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Sommet Afrique-Europe : osons une approche solidaire des migrations

février 16th, 2022 by

Tribune co-signée par le CCFD-Terre Solidaire parue dans Médiapart et Politis le 16 février 2022.

Quatorze ans après sa précédente présidence du Conseil de l’Union européenne, la France fait de nouveau du contrôle des migrations l’une des priorités de la coopération euro-africaine. À l’occasion du sommet Union européenne-Union africaine, institutions actuellement présidées par le Président sénégalais Macky Sall et par le Président français Emmanuel Macron, nous, associations de solidarité internationale, réitérons notre opposition à cette orientation, ancrée de longue date dans l’agenda politique et produisant des résultats toujours plus délétères.

Présidence française et migrations, un sentiment de déjà-vu

En 2008, la France assumait une présidence du Conseil de l’Union européenne avec un agenda migratoire précis: faire adopter un nouveau pacte européen sur l’immigration et l’asile et organiser la deuxième conférence interministérielle euro-africaine en matière de migration et développement. 

Avec les négociations sur le Pacte européen sur la migration et l’asile et l’organisation du Sommet Union européenne et Union africaine, Emmanuel Macron prévoit un programme sensiblement similaire pour cette nouvelle présidence : renforcer la coopération avec les pays africains pour favoriser une immigration choisie, prévenir les départs vers l’Europe, augmenter les expulsions et lutter contre les trafics.

Un entêtement sécuritaire vain et dramatique

Loin de les considérer comme un facteur inéluctable et structurant de nos sociétés globalisées qu’il convient d’accompagner, l’Union européenne s’enlise dans une gestion essentiellement sécuritaire des migrations. Elle s’entête, via le financement de la coopération des États africains, à vouloir les contrôler et les contraindre.

Les pays européens dévoient ainsi des instruments de coopération censés bénéficier aux populations, sur la base de leurs besoins. L’aide publique au développement ou la délivrance des visas deviennent des leviers de la politique migratoire européenne, et sont utilisés comme une forme de marchandage. L’Union européenne a ainsi, sur des fonds d’aide au développement, soutenu les retours dit « volontaires » de personnes directement depuis le continent africain. L’Organisation internationale des migrations (OIM) a ainsi bénéficié de 638 millions d’euros de l’UE dans le cadre du Fonds Fiduciaire d’Urgence de l’UE pour l’Afrique (FFU). En 2019, les retours organisés par l’OIM en Afrique représentaient un quart des retours mondiaux réalisés par l’organisation.

Via ces moyens de pression diplomatique, l’Union européenne et ses États membres consolident leur politique d’externalisation des frontières. Ils confient chaque jour davantage le contrôle des migrations vers l’Europe aux pays africains notamment, se défaussant ainsi de leurs responsabilités quant aux conséquences de cette sous-traitance. 

Celles-ci sont pourtant sans appel : augmentation significative des décès ou disparitions sur les routes de l’exil, généralisation des violations des droits fondamentaux des personnes migrantes le long du parcours migratoire, systématisation des centres de détention, criminalisation des personnes exilées et des solidaires leur venant en aide.

Pour une approche centrée sur les droits fondamentaux et la dignité des personnes migrantes

De rencontre en rencontre, depuis le premier Sommet AfriqueUE au Caire en avril 2000, une poignée de dirigeant·e·s continue de perpétuer ces partenariats en trompe l’œil à travers des politiques, des programmes et des projets sans consultation préalable des populations, qui contribuent à creuser les inégalités et à mettre en danger des populations migrantes.

Ce délitement des droits fondamentaux n’est pourtant pas inéluctable. Malgré l’approfondissement des discours politiques de fermeture et de sécurité, des organisations de la société civile, associations de migrant·e·s, syndicats, personnes migrantes et réfugiées, militant·e·s et citoyen·ne·s d’Afrique et d’Europe ne cessent de se mobiliser en faveur des droits des personnes migrantes.

Des mobilisations à Calais pour dénoncer les morts dans la Manche, aux maraudes à la Vallée de la Roya ou à Briançon, en passant par les caravanes des migrant·e·s et des familles des disparu·e·s en France, en Italie ou encore les mobilisations euro-africaines, « commémor’actions » du 6 février en mémoire des personnes décédées et disparues, les grèves des sans-papiers dans plusieurs pays du continent, les multiples manifestations dans les rues des principales villes européennes ces dernières années ou encore les États Généraux des Migrations, initiative regroupant 500 organisations françaises sur tout le territoire, toutes ces mobilisations s’élèvent contre ces pactes et traités inter-étatiques qui déshumanisent et excluent systématiquement les personnes migrantes.

Ces initiatives citoyennes en Europe et en Afrique disent haut et fort qu’une refonte de la coopération avec les pays africains doit se faire sur la base des droits fondamentaux des personnes migrantes, tout au long de leur parcours, qu’il est temps d’aborder les migrations avant tout sous l’angle de la protection des droits des personnes et, in fine, de rééquilibrer les partenariats avec l’Union européenne. 

C’est cette voie que nous prônons. En 2008, nos organisations lançaient le Sommet citoyen sur les migrations en marge de la présidence française du Conseil de l’Union européenne et créaient le réseau Des Ponts pas des Murs, réunissant plus de 300 associations et syndicats.

Depuis, Des Ponts pas des Murs n’a eu de cesse de dénoncer l’instauration d’une Europe forteresse et de défendre une approche des migrations, centrée sur la dignité humaine, la sécurité des personnes et l’universalité des droits. 

Non aux fausses solutions : place à la Solidarité Internationale

Alors que se tient un nouveau Sommet Union africaine-Union européenne à Bruxelles, nous nous mobilisons collectivement contre la fermeture continue des frontières européennes, l’externalisation des politiques migratoires, les restrictions à la liberté de circulation qui entraînent des violations systématiques des droits fondamentaux des personnes tout au long de leur parcours migratoire, la pénalisation des migrations et la criminalisation croissante des citoyens solidaires.

Nous demandons également de réelles et ambitieuses politiques multilatérales de coopération, fondées sur le respect de la dignité de toutes et tous et sur le dialogue régulier avec les organisations des sociétés civiles, aussi bien européennes qu’africaines.

Nous revendiquons une Europe engagée dans la promotion des droits fondamentaux de toutes et tous, insufflée par l’espoir d’autres politiques migratoires et de développement, réellement solidaires.

Signataires :

  • Des Ponts Pas Des Murs – DPPDM
  • Bizi !
  • CCFD – Terre Solidaire
  • Cimade
  • CRID
  • Emmaüs Europe
  • Emmaüs International
  • Groupe d’information et de soutien des immigrés – Gisti
  • Immigration, Développement, Démocratie – IDD
  • Initiative Pour Un Autre Monde – IPAM
  • Ligue des Droits Humains – LdH
  • Ritimo
  • Survie

Manche : mettre fin à “la politique qui ne génère que maltraitance et violence”

février 7th, 2022 by

Tribune co-signée par le CCFD-Terre Solidaire parue dans Le Monde le 4 février 2022.

Signés il y a dix-neuf ans par Paris et Londres, les accords du Touquet font de la France le « bras policier » de la politique migratoire du Royaume-Uni pour empêcher les personnes exilées de traverser la Manche, dénoncent une trentaine d’ONG dans une tribune au « Monde ».

Depuis plusieurs décennies, des hommes, des femmes et des enfants originaires d’Europe de l’Est, d’Afrique de l’Est, du Moyen-Orient ou d’Asie du Sud-Est, toutes et tous en recherche de protection, survivent sur le littoral de la Manche et de la mer du Nord. La plupart de ces personnes exilées présentes sur nos côtes n’ont qu’un seul objectif : franchir – par tous les moyens – la frontière qui se dresse devant elles et qui les empêche de rejoindre le Royaume-Uni.

Il y a dix-neuf ans, le 4 février 2003, à la suite de la fermeture du centre de Sangatte et dans le prolongement du traité de Canterbury du 12 février 1986, la France et le Royaume-Uni signent le traité du Touquet. La frontière britannique est externalisée sur le sol français moyennant des financements de la Grande-Bretagne. La France devient le « bras policier » de la politique migratoire du Royaume-Uni pour empêcher les personnes exilées de traverser la Manche.

Expulsions, confiscations

Sur les côtes françaises, les autorités mettent en œuvre une politique de lutte contre la présence des personnes exilées et d’invisibilisation de celles-ci. Les maltraitances quotidiennes qu’elle implique sont nombreuses : expulsion de lieux de vie, confiscation d’affaires, maintien à la rue en l’absence de services permettant de couvrir leurs besoins fondamentaux, entrave à l’action des associations, etc.

Cette politique n’est pas seulement indigne et inacceptable, elle est également mortelle : au moins 342 personnes ont perdu la vie à la frontière franco-britannique depuis 1999, dont 36 en 2021. La poursuite année après année de cette politique inhumaine, la répétition de ces maltraitances et de ces drames pourraient nous pousser au fatalisme. Au contraire, nous agissons pour l’amélioration de la situation, pour le respect des droits et de la vie des personnes en exil.

C’est dans cet esprit que la Plate-forme des soutiens aux migrant·e·s (PSM), dont nous sommes membres ou que nous soutenons, a demandé à l’anthropologue Marta Lotto (« On The Border, la vie en transit à la frontière franco-britannique ») et au politologue Pierre Bonnevalle (« Enquête sur trente ans de fabrique politique de la dissuasion : l’Etat français et la gestion de la présence des personnes exilées dans la frontière franco-britannique. Harceler, expulser, disperser ») d’enquêter, pour l’une, sur les conditions de vie des personnes en transit et, pour l’autre, sur la gestion par les autorités françaises de la présence des personnes exilées à la frontière [présentation des deux rapports le 4 février, à l’université du Littoral-Côte d’Opale (ULCO), à Dunkerque].

Leurs analyses fines nous permettent une compréhension globale de la situation et nous contraignent, nous citoyens, à mettre les autorités face à leurs responsabilités et à leur imposer la mise en œuvre d’une politique alternative.

Aux portes de leur rêve

En effet, Marta Lotto, dans son rapport, nous indique que les raisons pour lesquelles ces personnes sont à Calais (Pas-de-Calais), Grande-Synthe (Nord), Ouistreham (Calvados) ou, pour d’autres, moins nombreuses, à Norrent-Fontes (Pas-de-Calais), Steenvoorde (Nord) ou Cherbourg (Manche), sont diverses.

Certaines ont commencé leur parcours migratoire avec l’objectif de vivre en Grande-Bretagne ; après un périple de quelques jours ou de plusieurs années, elles se retrouvent bloquées aux portes de leur rêve.

D’autres, au contraire, n’ont jamais imaginé aller en Grande-Bretagne, mais les circonstances de leur parcours les ont conduites aux portes de ce pays, qui est alors devenu le dernier recours face aux rejets auxquels elles ont été confrontées ailleurs en Europe.

Depuis trente ans, sans cesse, parce qu’elles veulent rejoindre leur famille, parce qu’elles sont anglophones ou parce qu’elles nourrissent de vains espoirs d’accéder à une vie meilleure, des personnes tentent de franchir les quelques dizaines de kilomètres qui les séparent de la Grande-Bretagne.

Barbelés et lames de rasoir

En dehors de la parenthèse 2015-2016, quand le tumulte du monde a poussé plus d’un million de personnes vers l’Europe, et une partie d’entre elles vers la Grande-Bretagne, il y a toujours eu entre 1 000 et 3 000 personnes en transit bloquées à la frontière.

Et, pourtant, ce n’est pas faute, pour les autorités françaises et britanniques, d’avoir tenu un discours de fermeté et mis en œuvre une politique de dissuasion. De manière très détaillée, le politologue Pierre Bonnevalle nous révèle que, depuis trente ans, quels que soient les gouvernements, une seule et même politique est menée : rendre les territoires situés sur le littoral de la Manche et de la mer du Nord aussi inhospitaliers que possible.

Nous avons donc vu pousser des barrières et des barbelés, nous avons appris ce qu’était une « concertina », ces barbelés couplés à des lames de rasoir. Nous avons vu des arbres abattus et des maisons murées. Nous avons aussi appris que mise à l’abri pouvait être synonyme d’expulsions violentes, et que la solidarité pouvait être un délit.

Atteintes toujours plus fortes à la dignité, violation des droits des personnes exilées et destruction de l’attractivité de nos territoires sont les seuls résultats de cette politique. Vient s’ajouter le reniement constant et systématique de nos valeurs, celles qui fondent notre vivre-ensemble. N’est-elle alors que communication ? Une mise en scène pour montrer que l’Etat agit ? Mais qu’est-ce qu’une politique qui ne génère que maltraitance et violence ?

Un dialogue citoyen

Face à ce constat d’un échec flagrant de la politique mise en œuvre à la frontière franco-britannique, face à la violence qu’elle engendre pour les personnes exilées, mais aussi pour toutes celles qui vivent sur ces territoires, nous devons, aujourd’hui, regarder la réalité en face.

Pour que ces personnes vivent dans des conditions dignes, pour que nos territoires ne soient plus constellés de campements et de bidonvilles, pour que nos valeurs soient respectées, le paradigme des politiques publiques mises en œuvre à la frontière doit changer. Ces deux rapports, mais surtout les maltraitances qui s’exercent chaque jour sur notre sol, nous incitent à l’exiger.

Pour obtenir ce changement de modèle, nous devons, ensemble, engager un dialogue citoyen réunissant l’ensemble des forces vives des territoires du littoral de la Manche et de la mer du Nord et imaginer, collectivement, une politique respectueuse des droits de toutes et tous.

Nous appelons toutes celles et tous ceux qui le souhaitent à nous rejoindre pour lancer cette dynamique de convention citoyenne à la frontière franco-britannique.

Principaux signataires : Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente du CCFD-Terre solidaire ; Chrystel Chatoux, coprésidente d’Utopia 56 ; François Guennoc, président de l’Auberge des migrants ; Henry Masson, président de la Cimade ; Martine Minne, présidente d’Attac Flandres ; docteure Carine Rolland, présidente de Médecins du monde ; Malik Salemkour, président de la Ligue des droits de l’homme (LDH) ; Antoine Sueur, président d’Emmaüs France ; Corinne Torre, chef de mission de la mission France de Médecins sans frontières ; Véronique Devise, présidente du Secours catholique-Caritas France.

La directive sur la transparence fiscale vidée de sa substance [Tribune]

novembre 12th, 2021 by

Les député-es européen-nes vont adopter une directive sur la transparence fiscale des grandes entreprises multinationales, dont le contenu a été tellement affaibli qu’elle ne permettra pas de répondre à son objectif : faire apparaître les montages d’évasion fiscale.

C’est une immense déception pour nos organisations engagées pour la justice fiscale. Plus encore, c’est une véritable occasion manquée pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale des grands groupes, qui privent les Etats de ressources cruciales pour lutter contre les inégalités et les dérèglements climatiques. La France a une forte responsabilité dans cet échec, en adoptant sans nuance les positions des lobbys du secteur privé.

La transparence fiscale des multinationales, grâce au « reporting pays-par-pays public », est pourtant une mesure simple et indispensable pour lutter contre l’évasion fiscale. En obligeant les grands groupes à publier des informations de base sur leurs activités et les impôts qu’elles payent dans chacun des pays où elles opèrent, comme le font déjà les banques, cette mesure doit permettre de vérifier que les impôts payés correspondent à des activités réelles et d’identifier les montages d’évasion fiscale.

« Plus des trois-quarts des pays du monde ne seront pas couverts »

Malheureusement, la directive en cours d’adoption prévoit que les entreprises devront uniquement déclarer leurs activités au sein des pays de l’Union européenne et des pays listés comme paradis fiscaux. Cette restriction géographique anéantit complètement la mesure : plus des trois-quarts des pays du monde ne seront pas couverts. Ceci, alors qu’une seule filiale dans un paradis fiscal suffit pour faire de l’évasion fiscale, et que la liste européenne de paradis fiscaux est défaillante. Les multinationales pourront donc continuer et adapter leurs montages en toute opacité pour échapper à l’impôt. Les citoyens et citoyennes, en particulier des pays en développement qui sont davantage victimes de l’évasion fiscale des multinationales étrangères, n’auront toujours pas d’accès aux informations.

En outre, poursuivant le détricotage de cette directive qui n’a de “reporting pays-par-pays public” que le nom, les négociateurs ont ajouté une faille qui permettra aux entreprises de ne pas divulguer des informations pendant cinq ans si elles les considèrent comme “commercialement sensibles”.

Une fois de plus, la protection de la « compétitivité des multinationales » a pris le pas sur une mesure d’intérêt général

Les informations publiées dans le cadre du reporting public ne sont pas des informations sensibles : les très grandes entreprises, celles concernées par la directive, disposent déjà de ces informations sur leurs concurrents. Un tel recul, au nom de la compétitivité – argument ressassé et éculé par certaines entreprises multinationales pourtant mises en cause dans les scandales d’évasion fiscale successifs, est inacceptable.

Alors que les négociations entre les Etats Membres et le Parlement auraient pu permettre d’améliorer la directive, la France a empêché tout progrès en diffusant ses lignes rouges sur la base d’un document rédigé directement par le MEDEF, sans nuance et avec des arguments erronés. Une fois de plus, la protection de la « compétitivité des multinationales » a pris le pas sur une mesure d’intérêt général et la France a été hélas l’artisane d’un recul majeur.

Le combat pour une véritable transparence fiscale va continuer puisque les Etats devront ensuite transposer cette directive dans leur législation nationale. Alors que la présidence française du conseil de l’Union européenne est sur le point de débuter, la France pourrait alors choisir de reprendre une position de championne de la transparence fiscale ! Nous sommes plus que jamais mobilisé-e-s pour que l’on puisse enfin savoir si les multinationales paient leur juste part d’impôt.

Signatures :
Nadège Buquet, déléguée générale, Transparency International France
Chantal Cutajar, Présidente, OCTFI
Manuèle Derolez, déléguée générale, CCFD-Terre Solidaire
Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France
Franceline Lepany, Présidente de Sherpa
Raphaël Pradeau, porte-parole d’Attac France
Elise Van Beneden, présidente d’Anticor

« Il est temps que la France cesse d’encourager les projets climaticides de TotalEnergies en Afrique »

octobre 8th, 2021 by

A l’occasion du sommet Afrique-France qui s’ouvre le 8 octobre à Montpellier, des philosophes, des économistes, des responsables d’institutions et d’ONG, dont la présidente du CCFD-Terre solidaire Sylvie Bukhari-de Pontual et le député européen Pierre Larrouturou dénoncent le soutien de la France aux projets du géant pétrolier en Ouganda et au Mozambique.

Tribune. Alors que s’ouvre à Montpellier le sommet Afrique-France, et que l’urgence de réduire drastiquement l’extraction des énergies fossiles se fait chaque jour plus pressante, il est temps que la France cesse d’encourager les projets climaticides que TotalEnergies veut lancer en Afrique.

Le président de la République Emmanuel Macron annonçait sur Twitter à propos de la dernière évaluation des Nations unies : « +2,7 °C à l’horizon de 2100. Ce scénario est dramatique. » Il n’y a pas de fatalité, ce scénario dépend avant tout des décisions qui seront prises dans les semaines et les mois à venir. Or, la France s’apprête à entériner de nouvelles extractions fossiles qui, elles, vont s’avérer réellement dramatiques.

En effet, en Ouganda et au Mozambique, TotalEnergies est en passe de faire exploser deux « bombes climatiques » avec le soutien actif de nos institutions et de notre appareil diplomatique.

Quatre cents puits de pétrole

En Ouganda, ce sont quatre cents puits de pétrole et un oléoduc de 1 443 km de long que TotalEnergies souhaite construire jusqu’à la côte tanzanienne, afin d’exploiter des réserves pétrolières (générant 34 millions de tonnes de CO2) au sein d’un parc naturel protégé et sur les rives du lac Albert, à la source du Nil. Au Mozambique, la mise en exploitation des 9es plus grandes réserves gazières du monde émettra autant que sept années d’émissions de gaz à effet de serre de la France.

Alors que l’Agence internationale de l’énergie nous enjoint désormais de cesser tout nouveau projet d’extraction d’énergie fossile pour espérer maintenir le réchauffement sous la barre des 1,5 °C décidée par l’accord de Paris, l’envergure de ces nouveaux projets dépasse l’entendement : plus de 11 milliards de dollars (environ 9,53 milliards d’euros) d’investissement en Ouganda et en Tanzanie, 24 milliards de dollars au Mozambique.

Malgré ses déclarations vertueuses, l’Elysée a envoyé, en mai, une lettre au président ougandais pour lui affirmer son soutien au projet pétrolier de TotalEnergies, alors même qu’un recours en justice avait été déposé par six ONG françaises et ougandaises au titre de la loi sur le devoir de vigilance en raison des multiples violations des droits humains et des dommages environnementaux qu’implique ce projet.

Selon un rapport de l’ONG les Amis de la Terre, le gouvernement français a également accentué ses efforts diplomatiques et économiques au Mozambique pour y défendre les intérêts de TotalEnergies (visites diplomatiques, financements publics, missions d’affaires, coopération militaire…), engageant de facto la France, et l’ensemble de nos concitoyens, dans cette aventure climaticide.

A quelques semaines de la COP26 à Glasgow, le gouvernement français et notre diplomatie s’emploient donc à saboter notre avenir à tous.

La France ne pourra pas lutter contre le dérèglement climatique si son président, tel Janus, offre deux visages opposés : héraut du climat sur la scène internationale et façonnier du « business as usual » sur le terrain.

Dans son encyclique Laudato Si’, le Pape François a des mots très fermes contre l’attentisme des Etats qui ne font que retarder la catastrophe : « Il ne suffit pas de concilier, en un juste milieu, la protection de la nature et le profit financier […]. Sur ces questions, les justes milieux retardent seulement un peu l’effondrement ». (LS 194) Nous devons rechercher des alternatives aux énergies fossiles, aujourd’hui et non dans le futur. Et les mettre en œuvre maintenant. Sans attendre. En levant tout soutien public aux projets climaticides.


Emmanuel Macron a affirmé que le Sommet Afrique-France permettra de « refonder les relations entre la France et l’Afrique ». Nous appelons la France à s’engager auprès des sociétés africaines pour les soutenir dans la voie de la transition écologique. Ne ratons pas ce rendez-vous !

Signataires :
Guy Aurenche, avocat honoraire, défenseur des droits humains
Monique Baujard, présidente des Amis de La Vie
Dominique Bourg, philosophe, professeur des universités honoraire, directeur de la revue La Pensée Ecologique
Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente, CCFD-Terre Solidaire
William Clapier, auteur et théologien
François Euvé, rédacteur en chef d’Etudes
Elisabeth Flichy Saint-Bonnet, Chrétiens Unis pour la Terre
Benoit Halgand, étudiant mobilisé contre le projet TotalEnergies à polytechnique, engagé chez Pour un réveil écologique
Pierre Larrouturou, député européen
Elena Lasida, économiste
Laura Morosini, Mouvement Laudato Si’
Marcel Rémond, jésuite, directeur du Ceras
Michel Roy, secrétaire général de Justice et Paix…

Lire aussi :

Les Amis de la Terre France, Mozambique et International
Mozambique : de l’eldorado gazier au chaos (dont un rapport de 39 pages)

Signataires : « Avenir de la politique française au Sahel : il est temps d’ouvrir le débat »

juin 18th, 2021 by

Alors que le président Emmanuel Macron vient d’annoncer la fin de l’opération Barkhane, des voix s’élèvent – en France comme au Sahel – pour appeler à ouvrir le débat sur l’après-Barkhane et saisir l’occasion pour refonder en profondeur la politique française dans la région. En étant cette fois à l’écoute des populations.

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Lettre ouverte au Président de la République pour l’appeler à condamner le coup de force militaire au Tchad

avril 22nd, 2021 by

Monsieur le Président de la République,

Vous rendez demain au Tchad pour assister aux funérailles du Président Idriss Deby Itno. A cette occasion, nos organisations, engagées de longue date auprès des acteurs de la société civile tchadienne, souhaitent vous faire part de leurs inquiétudes concernant les positions de la France sur ce pays alors que s’ouvre pour le Tchad une période cruciale et périlleuse, avec des risques de troubles qui pourraient impacter lourdement les populations civiles.

Lors de l’une des précédentes crises, en février 2008, nous avions pu exprimer au Président Nicolas Sarkozy, (en personne et régulièrement à travers ses conseillers), nos désaccords avec les analyses portées par les administrations diplomatiques et militaires françaises. Malheureusement, votre prédécesseur n’avait pas souhaité exercer son influence sur un président tchadien, alors fragilisé, pour engager un véritable processus de démocratisation et de réconciliation pourtant cruellement nécessaire. Les choses auraient pu être profondément différentes s’il l’avait fait.
Monsieur le Président, la France semble aujourd’hui, au nom d’une prétendue stabilité et de l’intégrité du territoire tchadien, reconnaitre un Comité de transition militaire dirigé par le fils du défunt président Deby.

Déjà en 2008, les administrations françaises soutenaient que les groupes armés étaient manipulés et téléguidés par une puissance étrangère, le Soudan. Elles arguaient également que seul le régime du Président Deby était capable d’assurer la stabilité du pays.

Aujourd’hui comme hier, nous estimons que ces analyses sont profondément erronées et datées. Le Tchad ne vit pas une atteinte à son intégrité territoriale. Il n’y a pas dans cette crise, d’enjeux liés à des mouvements djihadistes, ni d’ingérence étrangère. Il s’agit bien au contraire, des conséquences militaires d’une crise politique non résolue, interne au pays. Non seulement, le régime tchadien actuel ne garantit aucunement la stabilité du pays mais il est en réalité la source même de l’instabilité systémique du Tchad. Les trente années de règne d’Idriss Deby Itno ont été régulièrement émaillées d’abus et de violations graves des droits humains, visant notamment à annihiler toutes oppositions crédibles.

A travers ce Comité de transition, illégal et illégitime, vous actez d’un coup d’Etat mené par un groupe d’officiers au service d’un clan. En pensant répondre aux intérêts stratégiques et militaires français, vous légitimez une situation qui aura des conséquences graves au Tchad, comme ailleurs en Afrique. Les tchadiens attendent le changement et vont, après une période de sidération, ressentir une déception propice à toutes les violences. Le pays peut se déchirer.

M. le Président, avec nos partenaires tchadiens, nous affirmons que l’avenir et la stabilité du Tchad résident dans un large consensus de l’ensemble des forces politiques, sociales et des institutions du pays.

M. le Président, le Tchad a changé, la société tchadienne est capable d’assurer une transition démocratique de manière pacifique. Elle y est prête et la France ne peut aller contre le cours de l’Histoire. La démocratie, l’état de droit, la population tchadienne et la protection de ses droits et libertés doivent demeurer au centre des priorités françaises.

Nos organisations vous demandent :

  • De condamner sans ambiguïté le processus de confiscation du pouvoir en cours et d’exiger le respect des droits humains et des libertés publiques ;
  • D’exiger la mise en place immédiate d’une transition civile, dans le respect de l’ordre constitutionnel tchadien ;
  • D’appeler toutes les parties prenantes au dialogue (partis politiques, société civile et institutions tchadiennes) ;

Elles demandent en particulier, M. le Président, qu’à l’occasion de votre voyage, vous rencontriez une délégation de la société civile pour entendre leurs analyses et recommandations.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’assurance de notre haute considération.

Signataires :

Bernadette Forhan, présidente d’ACAT-France
Timothy Hughes, président d’Agir ensemble
Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente du CCFD-Terre Solidaire
Patrice Garesio, co-président de Survie
Marc Ona Essangui, président de Tournons La Page

 

Appel pour une refondation de la politique Sahélienne de la France

avril 22nd, 2021 by

Des organisations de la société civile françaises, dont le CCFD-Terre Solidaire, et des personnalités publiques expertes du Sahel interpellent les autorités françaises. Elles appellent à une refondation de la politique de la France au Sahel :

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Journée de la terre 2021 : un espoir pour la défense de l’environnement en Amérique latine

avril 21st, 2021 by

En Amérique Latine, la lutte pour la protection de l’environnement oscille entre deuils, préoccupations et espérance. En cette Journée de la Terre, Walter Prysthon, responsable du service Amérique Latine et Caraïbes au CCFD-Terre Solidaire, nous explique pourquoi l’Accord d’Escazu est une bonne nouvelle pour les défenseurs et défenseuses de l’environnement.

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Pourquoi il faut refonder la politique de la France au Sahel

avril 14th, 2021 by

La Coalition citoyenne pour le Sahel et la société civile française se mobilisent pour repenser les stratégies de réponse à la crise sahélienne. Jessica Pascal, chargée de mission au CCFD-Terre Solidaire, nous explique pourquoi il y a urgence à écouter davantage la voix des organisations de la société civile sahélienne.

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Le patriarcat est un obstacle à la lutte contre la faim dans le monde

mars 8th, 2021 by

La pandémie de la Covid-19 montre, une fois encore et dans le monde entier, que les femmes sont particulièrement exposées à la pauvreté.

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A Nouadhibou en Mauritanie, un carrefour migratoire de tous les dangers

février 16th, 2021 by

C’est un cri d’alarme que nous avons reçu du père Florian Pachel Mbabe Mohizi, de la Caritas Nouadhibou soutenue par le CCFD-Terre Solidaire en Mauritanie. Il est le témoin du destin dramatique des milliers de personnes migrantes qui passent par sa ville pour tenter de rejoindre l’Europe. Soit par la mer vers les iles Canaries, soit par le désert vers la Méditerranée.

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De Calais à Dajabon : sans papiers, pas de vie !

décembre 16th, 2020 by

A l’occasion de la Journée internationale des personnes migrantes, nous attirons l’attention sur deux zones frontières avec un podcast et un reportage réalisés sur le terrain : l’un en France, sur la côte d’Opale, à la frontière avec la Grande Bretagne ; l’autre en République Dominicaine, dans la ville de Dajabon, à la frontière avec Haïti.

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Cinq ans après l’accord de Paris, l’Amérique centrale frappée par les dérèglements climatiques

décembre 11th, 2020 by

Cinq ans après la signature de l’accord de Paris, nous avons malheureusement peu de raisons de célébrer…
Alors qu’une série d’ouragans frappe durement l’Amérique centrale, où est la volonté politique nécessaire pour répondre à la gravité de la situation et aux espoirs portés par la société civile internationale ?

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La nuit des tentes : le pire s’est produit. L’horreur et l’indigne, la statue de la République était pétrifiée

novembre 25th, 2020 by

Le pire n’est pas les images, c’est la nuit qui a de nouveau avalé les exilés dehors. Le pire est que les 400 exilé.e.s présents, à 19h, place de la République, dormiront de nouveau dehors cette nuit, loin à Clichy, loin à Saint-Denis, cachés sous les ponts des canaux ou ailleurs, invisibles. Le pire est que de nouveau, nous ne les verrons pas s’endormir blessés dans le froid.

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