Souveraineté alimentaire : « La Tunisie a perdu le contrôle de son modèle agricole »

Publié le 17.12.2018| Mis à jour le 29.06.2023

Pour des raisons historiques, le modèle tunisien est fondé sur l’exportation et la dépendance. Décryptage avec Habib Ayeb, géographe et créateur de l’Observatoire de la souveraineté alimentaire et de l’environnement (OSAE), soutenu par le CCFD-Terre Solidaire.

Faim et Développement : Comment s’est construite la question de la souveraineté alimentaire en Tunisie ?

Habib Ayeb : La Tunisie a été autonome sur un plan alimentaire jusqu’au début du XXe siècle. Le modèle alimentaire reposait sur l’orge et le blé dur. Mais la France était demandeuse de blé tendre pour la consommation humaine, en raison de l’insuffisance de sa production. Sous la pression des autorités coloniales, les cultures locales ont été évincées, les régions ont été spécialisées dans des productions destinées à l’exportation, les céréales au nord, les oliviers dans le Sahel, le vin au cap Bon, et la Tunisie a été introduite dans le régime alimentaire mondial. Les petits paysans ont été dépossédés et appauvris.

Depuis l’indépendance, l’État a poursuivi cette politique. Il a méprisé les savoir-faire paysans et l’expérience des coopératives, entre 1964 et 1969 a été menée l’opération de dépossession de la paysannerie la plus massive de l’histoire du pays. Les paysans en sont sortis ruinés et la dépendance alimentaire s’est encore accentuée.

Faim et Développement : Quelle est la situation aujourd’hui ?


Habib Ayeb : Un tiers des terres est entre les mains de moins de 3 % des propriétaires (avec souvent du capital étranger). Le pays doit importer 50 % de son alimentation, c’est énorme. La Tunisie n’a aucun contrôle sur son modèle agricole et aucun poids sur le marché, or c’est des régions rurales qu’est partie la révolution. Les décideurs politiques actuels semblent l’avoir oublié et n’ont d’autre horizon que d’avancer dans la voie de l’agrobusiness. Ils n’ont pas d’autre solution à proposer que d’attirer des investisseurs pour augmenter les capacités de production à l’exportation.

L’accord de libre-échange complet et approfondi (Aleca) en cours de négociation avec l’Union européenne vise à imposer les normes européennes sur le marché tunisien. C’est la mort annoncée de l’agriculture paysanne.

Faim et Développement : Quel objectif se donne l’OSAE ?


Habib Ayeb : Notre principal objectif, c’est déjà de créer un débat en Tunisie autour de ces questions, en apportant des éléments scientifiques sur l’impact social et environnemental des choix politiques. Pour reprendre le contrôle de notre modèle agricole, il faudrait limiter les cultures hors saison, substituer les produits locaux aux exportations, subventionner les produits alimentaires pour le marché intérieur, imposer un tarif progressif pour l’eau. Sans une profonde réforme agricole, on ne pourra pas résoudre la question sociale en Tunisie.

Propos recueillis par Thierry Brésillon

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