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Mamady, mineur isolé raconte ses années d’errance en Afrique

Publié le 17.05.2018| Mis à jour le 08.12.2021

Des adolescents, comme Mamady, arrivés seuls de Guinée, du Mali, du Congo, ont passé des mois à travers les routes d’Afrique. Marqués par la faim, la peur, le racket, la violence, ils arrivent en Ardèche. Si leur minorité est reconnue, ils seront placés sous tutelle du département et confiés à l’Aide sociale à l’enfance.


Pendant plus d’une demi-heure, Mamady, jeune Guinéen de 16 ans, va revivre avec une intensité douloureuse son parcours à travers l’Afrique. « Je suis parti de Conakry, je venais d’avoir 14 ans. Quatre ans plus tôt, ma maman est morte dans une manifestation. Mon père est parti peu après. Je ne sais pas où il est, on n’a jamais eu de ses nouvelles. Alors on m’a confié à une marâtre. J’étais dans les premiers à l’école. Mais elle a voulu que j’arrête les cours pour travailler pour elle. Elle me frappait souvent. Un jour, elle m’a renversé de l’eau bouillante sur la cuisse, dit-il, en baissant rapidement le haut de son pantalon pour montrer ses chairs brûlées. Le soir même, je suis parti. »

« Je suis parti de Conakry, je venais d’avoir 14 ans. Quatre ans plus tôt, ma maman est morte dans une manifestation. Mon père est parti peu après… – Mamady, jeune Guinéen de 16 ans »

Ne sachant pas où aller, l’adolescent dort dans la gare routière et lave des voitures pour survivre. Il n’a plus aucune attache et veut quitter le pays, direction la France « parce que je parle français, c’est la colonisation ». Mais il n’a aucune idée de la route à suivre. Un camionneur finira par l’emmener jusqu’à Bamako, un autre jusqu’à la frontière mauritanienne. Mais ses ennuis ne font que commencer. « Je suis tombé sur un groupe de Touaregs. Ils voulaient que j’appelle en Guinée, pour qu’on leur envoie de l’argent. Je leur ai dit que je n’avais plus personne, mais ils ne me croyaient pas. Ils m’ont gardé plusieurs semaines. »

Par chance, il rencontre un homme qui parle malinké comme lui, et l’aide à passer la frontière marocaine avec un groupe de Maliens. Il les suit jusqu’à Nador, près de Melilla [passage vers l’Espagne, ndlr] où ils vivent cachés dans la forêt. « Il faisait froid, il pleuvait. Pour se protéger, on a fabriqué des tentes avec des sacs plastiques. Pour se nourrir, on faisait les poubelles, quelquefois, on nous donnait un peu. »

L’adolescent se souvient avec angoisse des nuits où des drones survolaient la forêt pour repérer les camps de migrants, et des rafles le lendemain à l’aube. « Si les militaires t’attrapent, ils te frappent. Ils veulent du “flouze” ou ton téléphone, puis ils t’embarquent et te laissent à la frontière algérienne, en plein désert. »

« Si les militaires t’attrapent, ils te frappent. Ils veulent du “flouze” ou ton téléphone, puis ils t’embarquent et te laissent à la frontière algérienne, en plein désert. »

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A lire : Changeons de regard sur les migrants – Mgr Denis Jachiet

Rescapé d’une traversée à hauts risques

L’adolescent a vécu six mois dans la forêt, avant de rencontrer un passeur guinéen. « Il m’a dit : « tu me fais penser à mon petit frère resté au pays. Je vais te donner une chance pour que tu montes dans un Zodiac. On est partis à 23 heures. Avec les hommes, nous étions assis à l’extérieur, les femmes étaient au milieu. J’étais tétanisé, j’avais peur », raconte Mamady.

Au milieu de la nuit, un des boudins du Zodiac commence à se dégonfler. Les vagues entrent dans le bateau. « Je suis tombé à l’eau, je me suis accroché aux cordes, heureusement un homme m’a rattrapé. Mon ami est mort emporté par les vagues », dit-il le regard fixe, comme ailleurs.

« Je suis tombé à l’eau, je me suis accroché aux cordes, heureusement un homme m’a rattrapé. Mon ami est mort emporté par les vagues »

Au matin, les rescapés sont repérés par les militaires espagnols, puis accueillis à terre par la Croix-Rouge. « On nous a donné des couvertures couleur de lumière (de survie, ndlr), de la nourriture, des vêtements. Et puis un peu d’argent. J’ai pris le train pour le Real de Madrid [[La plupart des jeunes ne connaissent les noms des villes européennes qu’à travers les équipes de foot.]], puis pour la France. »

Fin mars, Mamady a quitté le foyer pour aller à Annonay dans une des vingt familles parrainantes qui ont répondu à l’appel du département.

Hélène Jullien

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