La libération de la parole

Publié le 15.04.2011

Le premier procès des responsables khmers rouges – celui du chef tortionnaire Duch – qui s’est déroulé à Phnom Penh entre février 2009 et juillet 2010, a marqué un pas vers la fin de l’impunité. Pour les familles des victimes, il a constitué une réparation morale et une étape dans l’accomplissement du difficile travail de deuil.


Comme l’indique le psychiatre Richard Rechtman, qui a aidé à la réinsertion des réfugiés khmers à Paris : « En l’absence de sépulture, matérielle ou symbolique, de leurs parents, les survivants étaient les seuls dépositaires des défunts et devaient vivre avec leurs âmes errantes*. Grâce aux procès, les responsabilités sont établies et l’histoire se resocialise. »
Pour la société tout entière, ensuite : « Pourquoi les nouvelles générations devraient-elles respecter l’État de droit, alors que ceux qui ont tué près de 2 millions de personnes n’ont pas été jugés ? », souligne le cinéaste Rithy Panh, qui attendait cette échéance avec impatience.
Ce premier recul de l’impunité s’est accompagné d’une dissipation de la peur. « Les constitutions de parties civiles – sans précédent dans ce type de procès – huit seulement au départ, étaient assorties de demandes de protection », se souvient Jeanne Sulzer, assistante des juges d’instruction au tribunal. Au final, les parties civiles au procès de Duch approchaient la centaine. Pour le second procès – celui de quatre dirigeants khmers rouges : Nuon Chea, Khieu Samphan, Ieng Sary et Ieng Thirith – qui devrait débuter à l’été 2011, 3 988 constitutions de parties civiles ont été déposées, parmi lesquelles 2 124 ont été déclarées recevables. Là encore, les associations – et notamment Adhoc – ont joué un rôle essentiel de sensibilisation et de mobilisation des ruraux en particulier.

La population se réapproprie son histoire

La foule qui se pressait au procès de Duch exprimait ce nouvel engouement. « La salle était toujours pleine. Plus de 31 000 Cambodgiens ont assisté aux audiences », confirme l’ex-journaliste Dim Sovannarom, porte-parole des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC**). Et l’intérêt populaire ne faiblit pas. « Chaque semaine, poursuit le chargé de communication, nous faisons venir en car 600 Cambodgiens de l’intérieur du pays. Ils visitent les CETC et la prison S 21. Le procès des chefs khmers rouges va enfin devenir l’affaire du pays tout entier », se réjouit-il.
Dim Sovannarom va peut-être vite en besogne. Nombre de ministres, et le Premier d’entre eux, Hun Sen, sont d’anciens cadres khmers rouges. Ils veillent à éviter toute mise en cause autre que celle des « principaux responsables » des crimes commis naguère. Plusieurs fois déjà les CETC, instances juridiques innovantes mais hybrides, ont été paralysées par les différends entre magistrats cambodgiens et internationaux. Tandis que les premiers étaient réceptifs aux arguments du gouvernement faisant valoir sa souveraineté (et sa volonté à terme de sortir blanchi), les seconds insistaient sur la primauté du droit international.
Reste que le premier procès – celui de Duch – a été mené à son terme. Sa responsabilité dans la mort de plus de 12 000 personnes à Tuol Sleng (S 21) a été reconnue. Le verdict a été rendu le 26 juillet 2010 : trente-cinq ans de prison pour « meurtres, tortures et crimes contre l’humanité ». « J’accepte ce jugement même s’il ne me satisfait pas pleinement », commente le peintre Vann Nath, rescapé de S 21. Il ajoute : « C’est une condamnation pour l’histoire. Au moins, les nouvelles générations sauront que les criminels ont été identifiés. »

avec le CCFD - TERRE SOLIDAIRE

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