provisoire (carte d’un an renouvelable) et la plupart d’entre eux devront repartir dans leur pays à la fin de leur cursus.
La législation
La législation est difficile à maîtriser, vu le nombre de changements de lois sur l’immigration en 30 ans : lois Defferre (1981), Dufoix (1984), Pasqua (1986), Joxe (1990), Marchand (1992), Pasqua (1993), Debré (1997), Chevènement (1998), Sarkozy (2003), Sarkozy (2006), Hortefeux (2007), Besson/Hortefeux (2011), loi asile du 29 juillet 2015 et loi sur le droit des étrangers du 7 mars 2016. Ces lois ont été intégrées dans le Ceseda, le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cette fébrilité législative traduit la grande sensibilité qui entoure la question des « immigrés », le côté passionnel voire irrationnel des réactions qu’elle engendre. Il est temps de la reprendre pour en parler de façon raisonnable, pragmatique, humaine.
D’où viennent-ils ?
Les étrangers : En 2013, 4,1 millions d’étrangers résidaient en France métropolitaine, dont 3,5 millions d’immigrés. Les trois pays d’origine les plus importants sont le Portugal, l’Algérie puis le Maroc : 1,4 million d’étrangers ont la
nationalité de l’un de ces trois pays.Les réfugiés : en 2015, il y a plus de 21 millions de réfugiés reconnus dans le monde. L’Europe en accueille 1,3 million. 150 000 d’entre eux résident en France, certains depuis de nombreuses années.
Les demandeurs d’asile : en 2015, un peu de plus de 80 075 nouvelles demandes d’asile ont été déposées en France. Les principales origines des demandeurs d’asile en 2015 sont : Le Soudan (5091), la Syrie (3403), le Kosovo (3139), le Bangladesh (3071) et Haïti (3049)..