Agir enfin pour remettre la finance au service du développement

Publié le 12.08.2011

Avec plus de 7000 milliards de dollars partis en fumée depuis le 22 juillet (1) dans les différentes bourses mondiales, l’hypothèse d’un système à bout de souffle se pose avec toujours plus d’acuité et il est clair que le principe d’une économie globale et dérégulée a vécu.


La crise qui a éclaté en 2008, mais qui trouve ses origines dans des déséquilibres plus anciens, a révélé une logique financière et économique au service de quelques intérêts particuliers, et s’exerçant au détriment du plus grand nombre. La détermination à agir sur les causes, affichée par beaucoup lors du sommet du G20 de Londres en 2009, s’est trop vite envolée.

A l’époque Nicolas Sarkozy appelait de ses vœux une  “nouvelle régulation” du système financier, réforme jugée “majeure” et “non négociable». En tant que chef d’état de la France, assurant la présidence tournante du G20, Nicolas Sarkozy a affirmé de nombreuses fois l’urgence qu’il y avait à réduire les grands déséquilibres persistants et à favoriser la croissance et l’emploi. Mais il faut aujourd’hui admettre que les pouvoirs politiques ont failli, tant au niveau national que dans les enceintes internationales telles que le G20.

Alors que la crise est ancienne, les politiques ont trop peu agi et trop tard.

Où l’on ignore les leçons du passé
Depuis 30 ans, nombre de pays du Sud subissent déjà cette logique aujourd’hui à l’œuvre en Europe et aux Etats-Unis. Minés par leur dette publique, les Etats ne peuvent investir dans les politiques essentielles pour le développement et le bien de tous, et les politiques d’austérité radicales et le poids de dettes parfois illégitimes pèsent toujours sur les populations. Que ce soit au Mexique en 1994-1995, en Argentine entre 1998 et 2002 ou en Asie en 1997, les plans d’ajustement structurels ont imposé, sous couvert de l’aide et de la sortie du surendettement, les dogmes néolibéraux.

Nombre d’états, pauvres ou riches, consacrent une grande partie de leurs ressources financières au service de la dette et de ses intérêts. La situation est dramatique pour les pays du Sud : ainsi en 2005, le gouvernement équatorien dédiait  40% de son budget au service de la dette pendant que les dépenses de santé et d’éducation ne totalisaient que 15% du budget (2). En France, le service de la dette compte pour 15 % du budget.

Dans les années 1990, l’action des sociétés civiles mobilisées pour l’annulation des dettes des pays du Sud ont abouti à des annulations partielles de dettes, redonnant de l’oxygène à des économies asphyxiées. Mais le surendettement des Etats s’est poursuivi. Le CCFD-Terre Solidaire, engagé depuis longtemps dans le combat contre la dette et les dérives de la finance, sait qu’il n’y a pas de réponse simple à ces problèmes complexes et c’est pourquoi il a développé en lien avec ses partenaires des pays du Sud une expertise solide sur ces questions. Il estime qu’alors que les pays riches, victimes de leur dette excessive, sont à leur tour la proie des spéculateurs, il est nécessaire de rappeler les causes du marasme.

Mettre la justice fiscale au service du développement
Aujourd’hui ce sont les mécanismes d’optimisation fiscale et la dérégulation financière et commerciale qui creusent les déficits en permettant notamment aux entreprises multinationales de pratiquer l’évasion massive de capitaux via les paradis fiscaux. Chaque année les pays du Sud sont privés de 125 milliards d’euros de recettes fiscales, et rien qu’aux Etats Unis, l’évasion fiscale s’élève à 100 milliards de dollars par an. Autant d’argent qui n’ira donc pas à des investissements d’intérêt général, à l’éducation, la santé ou la sécurité alimentaire. La charge fiscale pèse plus lourdement sur les plus modestes : les petites et moyennes entreprises, pourtant les plus grandes créatrices d’emplois dans le monde, sont souvent soumises à une forte imposition, de même que les particuliers. Par contre, les multinationales jouent aisément des mécanismes comptables et de l’absence de transparence pour échapper à l’impôt, et cacher les richesses qu’elles produisent dans les paradis fiscaux.

La crise fait à nouveau payer les plus pauvres en imposant des politiques d’austérité qui menacent l’éducation de leurs enfants, leur santé, leur emploi ou, dans le cas des immigrés, leur capacité à envoyer de l’argent à leur famille.

Les logiques spéculatives s’étendent jusqu’aux marchés des denrées agricoles et des matières premières. Elles menacent ainsi des populations déjà vulnérables. Les pays du Nord, dans la tourmente financière, sont incapables de soutenir leur niveau d’aide au développement (déjà bien inférieur aux objectifs fixés de 0,7 % du PIB).

Alors que les gouvernements, sous pression des marchés, appliquent des coupes drastiques dans les budgets sociaux, il faut au contraire privilégier une augmentation des ressources propres en engageant des politiques fiscales justes. Si réduire le surendettement des Etats est nécessaire, l’austérité n’est pas la solution. Des exigences de régulation et de transparence s’imposent, afin de remettre la finance au service du développement.
 
Les pays membres du G20 sont les premiers responsables de cette situation : au sein de ce G20 autoproclamé premier forum de coopération économique au monde, ils doivent s’engager activement pour sortir de ce cercle vicieux :

– Entreprendre un audit des dettes de tous les pays membres de l’Union Européenne et du G20

– Soutenir l’idée d’une  Convention internationale de la dette sous l’égide des Nations-Unie

– Exiger la responsabilité non seulement des Etats, mais aussi des prêteurs, afin d’instaurer des pratiques vertueuses qui limiteront les risques de surendettement et de banqueroute.

– Mettre fin à la concurrence fiscale entre les pays

– Imposer la régulation de la finance et l’abrogation des instruments financiers qui déconnectent la finance de l’économie

– Soutenir l’instauration de taxes sur les transactions financières afin de lutter contre la spéculation et de mobiliser des ressources pour la solidarité internationale

– Exiger des multinationales la transparence comptable et le reporting pays par pays, afin de lutter contre l’évasion fiscale qui prive les Etats de ressources propres nécessaires pour réinvestir dans le développement.

– Instaurer la responsabilité des multinationales et notamment des sociétés mères sur les activités des filiales, afin de lutter contre les délits économiques.

Des sociétés civiles vigilantes et mobilisées
Cette crise peut aussi être une opportunité. En effet, la mobilisation, la vigilance et la générosité du public et des acteurs de la société civile ne faiblit pas et permet l’optimisme. La crise doit être l’occasion d’appeler à un changement d’orientation radical et à un nouveau modèle de développement. Déjà en 2009, lors du Forum Social Mondial de Belém au Brésil, les représentants des sociétés civiles du monde entier s’étaient emparés du sujet en lançant une mobilisation pour la nécessaire régulation de la finance. Aux Etats-Unis, sous la pression des sociétés civiles et de l’opinion publique, la loi Dodd-Franck adoptée en juillet 2010 vise à obliger enfin les entreprises cotées à Wall Street à plus de transparence. L’enjeu aujourd’hui est que cette loi soit effectivement mise en œuvre, et que l’Europe pour sa part progresse aussi dans le même sens.

Bien que le sujet soit technique, les citoyens ont bien compris les enjeux de la régulation de la finance. Ainsi, lutter contre les paradis fiscaux, c’est lutter contre la pauvreté.

En Europe, l’organisation « Finance Watch » créé en juin 2011, dont le CCFD-Terre Solidaire est membre fondateur, œuvre dans le même sens. Ainsi, la société civile européenne renforce son expertise et se dote des moyens pour proposer aux législateurs des régulations pertinentes, sensibiliser et mobiliser les citoyens par des campagnes telles que  la campagne du CCFD-Terre Solidaire : « Aidons l’argent  à quitter les paradis fiscaux», qui appelle chacun à agir. 

A l’occasion du G20, nous renforcerons notre mobilisation pour faire avancer notre vision d’un développement durable et profitable à tous.

(1) Source : Le Figaro, 10 Août 2011.
(2)« Auditoría ciudadana de la deuda ecuatoriana », exposé de Hugo Arias à l’occasion du Premier Symposium International sur la Dette publique, Caracas, Venezuela, 22-23-24 septembre 2006.

 

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