Lettre ouverte à Ségolène Royal

Publié le 14.12.2006| Mis à jour le 09.09.2021
Madame la Candidate, L’Afrique est proche de votre cœur. Vous êtes née au Sénégal. Vous vous êtes rendue sur place récemment. Les prochains mois seront, nous l’espérons, l’occasion pour vous de placer ce continent au cœur du débat politique. Afrique. Ce mot résonne en chacun de nous. Berceau de l’humanité, diversité des peuples et des cultures colonisation, traite des esclaves, richesses naturelles, corruption, trafic, affaires douteuses, jeunesse, régimes claniques, Françafrique, aide au développement, urgence, émigration, conflits, beauté, musique, sécheresse, proverbes, pillage… chacun de ces mots décrivent une partie de la réalité contrastée de l’Afrique. Une réalité complexe qui ne souffre ni simplisme, ni généralisation abusive. L’énergie qui se dégage sur ce continent est parfois celle du désespoir, mais sa force pousse à l’optimisme car, sous bien des aspects, l’Afrique bouge. Pendant ce temps, la France avance trop lentement dans la construction de relations justes et sereines avec l’Afrique. C’est au compte-goutte que notre pays retire son soutien aux régimes parmi les plus corrompus de la planète. Des présidents, présentés comme des « vieux sages » – utilisation opportuniste de l’imagerie africaine – sont en premier lieu des chefs de clan despotiques, qui auront mis leurs pays en coupe réglée et protégé pendant des décennies les intérêts économiques et géopolitiques français. Dans sa relation avec l’Afrique, la France s’honorerait en se plaçant à la tête de quatre combats : – le combat contre la misère et pour la dignité humaine. Quelques données illustrent l’urgence de ce combat : dans plusieurs pays d’Afrique, une femme a 80 fois plus de risques de mourir lors d’un accouchement qu’une femme européenne. Dans le même temps, des millions de personnes séropositives n’ont toujours pas accès aux médicaments contre le sida. L’espérance de vie ne cesse de chuter dans bon nombre de pays africains. Ce combat ne pourra être mené qu’en garantissant des ressources financières nouvelles aux pays décidés à s’y engager sérieusement. Cela signifie, pour les pays riches, renforcer une aide au développement qui soit réellement destinée à la réduction des inégalités sociales. Cette aide peut être financée par la mise en place de taxes internationales, notamment sur les flux financiers, bien au-delà de la taxe aérienne que seuls quelques pays ont signé à ce jour. Cela passe aussi par l’annulation de la dette extérieure qui grève les budgets de ces pays et par un effort accru d’investissements productifs. – le combat pour la justice et pour la démocratie. Il est urgent de conforter toutes celles et tous ceux qui, dans ces pays, parfois au risque de leur vie, s’engagent pour faire changer leurs sociétés. Oui, les sociétés civiles africaines sont de plus en plus actives et organisées. Bon nombre d’ONG, de collectivités locales et même une partie de notre aide publique accompagne ces efforts, mais pas à la hauteur des enjeux. La France aide trop peu ces relais citoyens à prendre leur place pour construire de véritables démocraties et s’enferme dans une relation étatique tournée vers la sauvegarde des positions acquises. – le combat pour la gestion éthique et durable des ressources de ces pays. Le parti qui vous a désigné souhaite qu’en matière de relation avec ce continent, la France invente « une autre voie, rompant avec la « France/Afrique », fondée sur l’essor de la « coopération économique, la présence accrue de l’Europe ». Cela passe par une transparence des activités des grandes entreprises françaises qui ont investi et continuent d’investir en Afrique dans les domaines pétroliers, miniers, forestiers, agricoles. Un dialogue doit s’instaurer avec les sociétés civiles de ces pays pour que ces ressources soient enfin gérées dans l’intérêt des populations et des générations futures. Il est inacceptable que ce pillage continue.
  • le combat pour la transparence de la politique africaine Aujourd’hui, l’armée française est lourdement engagée dans le conflit d’ampleur régional qui secoue le Tchad, le Soudan et la République centrafricaine. Aucun débat à l’Assemblée nationale n’a eu lieu sur ce sujet. Les citoyens français, qui ont montré depuis des décennies leur solidarité avec les peuples d’Afrique, méritent d’être informés sur ce que la France fait en leur nom en Afrique. La mise en place d’une « délégation parlementaire aux négociations et à la coopération internationales » pourrait favoriser ce débat public, trop longtemps confisqué par l’Elysée. En outre, la réforme du dispositif d’aide publique français doit être achevée, par une clarification des rôles des différents acteurs, la promotion des synergies avec les ONG et les collectivités locales, par l’adoption d’une loi de programmation permettant d’inscrire l’action dans la durée, par une plus forte coordination européenne.
Bientôt, le dynamisme et la pertinence des sociétés civiles africaines seront visibles lors du Forum social mondial qui se déroulera en janvier 2007 à Nairobi (Kenya). Il est plus que temps qu’ici en France, avec nos médias, nous changions notre regard sur ce continent en montrant ce qui marche. Le dialogue et la coopération peuvent s’établir sur des bases fraternelles lorsque le respect existe de part et d’autre. Vous pouvez y contribuer. Nous vous demandons, Madame la Candidate, de vous engager de toutes vos forces dans ces quatre combats. Si vous accédez à la magistrature suprême, vous aurez le choix de entre, d’une part, dépenser des centaines de millions pour repousser les clandestins africains aux portes de l’Europe, prévoir des milliards pour assister les éco-réfugiés d’une Afrique victime du réchauffement climatique, envoyer des troupes pour limiter les conflits et, d’autre part, bâtir enfin une autre politique qui permettra à la France de contribuer, avec l’Europe, à éviter ce scénario catastrophe. Merci pour l’attention que vous aurez portée à cette lettre. Jean-Marie Fardeau Publiée dans Témoignage chrétien n°3231, 14 décembre 2006 Lire la réponse adressée par Ségolène Royal au CCFD le 7 février 2007

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