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  • Edito

    De quoi cristalliser beaucoup d’avidités, et stimuler des stratégies de conquête. Conquête par les États, conquête par les élites, les puissants… Conquêtes en faveur d’un modèle de développement qui au final a primé sur tout autre, permettant à une minorité de la population mondiale de vivre dans l’opulence, laissant des miettes aux autres. Une opulence qui aujourd’hui dérègle tout, au sein même des sociétés censées en bénéficier. Car au nom d’impératifs divers de civilisation, puis de progrès, de croissance, les acteurs de cette conquête des ressources poursuivent trop souvent une logique implacable : celle du profit, du pouvoir. En face, des femmes et des hommes luttent, parfois au péril de leur vie, pour accéder à ces ressources afin de se nourrir.

    Aujourd’hui, 14% de la population mondiale ne mange pas à sa faim, tandis que 1% des plus riches de la planète s’accaparent 45% des richesses, et restent enfermés dans une logique de consommation vorace des ressources. En témoigne la nouvelle vague d’accaparements des terres et des ressources : une fuite en avant visant à poursuivre à tout prix, à l’échelle planétaire, l’accumulation et la croissance pour les plus nantis, ou pour les nouveaux riches.

    L’accaparement des ressources passe par des « investissements ». Le terme évoque l’apport en capitaux, en savoir faire, à des pays qui en manqueraient cruellement… Dans les faits, c’est souvent le pillage qui domine, et les violations des droits des populations locales. Certes, des investissements sont nécessaires, mais lesquels, par qui, pour qui ?

    La question devrait être au cœur de la conférence de Rio +20 : pas de développement durable sans respect des droits humains, sans répartition plus équitable de ressources naturelles que l’on sait aujourd’hui limitées. Ces accaparements ne prendront jamais fin, si ne s’impose pas une volonté plus forte que cette cupidité individuelle et collective. Ces investissements doivent donc être encadrés, réglementés, jugés à l’aune de leur respect des droits des populations locales et des générations futures. Grâce à des décennies de luttes et de propositions par les sociétés civiles, les Nations Unies, l’OCDE, et certains États, ont formulé des normes, mais elles restent insuffisantes, non contraignantes. Ils doivent maintenant aller au bout de ce qu’ils ont commencé, et ne pas céder aux sirènes de la croissance, de la conquête de nouveaux marchés, des seuls intérêts du secteur privé. L’intérêt général et le bien commun doivent primer.

    Un défi pour la justice. Un défi pour l’écologie, pour la planète toute entière. Un sujet sensible, bien entendu, qui exige d’aller au-delà des changements cosmétiques. « L’économie verte » et les principes de gouvernance débattus à Rio doivent mettre cette question au coeur, en donnant la priorité, dans l’accès aux ressources, aux droits humains et aux besoins fondamentaux, tels que l’alimentation humaine. C’est tout le modèle de développement qu’il faut repenser. Il faut empêcher que la planète ne soit dépecée au profi t d’une minorité, qui fi nira par en mourir elle-même.

    Les États, les entreprises, les investisseurs, les sociétés civiles, les citoyens… tous sont parties prenantes de la recherche d’autres voies. Permettre à chacun un juste accès à une part de ces richesses, afin que l’humanité vive dans la dignité : voilà un défi à relever pour la conférence Rio + 20 et son plan d’action.

    Catherine Gaudard
    Directrice du plaidoyer CCFD-Terre Solidaire

  • Recommandations

    Si les investissements ne sont pas conformes aux normes internationales en matière de droits humains, ils risquent de ne pas contribuer au développement de ces pays, voire de l’entraver. Les normes internationales existent, mais demeurent faiblement applicables, en raison de l’absence de mécanismes de contrôle, de mise en œuvre et de sanction en cas de violation. Ce corpus normatif international ne permet donc pas de combler les vides et les faiblesses des contextes législatifs nationaux. Les États et les Institutions Internationales devraient aujourd’hui impulser la mise en œuvre opérationnelle de ces normes internationales, afin de garantir le respect des droits humains dans les investissements sur les terres et les ressources. En ce sens, le Sommet de la Terre de Rio représente l’une de ces rares occasions dans lesquelles les États peuvent se concerter et donner une impulsion politique forte.
    S’agissant d’une problématique multidimensionnelle et impliquant des acteurs divers, il faut que les États agissent sur plusieurs fronts :

    Priorité aux investissements publics !

    • Les États doivent cesser de se soustraire de leurs responsabilités en sous-traitant le développement, le financement et la mise en œuvre des projets aux acteurs économiques privés. Ils doivent, via leurs ressources budgétaires propres ou via leurs politiques de coopération, réinvestir dans leurs politiques publiques et notamment dans leurs programmes agricoles. Les cadres régulant les activités des acteurs publiques sont aujourd’hui beaucoup plus conséquents pour prévenir les violations de droits.

    • Les populations locales et les organisations de la société civile démontrent et mettent en œuvre chaque jour des alternatives viables et durables répondant aux besoins de leurs territoires. Ces initiatives doivent être soutenues et renforcées. Pour cela, les investissements doivent s’inscrire dans des politiques participatives. Il est nécessaire de donner la priorité aux initiatives économiques locales, de petite échelle, dans le respect des droits et potentialités des populations dans les programmes destinés au secteur agricole des pays du Sud.

    Les investissements doivent répondre aux besoins des populations et non des seuls marchés. Le concept d’économie verte, promu par les institutions internationales, est loin de faire consensus. Sa définition demeure ambigüe et n’intègre pas, comme socle de base, les droits de l’Homme reconnus internationalement. Seule une économie dans laquelle les droits seraient opposables, pourrait être qualifiée de « verte ».

    Les investisseurs doivent être encadrés à l’aune de leurs impacts sur les droits humains

    Les entreprises multinationales doivent rendre des comptes pour les violations aux droits humains découlant de leurs activités dans les pays du Sud
    En 2011, des progrès importants ont été accomplis sur la question des impacts des entreprises sur les droits humains, notamment grâce à l’adoption en juin 2011 par le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies, des Principes directeurs relatifs aux entreprises transnationales et autres entreprises et du cadre conceptuel « protéger, respecter, réparer » qui établit clairement que les entreprises ont la responsabilité de respecter les droits humains. Parallèlement, l’OCDE terminait la révision de ses Principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales, qui constituent aujourd’hui le standard le plus élevé en matière d’entreprises et droits humains.

    Les Nations Unies attendent aujourd’hui des États qu’ils transposent ces nouvelles normes dans leurs législations internes afin d’en permettre l’application effective. Pour ce faire, les États doivent :

    • instaurer un régime de responsabilité juridique entre les maisons-mères des sociétés transnationales (basées souvent dans les pays du Nord) et leurs filiales et sous-traitants opérant dans les pays du Sud ;

    • ainsi, les États faciliteront l’accès à la justice pour les victimes des sociétés transnationales vivant dans les pays du Sud.

    Les Institutions Financières Internationales, les Banques bilatérales et multilatérales de développement et les Agence de crédit à l’exportation doivent exiger de leurs clients (les entreprises) qu’ils entreprennent des processus de diligence raisonnable en matière de droits humains et y conditionner les financements :

    • en instaurant des clauses de conditionnalité sur le respect des droits humains et des règles nationales ou internationales en matières sociale, environnementale et fiscale pour les entreprises bénéficiaires de fonds ou les entreprises sous-traitantes de l’État sur les projets financés ;

    • en évaluant l’impact de toute décision de concession, de privatisation ou d’autre réforme économique sur les droits humains, notamment les droits économiques, sociaux et culturels ;

    • en encourageant la signature d’accords ou de contrats durables, de type séquentiel, prévoyant une renégociation partielle des accords en fonction de l’évolution de la situation politique, au regard du développement durable et du respect des droits humains, dans l’esprit de ce que prévoit la Convention sur la diversité biologique de 1992.

    L’ensemble de ces principes et mesures doivent constituer la base de la réflexion sur les principes d’investissements responsables dans l’agriculture (RAI) de la Banque Mondiale, concernant la responsabilité et les devoirs des acteurs privés et financiers. Les Principes directeurs relatifs aux entreprises transnationales et autres entreprises comportent d’ailleurs deux addendum sur la question des investissements et des droits humains non repris dans les principes RAI à ce jour.

    Les États doivent veiller à la cohérence de leurs politiques, et à leur mise en œuvre efficace. Ils doivent :

    Mettre en œuvre et en cohérence l’ensemble des outils aujourd’hui adoptés (Directives volontaires sur la gouvernance foncière, Principes directeurs relatifs aux entreprises transnationales et autres entreprises, Principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales) pour développer des cadres d’investissements contraignants à l’égard des acteurs économiques privés et publics.

    Faire du droit à l’alimentation le fil conducteur de toute politique impactant les dynamiques agricoles afin d’assurer la cohérence des politiques (politique agricole, énergétique, commerciale, infrastructure, investissement, …). Les politiques nationales et internationales, doivent être élaborées au filtre de l’impératif de la souveraineté alimentaire et du soutien à l’agriculture familiale.

    Réaffirmer dans l’ensemble des rencontres internationales le rôle central des organes des Nations Unies pour assurer la mise en œuvre, la cohérence des actions et tout particulièrement confirmer la place prépondérante du Comité sur la Sécurité Alimentaire dans la gouvernance agricole et alimentaire mondiale, lui donner les moyens techniques, politiques, financiers correspondants et le doter d’outils de contrainte. Il en va de même pour la création éventuelle d’une agence spécialisée des Nations Unies sur l’environnement. Tout comme au CSA les organisations de la société civile devraient avoir accès à un mécanisme permettant leur participation.

  • Comment y faire face ?

    La Banque Mondiale elle-même reconnaît que les attentes suscitées par les investissements ne peuvent être comblées que « sous de bonnes conditions ».

    (suite…)

  • Investissements fonciers : une corne d’abondance… et d’injustices

    Pour justifier les investissements sur des terres, (arables ou non), les acteurs publics et /ou privés rivalisent de discours alléchants sur les avantages et bénéfices qu’ils sont censés générer, notamment pour les populations locales. C’est le cas dans l’agriculture où les investissements sont présentés comme des vecteurs de développement et d’une modernisation permettant l’augmentation du taux d’exploitation des terres, l’intensification, et donc des gains de productivité croissants.

    (suite…)

  • Acteurs et moteurs des accaparements de terres et de ressources

    Le jeu d’acteurs

    Les entreprises multinationales ont été les premières à être désignées comme responsables de l’accaparement. Mais, bien qu’elles soient les opératrices finales, une multitude d’acteurs prennent part dans ce phénomène complexe. On peut distinguer quatre catégories d’acteurs :

    • Les États : qu’il s’agisse d’États impulsant des investissements dans des pays tiers, pour répondre à leurs propres besoins alimentaires ou énergétiques, ou d’États hôtes qui accueillent, facilitent voir commanditent les investissements ;

    • Les investisseurs locaux (des élites locales, qu’il s’agisse de grands propriétaires, ou d’entrepreneurs, de riches particuliers…) ;

    • Les financeurs des projets parmi lesquels on retrouvera les Institutions Financières internationales, les Banques multilatérales de développement et les acteurs de la bancassurance, via les investisseurs institutionnels tels des fonds d’investissement et les fonds de pension ;

    • Les entreprises multinationales (tant privées que publiques).

    La relation, pour le moins ambigüe, entre les États (à la fois États hôtes et États commanditaires de projets) et les investisseurs, ne facilite certainement pas l’identification des responsabilités en cas de violations des droits. Les États hôtes tendent le plus souvent à satisfaire les intérêts des investisseurs avant de s’assurer du respect des droits des communautés locales. Dans bon nombre de cas, les terres appartiennent aux gouvernements ou ces derniers jouent des codes et droits fonciers pour en reprendre le contrôle ; il leur est alors facile de louer voir céder de grandes superficies aux investisseurs, avec des bénéfices souvent minimes, voire inexistants, tant pour les communautés au niveau local qu’en termes de recettes budgétaires nationales. Pour garantir toute forme de facilités pour les porteurs des projets, les États changent ou adaptent leur droit interne pour permettre ces investissements. Les investisseurs internationaux font même pression pour obtenir ainsi ce qu’ils appellent des « conditions favorables (aux investissements) » ou encore « l’élimination des inefficiences ».

    Un exemple de ces pratiques concerne l’interdiction de vente des terrains. Ainsi dans bon nombre de pays du Sud, la vente de terres (à petite ou grande échelle) à des acteurs étrangers (publics ou privés) est interdite par la loi : qu’à cela ne tienne, l’État y loue les terrains pour une longue période, ou encore passe par des entreprises ou agences nationales en tant qu’intermédiaire. L’État hôte peut aussi garantir les bénéfices pour les investisseurs en leur offrant des garanties financières via des prix du foncier attractifs, des prêts à un taux dérisoire, des avantages fiscaux et même des exceptions au droit du travail et de l’environnement. Ainsi, les mesures mises en place par les États et destinées à attirer les investisseurs (qu’elles soient inclues dans des contrats spécifiques ou découlent de modifications des codes d’investissements généraux ou relatifs à un secteur particulier) ne bénéficient qu’aux seuls acteurs privés (souvent étrangers) et à une poignée d’élites locales. Dans cette logique, la communauté locale, souvent déjà fragilisée, est mise à l’écart et ne peut faire face à ce qu’elle ressent comme une violation de son droit à la vie.

    De surcroît, il n’est pas rare de voir ces mêmes gouvernements porter atteinte au droit à manifester, ou à la liberté d’expression, afin de réprimer tout signe de mécontentement de la part des populations affectées. Pourtant, ces projets sont souvent à l’origine de graves violations : expulsions forcées, absence totale de consultation des populations, violation du droit d’usage… Bien évidemment, sauf rare exception, dans ce jeu du pot de fer contre le pot de terre, les populations victimes n’ont pas accès à la justice et ne peuvent obtenir réparation des préjudices subis.

    Bien souvent, tous les moyens semblent valables pour réaliser les investissements : le harcèlement quotidien (via la coercition, la violence morale ou physique) des populations vivant sur ces terres est une pratique courante. On peut ainsi voir des professionnels chercher à persuader les petits propriétaires de vendre leurs terres, en faisant miroiter de nombreux avantages souvent factices, voire en les montant les uns contre les autres et en jouant des divisions entre et dans les communautés. C’est aussi simplement la pauvreté qui peut pousser certains à vendre leurs terres, à cause d’une augmentation du coût de la vie locale, ou du montant des impôts.

    Le manque d’information sur les droits est également un facteur aggravant dans le rapport de force inégal entre investisseurs et communautés locales. Le droit foncier est bien entendu au centre des enjeux : manquant de transparence, voire inexistant, il peut être un facilitateur clef de l’accaparement de terres. Dans certaines régions, les petits producteurs, les communautés paysannes, les populations indigènes ou les habitants locaux, même s’ils sont les utilisateurs ancestraux des terres, n’ont pas de titres de propriété. Les formes de reconnaissance d’occupation ou de possession de la terre varient fortement, et l’on peut voir dans certaines régions se juxtaposer droits coutumiers, pratiques communautaires et code foncier national. Même dans des pays avec des droits fonciers réformés et unifiés, l’accès aux instances judiciaires gratuites et populaires n’est pas toujours assuré. Parfois les populations locales, démunies sur le plan financier ou en termes d’information sur leurs droits, ne trouvent pas les moyens pour se défendre face à la violation de leurs droits. L’État lui-même peut se retrouver impuissant pour défendre les intérêts de sa population face à la pression des géants économiques poussant l’investissement en question. Le gouvernement local peut alors se retourner contre le gouvernement régional ou national, ou vice-versa.

    Les intouchables de Thervoy (Inde) privés de leur forêt collective
    En Inde, depuis plus de deux cents ans les 6 000 « Dalits » (intouchables) du village de Thervoy, situé à 60 kilomètres de Chennai, au Tamil Nadu, vivaient de l’agriculture, de l’élevage et de la cueillette dans la forêt « collective » dont ils disposaient. En 2007, en lisant le journal, les habitants découvrent que la State Industries Promotion Corporation of Tamil Nadu (SIPCOT) – une agence créée en 1971 par le gouvernement indien afin de développer l’activité industrielle au Tamil Nadu – prévoit d’abattre 450 hectares de « leur forêt collective » afin d’y implanter un parc industriel.

    Le terrain sera donc loué pour une période de 99 ans renouvelable, à des entreprises, indiennes et étrangères. Pour l’heure, seulement une entreprise française a obtenu les permis pour y construire l’une de ses plus grandes usines au monde. Il s’agit de Michelin. Comme c’est souvent le cas, les villageois de Thervoy ne détiennent pas de titre de propriété sur la forêt, mais ont bénéficié pendant deux siècles d’un droit d’usage relevant de la coutume. Dès lors, une partie importante des villageois protestent pacifiquement (grève de la faim, marches citoyennes, barrages symboliques) contre la manière dont le gouvernement local a engagé l’implantation dans cette zone. Ils s’insurgent de la non prise en compte de leurs droits et du droit national en vigueur en Inde, de l’absence de consultation et d’information préalable, de l’absence de mesure visant à prévenir véritablement les impacts potentiellement négatifs en matière environnementale et de droits humains. La réponse du gouvernement local, classique, a été de réprimer les manifestations et restreindre les droits d’expression. Au vu du rôle clé joué par Michelin dans l’ouverture de la zone industrielle, les organisations locales ont protesté contre l’implantation de l’entreprise, espérant une prise en compte de leurs préoccupations. Bien que l’entreprise développe une politique active en termes de « projets sociaux », elle n’apporte pas de réponse satisfaisante concernant les impacts sociaux et environnementaux en amont et en aval de son implantation dans cette zone. Le projet de site industriel, donnera aussi lieu à la création d’un nombre important d’infrastructures (routes, pipeline…) nécessaires pour relier le site en question à la ville. On estime à 200 000 le nombre de personnes potentiellement impactées dans un rayon de 10 kilomètres autour du site. La création du parc industriel va donc irrémédiablement changer la géographie et la sociologie du territoire en question, et aucun des acteurs impliqués dans ce projet d’investissement – qu’il s’agisse de l’entreprise ou du gouvernement – n’est en capacité de prévoir quel sera le sort de ces populations. En effet, aucune étude d’impact « solide » n’a été réalisée afin de prévoir l’inclusion de ces populations – pour la plupart non formées aux métiers industriels – dans la nouvelle configuration que prendra la zone. De surcroît, sur les 31 villages potentiellement impactés, se compte un village de populations Adivasi (indigènes), qui auraient dû faire l’objet d’un processus consultatif spécifique comme le prévoient les conventions 107 (ratifiée par l’Inde) et 168 de l’Organisation Internationale du Travail. Le cas de Thervoy n’est qu’un cas parmi de nombreux autres en termes d’accaparement de terres en Inde. Sans l’accès à leur forêt la population de Thervoy risque fort de venir grossir les couches les plus défavorisées des grandes villes et de perdre, en plus de leur terre, leur dignité, leur identité et leur culture.

    Les élites locales, qui jouent souvent un rôle considérable dans les pratiques d’accaparement de terres et de ressources, profitent de l’absence de droit régulateur pour s’approprier des terres, à travers par exemple la falsification des titres de propriété et la corruption des administrations locales. Elles jouent également sur leur influence politique ou la tromperie des populations locales. Ainsi les élites locales peuvent poursuivre leurs propres intérêts, en s’appropriant la terre pour l’exploiter directement, mais elles peuvent également jouer le rôle d’intermédiaire pour des acteurs étrangers dans les processus de transaction foncière. En effet, ces élites ont un accès plus facile et une meilleure connaissance des communautés locales, et peuvent donc faciliter le processus d’accaparement. La corruption est certainement un important moyen pour faciliter ce type d’investissements : les pots de vin et les avantages pécuniaires sont des pratiques fréquentes dans les négociations foncières.

    Les moteurs des accaparements

    Les motivations qui poussent les différents acteurs à investir ont bien évidemment une matrice commune, à savoir, les retombées économiques. Que la motivation mise en avant soit la satisfaction d’un besoin du pays d’origine de l’investissement (sécurité alimentaire ou énergétique…), ou au contraire le développement du pays d’accueil de l’investissement, dans les deux cas on trouve une volonté de garantir la croissance du pays d’origine. L’investissement est l’occasion de garantir à des acteurs, du Nord comme des pays émergents, de nouveaux marchés et des activités économiques rentables. Les derniers sommets du G8 et du G20 ont montré avec clarté cette volonté.

    Le souci de certains pays de garantir à leur population une alimentation suffisante a d’abord été mis en avant comme responsable des accaparements de terres. En effet, des pays comme le Japon, la Corée du Sud ou encore l’Arabie Saoudite, qui dépendent en grande partie des importations pour leur sécurité alimentaire, sont en quête de terres agricoles hors de leurs frontières, principalement en Afrique.

    En assurant une partie de leur production dans un pays tiers, ces États assurent leur approvisionnement et se prémunissent contre des factures d’importation alimentaire liées à la volatilité du prix des matières premières. Ce phénomène s’est accéléré avec la crise alimentaire de 2007-2008. Due à un pic des prix sur les marchés de denrées alimentaires elle a directement plongé 125 millions de personnes supplémentaires dans l’insécurité alimentaire. Cette crise a remis sur le devant de la scène économique, politique et médiatique l’enjeu alimentaire mondial avec en perspective 9 milliards de personnes à nourrir d’ici 2 050 dans un contexte de déséquilibre accru des productions et des marchés, et des impacts liés au changement climatique renforçant ces difficultés. Aujourd’hui l’agriculture est plus que jamais un enjeu stratégique, complexifiant encore plus la problématique foncière mondiale.

    Au-delà de la sécurité alimentaire, on constate un intérêt croissant pour des investissements sur des terres agricoles afin de répondre à des demandes nouvelles notamment en matière d’approvisionnement énergétique (agrocarburants), mais aussi de crédits carbones, de matières premières (notamment d’hydrocarbures) et même d’espaces touristiques. Ainsi, la terre devient un produit de base comme un autre désormais soumis au jeu de l’offre et de la demande dans des marchés dérégulés.

    En effet, de nombreux pays du Nord et émergents adoptent aujourd’hui des politiques ambitieuses d’incorporation d’agrocarburants, en prévision de la pénurie d’énergies fossiles (pétrole, gaz…). Les États donnent ainsi des signaux incitatifs aux investisseurs privés, sans pour autant les assortir d’une régulation à même de garantir le respect des droits des populations. Ainsi, en 2003, l’Union Européenne a adopté une directive qui, en fixant des objectifs obligatoires d’incorporation, a encouragé le développement de cultures à grande échelle destinées à la production d’agrocarburants de première génération, y compris dans les pays du Sud, au détriment de l’agriculture vivrière. Bien que des organisations de défense des droits humains et de l’environnement se soient levées contre cette directive, elles n’ont obtenu qu’un maigre correctif. Certes, un critère de durabilité pour les agrocarburants a été instauré lors de l’adoption du Paquet Energie Climat en 2008, visant à introduire à la fois des enjeux environnementaux et sociaux, mais ils ne sont assortis d’aucune norme sociale contraignante, et ne font aucune référence à la Charte internationale des droits de l’Homme.

    Sur le même principe, la course au crédit carbone risque d’avoir d’énormes conséquences sur les communautés locales notamment indigènes et autochtones. Le programme Redd, développé par l’ONU et inscrit dans le protocole de Kyoto, a pour objectif affiché la réduction des émissions de CO2 provenant de la déforestation et de la dégradation des forêts. Pour ce faire, les entreprises sont incitées à préserver les forêts dans lesquelles elles opèrent, ou à en planter de nouvelles, et peuvent ensuite vendre leur crédit carbone forestier sur les marchés boursiers à des firmes désireuses de compenser leurs émissions. Bien que partant d’un bon principe, cette incitation, si elle n’est pas assortie d’une politique de prévention des risques de violations des droits humains, pourrait avoir également des conséquences néfastes au niveau local.

    La libéralisation et la promotion des investissements étrangers a également été un élément majeur favorisant les accaparements de terres dans les pays du Sud. Les investissements directs internationaux (IDI) dominent aujourd’hui l’ensemble des politiques en matière d’investissement : agricole, commercial, infrastructures…

    Presque tous les pays disposent ainsi d’une réglementation favorable à ces IDI. Selon la CNUCED (2001), entre 1991 et 2000, 1185 modifications au total ont été apportées aux régimes nationaux réglementant les IDI, dont 95 % visaient à faciliter ces investissements. Attirer les investisseurs étrangers — ou les maintenir sur le territoire — constitue en effet une préoccupation pour bon nombre de pays. En 2010, 178 nouveaux accords internationaux d’investissements ont été signés (plus de trois par semaines) et plus de 48 dans les seuls trois premiers mois de 2011.

    L’assouplissement considérable du cadre réglementant les IDI a donc des incidences importantes sur les choix de localisation des entreprises : il leur permet de rechercher les sites qui permettent la meilleure optimisation financière aux différentes étapes de leur processus de production.

  • Cerner le phénomène

    Parmi les conséquences néfastes de la crise financière globale, il en est une qui inquiète particulièrement : la montée en puissance du secteur privé comme instrument de coopération. Les États, aux ressources publiques de plus en plus exsangues, et peu disposés à en engager pour la coopération, gèlent leur participation ou se dégagent des politiques publiques internationales de développement. Ils en appellent notamment au secteur privé pour s’intégrer dans leurs plans d’actions : que ce soit dans les politiques nationales ou dans les sommets régionaux et internationaux (Rio+20 mais aussi le Forum Mondial de l’Eau, le G8, le G20, l’Union Européenne ,…), le secteur privé s’impose aux côtés des États qui s’adressent de plus en plus à lui afin de trouver les ressources nécessaires pour tenir leurs engagements en matière d’aide au développement dans les pays du Sud. Les organisations internationales connaissent les mêmes difficultés et peinent à répondre aux situations de crise. Le Programme Alimentaire Mondial et l’Agence des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation (FAO) ont ainsi dû réitérer leurs appels d’urgence par manque de financement pour répondre à la crise alimentaire dans la Corne de l’Afrique et dans le Sahel.De fait, l’inclusion du secteur et des investissements privés dans les politiques publiques constitue un effet d’aubaine en permettant notamment aux entreprises des pays du Nord et émergents d’avoir accès aux marchés et aux ressources encore partiellement exploités et insuffisamment régulés des pays du Sud… sans avoir à assumer ni les objectifs ni les exigences de réelles politiques publiques en la matière.

    Le lancement de nouvelles dynamiques internationales, si louable en soit l’objectif annoncé, peut aboutir à des mesures totalement contre-productives, et accoucher de « fausses solutions ». Le précédent des agrocarburants devrait nous le rappeler : sous l’objectif vertueux de développer des énergies alternatives aux ressources fossiles, l’incorporation d’éthanol et de diesel végétal dans les carburants s’est traduit par une ruée sur les terres et les productions agricoles et une flambée sans précédent des prix alimentaires dans les pays du Sud. Tout cela pour une réduction des émissions de gaz à effet de serre largement remise en cause. La raison ? À vouloir ménager la chèvre et le choux, c’est au final le loup qui a le dessus : les pays les plus riches ou émergents, tout en prônant la coopération et la solidarité, veulent à tout prix poursuivre leur propre croissance. Ils ont besoin pour cela d’accéder aux ressources naturelles qui leur manquent : c’est donc avant tout la libéralisation des échanges et la croissance de leurs propres investissements qu’ils encouragent, même dans le cadre des politiques de coopération.

    Ces investissements sont ainsi souvent liés à l’accès aux terres et aux ressources des pays destinataires, s’apparentant trop souvent à un accaparement de ces ressources. Il est désormais bien connu que de tels investissements peuvent avoir des impacts négatifs sur l’environnement et les populations locales. Ils continuent cependant d’être promus dans toutes les instances internationales et nationales, sans être assortis des conditions nécessaires. Sur ce point, le Sommet de la Terre qui se tient à Rio du 20 au 22 juin 2012 ne fait pas exception.

    À qui profitent réellement ces investissements ? Quel coût humain, social et environnemental représentent les accaparements de terres et de ressources qui y sont liés ?

    L’objectif des États réunis aux Sommets de la Terre est-il bien de préserver notre planète, ses ressources, et un développement durable pour tous, ou de se faire les représentants de commerce de leurs entreprises ?

    Définition et chiffre

    Si la problématique n’est pas nouvelle, les accaparements de terres et de ressources se sont considérablement accrus ces dernières années et atteignent des niveaux inquiétants. Aujourd’hui, relever le défi environnemental soulève de nombreux enjeux connexes, dont l’un est fondamental : celui d’une gestion des terres et des ressources naturelles. Cependant, la volonté de développer des modèles durables de gestion de ces ressources, tout en répondant aux besoins fondamentaux de l’humanité, se confronte à des intérêts contradictoires : ainsi le défi alimentaire – nourrir 9 milliards d’humains en 2050 – s’oppose au défi énergétique, qui comporte le développement d’énergies dites alternatives (comme les agrocarburants à base de matière première agricole)… Ce même défi alimentaire est confronté à l’urbanisation croissante et à la volonté de développer des infrastructures pour les bâtiments, les transports, l’électrification… L’un comme l’autre défi reposent sur l’accès à des terres et des ressources (eau, forêts, sous-sols..). Dans la poursuite de l’objectif prioritaire qu’ils se sont fixés, les acteurs cherchent donc à s’approprier ces ressources.

    Les accaparements de terres et de ressources : la définition du CCFD-Terre Solidaire

    Si l’on s’accorde sur l’existence d’une dynamique d’accaparement de terres à l’échelle mondiale, la terminologie permettant de rendre compte de la nature et de l’ampleur du phénomène est différente selon les acteurs. Ainsi, le terme accaparement des terres est principalement utilisé par les ONG et les médias dans l’intention d’utiliser des mots forts afin de frapper l’imagination. Plusieurs expressions ont également une grande portée symbolique, comme « la ruée vers les terres » ou « le grand monopoly » (des acquisitions de terres). D’autres expressions à forte connotation négative sont également utilisées – telles que transaction foncière illégitime, spoliation, confiscations massives – et mettent en avant le caractère (supposé) illégal voire usurpatoire de ces pratiques.

    Au contraire, d’autres acteurs, comme les institutions internationales, se veulent plus neutres dans leurs discours afin de ne pas prendre parti ou exprimer un jugement de valeur. Elles utilisent ainsi de préférence les termes techniques faisant référence aux formes de contractualisation de la terre (acquisition, transaction, concession) ou à l’action sous-jacente supposée, à savoir, les investissements. Du côté des acteurs académiques, les travaux déjà produits sur ce thème sont peu nombreux et disparates, révélant, si ce n’est un manque d’intérêt, du moins un manque de discussion et de recul sur le sujet. Quant à l’implication des médias dans le débat, elle est relativement modérée (le sujet étant couvert par un nombre limité de journalistes généralement spécialistes des questions de développement). Le terme choisi pour définir le sujet dépend alors de l’implication des journalistes, de leur volonté d’orienter le lecteur ou encore du degré de liberté dont ils disposent.

    Une récente présentation de la FAO en amont de la dernière Conférence Régionale d’Amérique Latine qui reprenait plusieurs études sur le phénomène soulignait ainsi que les accaparements étaient un phénomène nouveau et limité à deux pays, l’Argentine et le Brésil. D’autres analyses se limitent aux accaparements de terres dits « de grande échelle ». Ainsi chacune de ces définitions réduit le champ d’analyse.

    Pour le CCFD-Terre Solidaire, l’accaparement des terres concerne la prise de contrôle d’un territoire (par achat, location, occupation,…), qu’elle soit légale ou non, qui entraînent des incidences négatives sur les communautés locales ou les usagers originaux du terrain, c’est-à-dire lorsque les transactions foncières affectent directement ou indirectement le modèle économique, sociétal, social ou environnemental des communautés locales et portent donc atteinte aux droits inscrits dans la Charte internationale des droits de l’Homme. Les conflits d’intérêt qui accompagnent cette pratique sont autant de signes qu’il existe un rapport de force inégal entre investisseurs, gouvernements et communautés locales. La question de l’inégalité est aggravée par la faiblesse des mécanismes d’accès et de recours à la justice par les communautés locales affectées.

    Cette définition des accaparements de terres s’appuie principalement sur l’existence d’impacts négatifs (sur les communautés locales, les droits humains, l’environnement), sur les pratiques des acteurs (rapport de force inégal, absence d’information, de transparence, de concertation, etc.) et sur les absences / lacunes des cadres normatifs (tableau 1). Toutes ces caractéristiques sont considérées comme « centrales », les autres caractéristiques (montants investis, nombre et nature des transactions, origines des investisseurs, etc.) sont dites « périphériques ».

    Outre son exhaustivité, cette définition permet d’éviter les écueils liés aux caractéristiques fréquemment utilisées pour désigner les accaparements de terres, qui révèlent leurs limites.

    Les déterminants généralement utilisés pour désigner les accaparements de terres et de ressources

    Si les caractéristiques retenues pour définir le phénomène d’accaparements de terres et de ressources sont différents selon les acteurs, certaines prédominent : la superficie de terres concernée, le montant et la finalité des investissements, et les types d’acteurs impliqués. Mais au vu des exemples connus et des pratiques constatées ces dernières années, aucun de ces éléments ne semble totalement pertinent pour appuyer une analyse et proposer une définition. En effet, bien que la taille du terrain accaparé soit souvent citée, cette approche est trop relative et pose la question du seuil à considérer (lequel bien entendu varie selon les contextes, la taille du pays, etc.). Aussi plutôt que la taille des terrains concernés, il paraît plus pertinent de considérer s’il y a concentration de terre dans les mains d’un nombre restreint de personnes, ou de prendre en compte la valeur sociale, environnementale et « alimentaire » des terrains appropriés.

    Concernant le montant des opérations, la notion est aussi relative. À partir de quelle somme peut-on considérer qu’il y a un investissement massif sur un territoire ? Seuls “les principes de l’Equateur” traitent du montant des investissements, toutefois ils ne considèrent le phénomène que sous l’angle des grands projets tels que la construction d’infrastructures, de barrages, d’industries extractives dont le montant d’ investissement dépasse les 10 millions d’USD. Or, dans de nombreuses situations, les accaparements se font finalement pour des montants dérisoires voir quasi symboliques. Le volume financier des opérations ne peut donc pas non plus être considéré comme la caractéristique centrale pour définir le phénomène.

    L’objectif final de l’investissement pose également problème. S’il existe une prédominance notable des accaparements de terres et de ressources en lien avec une production de matières premières agricoles – monocultures d’huile de palme, de soja, de canne à sucre, de blé etc. – des négociations foncières dans d’autres secteurs d’activités (tels que le secteur extractif, l’installation d’une usine et même le tourisme) ont les mêmes incidences négatives sur les communautés locales.

    Enfin, sur la nature des acteurs, les plus anciennes définitions d’accaparements de terres sont centrées sur les investissements fonciers réalisés par les acteurs étrangers tels que les multinationales, les banques, les assurances ou encore les États via leurs fonds d’investissement. Cependant, cette analyse ignore largement le jeu des intermédiaires. Des études plus récentes soulignent l’importance des projets engagés par des entreprises nationales ou des élites locales qui engendrent aussi d’importantes « externalités négatives » (impacts) sur les communautés locales. La nationalité de l’acteur responsable d’accaparements ne peut donc pas être considérée comme un critère d’analyse (d’autant plus que la mondialisation économique et les multiples connexions et relations d’influence entre investisseurs de tous horizons participent à la dilution de l’identité des acteurs économiques).

    Au-delà des débats sur la terminologie utilisée pour décrire le phénomène et le choix des caractéristiques, le chiffrage même des accaparements de terres fait débat.

    Quelques chiffres clés et tendances

    De nombreux acteurs (Organisations Internationales comme la Banque Mondiale, la FAO, ou des ONGs) ont essayé de quantifier l’ensemble des transactions foncières mais les référentiels d’analyse sont trop différents et ne permettent pas une comparaison. L’estimation la plus élevée considère qu’entre 2000 et 2011, au moins 203 millions d’hectares ont fait l’objet de négociations (achevées ou en cours), soit la moitié du territoire de l’Union Européenne !

    Mais, tout comme l’ampleur de la surface accaparée ne constitue pas une caractéristique centrale pour l’analyse du phénomène, les chiffres annoncés ne permettent pas de cerner pleinement l’ampleur réelle (et donc les effets concrets) du phénomène. De plus, nombre de transactions ne sont pas signalées ou rendues publiques et chaque jour la liste s’allonge. Les chiffres annoncés sont ainsi sans aucun doute largement sous-estimés. Dans l’optique de considérer les accaparements de terres et leurs impacts dans la perspective des droits humains et de l’environnement, il serait intéressant de modifier la méthodologie de calcul et sa présentation en mettant en lien l’acquisition de terres avec les impacts négatifs qui en découlent pour les populations locales.

    Les différentes analyses font état tout de même d’un certain nombre de tendances dans l’évolution du phénomène :

    • la demande en terres (et donc la pression au niveau mondial) reste importante et va continuer de s’accroître à long terme, favorisée par des tensions constantes sur les marchés de matières premières, l’augmentation de la production et de la consommation d’agrocarburants et la raréfaction des terres et ressources.

    • cette ruée vers les terres est non seulement liée à la production de nourriture, et concerne donc les terres cultivées et cultivables, mais également à l’extraction de matières premières. Ainsi, si 78 % des accaparements recensés par l’ILC concernent la production agricole (dont les trois quarts destinés aux agrocarburants), le secteur extractif, industriel, touristique et les conversions forestières prennent aussi une part significative (22 % des investissements).

    • l’Afrique est principalement concernée par les accaparements de terres. On estime à 134 millions d’hectares la surface ayant fait l’objet de transaction en Afrique entre 2000 et 2010 (soit l’équivalent du Tchad, deuxième plus grand pays d’Afrique sub-saharienne). Le continent asiatique est le deuxième le plus touché avec 22 millions d’hectares.

    Le « grenier » du Mali menacé par des investissements

    La région de l’office du Niger se situe au centre du Mali et constitue le « grenier » du pays. Sur ces terres, où se pratiquent l’élevage et le maraîchage, 90 000 hectares de terres irriguées étaient jusqu’alors réparties entre 50 000 exploitants qui assuraient à eux seuls 60% des besoins en riz du pays. Mais ces dernières années, des accords portant sur plusieurs centaines de milliers d’hectares de terres agricoles de la région ont été signés entre le gouvernement malien et des investisseurs privés ou publics.

    Ainsi, des travaux d’élargissement d’un canal d’irrigation de 40 kms de long, et la construction d’une route, sont prévus dans le cadre du projet Malibya porté par une société libyenne sur une surface de 100 000 hectares (production envisagée : riz, produits maraîchers, maïs, bétail, pour exportation vers la Libye). Alors que les travaux n’ont pas encore abouti, les habitants de la région sont déjà mécontents d’avoir vu leurs habitations démolies et d’avoir été très mal dédommagés. En outre, les maraîchers de la zone se plaignent d’une pénurie d’eau consécutive aux travaux. En effet, un investissement d’une telle ampleur ne prend pas seulement la terre, mais aussi l’eau, la forêt, la biodiversité, la faune, la flore : accaparer des terres, c’est accaparer tout un écosystème ! Le contrat signé avec l’État malien assure au projet Malibya un accès prioritaire à l’eau durant la saison sèche.

    Dans un autre domaine, l’expansion du périmètre sucrier via un partenariat public-privé entre l’État malien et la société sucrière Markala menace une trentaine de villages, provoquant inquiétude et colère parmi les habitants : ils s’interrogent sur le devenir de leur sécurité alimentaire et sur l’intérêt pour eux de la transformation de champs qui, depuis des générations, servaient à nourrir une grande partie du pays. Aujourd’hui tout est remplacé par de la canne à sucre servant à la fabrication d’agrocarburants !

    Ces grands investissements ont des conséquences dramatiques sur les communautés paysannes : la plupart de ces projets provoquent des déplacements de population, réinstallées sur des terres marginales et plus pauvres. Cela entraîne la paupérisation de la communauté, incapable de compenser la perte d’autosuffisance alimentaire par des revenus suffisamment stables.

    À ce triste recensement, il faut ajouter la privatisation des terres du village de Sanamadougou. Fort de ses connivences avec les plus hautes sphères de l’État, un homme d’affaires malien a depuis 2009 fait intervenir l’armée à plusieurs reprises. Des maisons ont été rasées et des dizaines de personnes emprisonnées. Les villageois rapportent que depuis le début du conflit, trois personnes seraient décédées et une femme aurait fait une fausse couche du fait des violences subies.

    Mais les habitants du village de Sanamadougou ne se résignent pas. En novembre 2011 ils participaient à la conférence paysanne internationale organisée à Nyéléni sous l’égide de la Via Campesina, aux côtés de représentants d’organisations paysannes et d’ONG venus des quatre coins du monde ou des villages en conflits de l’Office du Niger. Dans leur résolution finale, les organisations ont souhaité rappeler que « la lutte contre les accaparements de terres est un combat contre le capitalisme et contre un modèle économique prédateur. Nos terres et nos identités ne sont pas à vendre ! ».

    La convergence malienne contre les accaparements de terres, à laquelle participent des partenaires du CCFD-Terre Solidaire, a adressé le 18 mai 2012 une lettre ouverte au ministre de l’Agriculture, de la pêche et de l’élevage et ancien directeur de l’Office du Niger dénonçant la situation particulièrement difficile des villageois de Sanamadougou : « Les petits producteurs au Mali sont ceux qui ont investi dans les terres depuis des générations, et non les investisseurs qui viennent s’accaparer précisément ces terres. […] Aujourd’hui, c’est la survie de certains d’entre eux qui est menacée, surtout avec la ruée des investisseurs sur les terres agricoles pour l’agrobusiness ».

    Pour comprendre et résister au phénomène de l’accaparement de terre il est nécessaire de répondre aux questions suivantes : quelles sont les pratiques les plus fréquentes qui permettent que les terres soient appropriées par un autre acteur que celui qui utilisait le terrain à l’origine ? Quels acteurs sont impliqués dans ce phénomène ? Quels enjeux se cachent derrière ce phénomène ?

  • Résumé du rapport

    Les États et les institutions internationales (Nations Unies, Banque Mondiale…), dont la crise de la dette fait vaciller les budgets, s’adressent de plus en plus au secteur privé afin de trouver les ressources nécessaires pour investir dans le développement, y compris pour tenir leurs engagements d’aide et de coopération.
    Il en découle des politiques publiques qui n’ont plus de public que le nom : elles placent les acteurs économiques et privés au cœur de leur stratégie. Ainsi, outre les États, une multitude d’acteurs concourent à ce phénomène complexe parmi lesquels les élites locales, les financeurs de projets et les entreprises multinationales. Les relations, pour le moins ambigües, entre ces acteurs tendent à faciliter les intérêts des investisseurs plutôt que de s’assurer du respect des droits des populations locales. Les investissements sont généralement présentés sous un jour alléchant en termes d’avantages et des bénéfices pour le pays d’accueil. La réalité est loin du compte, et ces investissements se traduisent trop souvent par de multiples violations des droits humains, face auxquelles les populations sont démunies. L’ensemble de cette dynamique, marquée par la multiplicité des acteurs et des impacts, défi nit, selon le CCFD-Terre Solidaire, le phénomène d’accaparement de terres et de ressources : c’est « la prise de contrôle d’un territoire (par achat, location, occupation,…), qu’elle soit légale ou non, qui entraîne des incidences négatives sur les communautés locales ou les usagers originaux du terrain, c’est-à-dire lorsque les transactions foncières affectent directement ou indirectement le modèle économique, sociétal, social ou environnemental des communautés locales et portent donc atteinte aux droits inscrits dans la Charte internationale des droits de l’Homme. Les conflits d’intérêt qui accompagnent cette pratique sont autant de signes qu’il existe un rapport de force inégal entre investisseurs, gouvernements et communautés locales. La question de l’inégalité est aggravée par la faiblesse des mécanismes d’accès et de recours à la justice par les communautés locales affectées ».
    Les motivations poussant les différents acteurs à investir ont bien évidemment une matrice commune, à savoir, les retombées économiques. Au nom de la satisfaction d’un besoin tel que la sécurité alimentaire ou la diminution de la dépendance au pétrole, se cache bien souvent la nécessité de garantir la croissance des pays d’origine de l’investissement, en garantissant aux acteurs privés du Nord comme des pays émergents, des nouveaux marchés et des activités économiques rentables. Ainsi, la terre devient un produit de base comme un autre soumis au jeu de l’offre et de la demande dans des marchés dérégulés, sous l’argument majeur et fallacieux de créer des sources de revenus pour l’État.

    Des propositions pour un encadrement des investissements.
    C’est à l’aune des impacts négatifs qu’il faut formuler les conditions qui devraient s’imposer à ces investissements, afin qu’ils puissent véritablement avoir des effets bénéfiques. Sous la pression des sociétés civiles, certaines régulations ont déjà été formulées : les Nations Unies et les entités qui en dépendent sont à l’origine de la majeure partie de ces textes de référence en matière de droits de l’Homme et sociétés multinationales, de défense des droits des peuples autochtones, d’investissements responsables et de tenure des terres. Mais ces textes restent trop faibles car non contraignants.
    Plutôt que de mettre la priorité sur les investisseurs étrangers, c’est en soutenant les agricultures familiales et les microentreprises locales, et en leur donnant la priorité dans l’accès aux ressources (foncières, hydriques, etc.) que la situation alimentaire progressera. Les investissements étrangers ne seront utiles et pertinents que s’ils s’inscrivent dans un tel cadre. Par ailleurs, ces investissements étrangers ne bénéfi cieront aux populations que s’ils se font dans le respect des droits de l’homme.

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