-
« La force et la dignité de populations »
Témoignage
Lidia Miani, chef de service Asie au Ccfd, à son retour d’Aceh
7 mars 2005 -
Le conflit à Aceh : obstacle majeur à la mise en œuvre des secours
Le tsunami, qui a ravagé le Nord de l’île de Sumatra le 26 décembre 2004, a ouvert au monde de la région d’Aceh, complètement fermée depuis deux ans à toute présence étrangère pour cause de conflit entre l’armée et le Mouvement pour un Aceh Libre, appelé aussi GAM (de l’indonésien Gerakan Aceh Merdeka). Ce mouvement autonomiste a démarré ses activités en 1976, et le conflit qui l’oppose à l’armée aurait fait 12 000 morts (dont 2400 depuis 2003), dont de nombreux civils d’après des associations de défense des droits de l’homme.
-
Indonésie : la situation au 17 janvier 2005
Contexte général à Sumatra
- Les autorités indonésiennes font état de 115 229 morts à ce jour. Le nombre de disparus varie selon les Ministères indonésiens de 11 000 à 75 000 personnes.
- On estime à 700 000 le nombre de personnes qui ont été privé de toit. Des milliers de sans abris ont fui. La plupart vivent désormais dans des camps de fortune ou dans chez des proches. Leurs traumatismes psychologiques sont à priori graves.
- Le seul hôpital qui fonctionne est dirigé par des militaires. MSF a été autorisé néanmoins à ouvrir des cliniques à Aceh.
- L’essence qui a si cruellement manqué les premiers jours se revend à la pompe. L’électricité est rétablie dans plusieurs secteurs.
- Les coûts de la reconstruction de la province d’Aceh ne sont pour l’instant pas évalué avec précision. Des zones entières de la pointe Nord-ouest de l’île de Sumatra sont encore coupées de toute communication, et les secours en sont encore à la phase d’urgence. Le gouvernement a avancé le chiffre de 2,15 milliards de dollars, mais devraient affiner son estimation la semaine prochaine.
- L’aéroport est engorgé d’avions venus des quatre coins du monde. La compagnie nationale aérienne, Garuda, fournit cinq vols quotidiens supplémentaires, qui affichent tous complets.
- Il semble que les journalistes et les humanitaires doivent demander une autorisation à Djakarta pour entrer à Aceh dorénavant.
Les principales questions soulevées par la société civile
- L’aide est arrivée en Aceh aujourd’hui, mais sa distribution pose toujours problème.
- Les militaires sont accusés de refuser l’aide à des personnes qui ne présenteraient pas les papiers d’identité ou d’enregistrement adéquats.
- De l’aide serait stockée dans les aéroports de Djakarta et Medan en attendant les moyens logistiques pour l’acheminer.
- Le gouvernement communique toujours très peu d’informations sur l’aide d’urgence aux populations affectées.
- Les organisations qui envoient de l’aide alimentaire à Aceh se plaignent ne pas avoir une idée claire sur les procédures publiques et militaires de distribution de l’aide.
- «Ce que dure la compassion »[[Tiré du Courrier International n°740, 6 janvier 2005]]: Le séisme de Nabiré (en Papouasie en février 2004) constitue le dernier exemple en date d’une prolongation des souffrances des habitants par manque de coordination et de suivi de l’aide dans le temps. Deux semaines après qu’un tremblement de terre d’une magnitude 6,4 sur l’échelle de Richter eut touché la région –et cessé des faire la une des journaux indonésiens – les hôpitaux manquaient de médicaments les plus basiques pour soigner diverses maladies consécutives aux séismes, comme le paludisme, les infections respiratoires et la diarrhée. La prolongation de ces troubles était imputable à des conditions sanitaires désastreuses et la pénurie d’hébergement pour les personnes déplacées. A Aceh, la situation est similaire à une plus grande échelle, et la société civile s’inquiète qu’une fois l’élan de compassion retombé, le gouvernement n’élabore pas de projets pour la reconstruction d’infrastructures essentielles telles que les écoles et les hôpitaux, et relancer l’économie. A noter, les autorités indonésiennes auraient entrepris de replanter 600 000 hectares de mangrove, une barrière végétale, qui cède peu à peu la place à des fermes d’élevage de poisson ou de crevettes.
- Demande d’un cessez-le-feu immédiat entre les belligérants du conflit d’Aceh, et une levée de l’état d’urgence civil. Le GAM a offert un cessez-le-feu dès le 27 décembre. Or, l’armée continue à mener des raids contre la guérilla en particulier dans l’Est et le Nord d’Aceh. L’armée qui joue un rôle central dans la distribution de l’aide ne peut pas en même temps mener des activités militaires de sécurité.
-
Affronter le terrain
De Sheep, branche de la fondation Cindelaras, partenaire en Indonésie, 14 janvier 2005.
-
Implications du conflit séparatiste d’Aceh pour les opérations de secours en Indonésie
En Indonésie, le séisme et le raz-de-marée du 26 décembre 2004 a touché Aceh au nord de Sumatra, une zone déchirée par l’affrontement entre les rebelles indépendantistes du Gerakan Aceh Merdeka (GAM, Mouvement de libération d’Aceh) et l’armée indonésienne.
-
Les enjeux de la reconstruction
Quelle réhabilitation dans une région en guerre ?
L’état d’urgence est maintenu à Aceh et en dépit de la trêve du 27 décembre, l’armée n’aurait pas cessé ses raids contre la guérilla qui lutte pour l’indépendance. L’armée joue un double rôle, entre aide d’urgence et maintien de la sécurité. Elle souhaite par ailleurs limiter la présence des opérateurs étrangers…
Alerte maximum pour les enfants et les déplacés
Le tsunami laisserait plus de 35 000 orphelins en Indonésie. Le nombre de déplacés atteint 700 000. Ces populations particulièrement vulnérables doivent faire l’objet d’une attention particulière.
Tension inter religieuse entre chrétiens et musulmans
La charia a été promulguée en 2002 dans la province d’Aceh (qui bénéficie d’un statut spécial) et des associations islamistes craignent le prosélytisme chrétien sous couvert d’aide.
La dette: générosité limitée
Cette année, l’Indonésie est dispensée de payer les 3 milliards de dollars de service de sa dette publique extérieure (132 milliards de dollars). Le moratoire décidé par le Club de Paris est-il une aubaine alors que l’annulation de la dette n’a pas été évoquée ?
Coordination et transparence de l’aide
A Aceh, les acteurs de l’aide sont mulitples: Ong locales, gouvernement, Ong internationales, armées étrangères. La complexité et l’efficacité de cette logistique sont mises en doute. Face à l’afflux record de dons, se pose aussi le problème de la corruption. L’Ong Transparency International considère l’Indonésie comme l’un des pays les plus corrompus du monde.
L’aide contre la subsistance ?
Dans la province d’Aceh, des organisations locales ainsi qu’Oxfam donnent l’alerte : un apport massif d’aide alimentaire pourrait mettre en péril l’agriculture et la pêche qui font vivre la majorité de la population. Oxfam rapporte qu’avant le tsunami, Aceh produisait suffisamment de riz et d’aliments pour nourrir la totalité de sa population. Pourtant, les conditions de vie étaient déjà difficiles, notamment en raison des bas prix des denrées agricoles.
Les organisations paysannes locales, dont Fspi (partenaire du Ccfd) et Permata (Union des paysans et pêcheurs d’Aceh) craignent que l’arrivée d’aliments gratuits ne provoque l’effondrement des prix. D’où la nécessité de protéger et relancer les moyens de production, garants de l’autonomie des petits acteurs économiques.
Henri Saragih (Fspi) précise : « Tout le monde reconnaît le besoin d’aide alimentaire d’urgence. […] Mais nous demandons que les programmes d’aide s’approvisionnent autant que possible sur les marchés locaux ». Jusqu’à présent, le riz fourni par les Nations Unies provient de la compagnie d’Etat indonésienne et les importations de riz ne sont pas autorisées dans le pays. Mais l’ambassade des Etats-Unis a demandé à importer du riz dans le cadre de l’aide alimentaire… Une démarche qui, selon certaines organisations paysannes, pourraient amorcer l’ouverture du marché du riz et fragiliser encore plus les petits producteurs. -
Courrier de Sheep, branche de Cinderalas, sur sa démarche à Aceh
Le 8 janvier
Andreas Subiyono dirige le premier contingent de 15 volontaires (étudiants, médecins, pharmaciens). -
Dénuement extrême
Du FPUB (Forum interconfessionnel, basé à Java) sur la situation à Aceh, Indonésie, 2 janvier 2005
-
Le bilan en Indonésie
Aceh: la quasi-totalité des victimes
Le bilan officiel est de 242 000 morts et 700 000 personnes privées de toit, presque exclusivement dans la province d’Aceh. Certaines estimations locales font état d’un bilan beaucoup plus lourd, proche de 400 000 morts. (4 millions d’habitants), au nord de l’ïle de Sumatra. La ville de Meulaboh a perdu 40 000 de ses 95 000 habitants.
Contexte de guerre
Routes coupées, aéroport à la capacité limitée, ports maritimes détruits : l’acheminement et la distribution de l’aide sont particulièrement difficiles. La satisfaction des premiers besoins repose sur la capacité de mobilisation d’avions et d’hélicoptères militaires nationaux et étrangers.
Mais le conflit qui oppose l’armée indonésienne aux rebelles du Gam depuis 1976 complique la situation : contrainte de laisser Ong et armées étrangères pénétrer dans cette région sur laquelle elle maintenait un véritable black-out, l’armée indonésienne souhaite néanmoins garder une mainmise sur le territoire.
-
Indonésie : La mobilisation des partenaires
L’Onu et plus de 50 agences d’aide sont présentes sur place. De nombreuses organisations de la société civile indonésienne, partenaires du Ccfd, se sont mobilisées avec des volontaires.