Etude : “Le hold up fiscal continue”

Publié le 10.11.2015| Mis à jour le 08.12.2021

En amont de l’ouverture du sommet du G20 qui se tiendra du 15 au 16 novembre à Antalya (Turquie), Tax Justice Network, PSI et Oxfam et l’Alliance globale pour la justice fiscale, dont la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires est membre, publient une nouvelle estimation du coût de l’évasion fiscale des multinationales américaines et appellent les Etats à aller plus loin que les initiatives portées par le G20 et l’OCDE pour y mettre un terme.

Etude : “Le hold up fiscal continue” La France figure parmi les grands perdants avec 14 milliards de dollars transférés hors du pays par les seules entreprises américaines en une année échappant ainsi à l’impôt [1]. Ces failles dans le système, exploitées par des entreprises pour éviter de payer leur juste part d’impôt, sont dommageables pour les pays du G20 comme pour les pays pauvres. Les organisations appellent à une réforme structurelle des normes fiscales internationales, mettant tous les pays sur un pied d’égalité. Les organisations ont étudié les données de l’US Bureau of Economic Analysis sur l’activité économique des multinationales dont le siège est aux Etats-Unis en 2012 (dernières données disponibles). Il en ressort que les multinationales américaines ont transféré artificiellement entre 500 et 700 milliards de dollars de bénéfices en 2012, soit un quart de leurs bénéfices annuels, principalement vers des pays où les taux d’imposition sur les bénéfices sont très bas, voire nuls. En d’autres termes, près d’un dollar sur quatre de bénéfices réalisés par les multinationales américaines a été transféré vers des paradis fiscaux. Ces entreprises ont ainsi déclaré 80 milliards de dollars US de profits aux Bermudes – davantage que leurs profits cumulés au Japon, en Chine, en Allemagne et en France. Pour Manon Aubry, responsable de plaidoyer justice fiscale et inégalités à Oxfam France : “L’hémorragie des recettes fiscales touche les pays riches comme les pays pauvres du fait du décalage immense entre le lieu d’imposition des entreprises et celui où elles exercent véritablement leurs activités. Nous devons exiger des multinationales qu’elles mettent en adéquation le lieu de résidence de leurs activités avec celui de leurs profits. Cette situation où les entreprises ne paient pas leur juste part d’impôt nuit à tous et aggrave fortement les inégalités dans les pays les plus pauvres. Ils sont en effet ceux qui pâtissent le plus de l’évasion fiscale des multinationales et de la faiblesse des moyens consacrés aux services publics“. Les pays du G20 comptent parmi les grands perdants des pratiques d’évasion fiscale des multinationales américaines. 90 % des recettes fiscales non perçues du fait de l’évasion fiscale des multinationales US concernent douze pays : les Etats-Unis, l’Allemagne, le Canada, la Chine, le Brésil, la France, le Mexique, l’Inde, le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne et l’Australie. La France en particulier aurait vu s’envoler 14 milliards de dollars de bénéfices qui ont été transférés en 2012 hors du pays par les multinationales américaines et ont ainsi échappé à l’impôt. Si ces bénéfices avaient été imposés au taux statutaire en France (33,3%), elle aurait collecté plus de 4,5 milliards de dollars de recettes fiscales en plus, soit davantage que les 3,4 milliards d’euros de coupes budgétaires prévus pour les hôpitaux en 2016. Ce calcul est le résultat du décalage entre les bénéfices déclarés en France et l’activité économique réelle, mesurée par le produit des ventes, les actifs et les salariés. « Lorsqu’on sait que ces données ne concernent que les entreprises américaines sur une année, cela en dit long sur l’ampleur du transfert de bénéfices pratiqué par les multinationales pour se soustraire à l’impôt. Cela démontre aussi la nécessité de davantage de transparence : nous avons tous besoin de savoir où les entreprises réalisent leurs activités économiques et où elles paient leurs impôts pour mettre fin au décalage énorme qui existe actuellement à cause du transfert de bénéfices. Les pays du G20 doivent donc impérativement mettre en place un reporting pays par pays qui soit public, pour prévenir ces pratiques : en France, les députés ont la possibilité d’adopter une telle mesure dès les prochaines semaines », ajoute Manon Aubry. Si les pays du G20 sont ceux qui perdent le plus d’argent en valeur absolue à cause de ces pratiques d’évasion fiscale des entreprises, les pays les plus pauvres comme le Honduras, l’Equateur ou les Philippines sont touchés beaucoup plus durement. En effet, l’impôt sur les sociétés compte pour une part importante de leur budget : ainsi, le budget de l’éducation ou de la santé du Honduras pourrait augmenter de 10 à 15% en mettant un terme aux pratiques d’évasion fiscale des entreprises multinationales. A Antalaya, les chefs d’Etats des pays du G20 vont adopter le plan d’action de l’OCDE, présenté début octobre 2015, pour lutter contre l’érosion des assiettes fiscales et le transfert de bénéfices des entreprises multinationales (plan BEPS en anglais). Malheureusement, pour les organisations de la société civile, et notamment la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires, ces mesures sont loin d’être suffisantes. [2] “Le plan d’action de l’OCDE que les pays du G20 vont adopter cette semaine est insuffisant : les mesures proposées ne permettront pas de s’assurer que les entreprises paient leurs impôts là où elles ont une activité réelle. Pire elles légitiment certains régimes fiscaux dommageables, comme ceux qui concernent la propriété intellectuelle, les fameuses patent boxes», commente Lucie Watrinet, chargée de plaidoyer financement du développement au CCFD-Terre Solidaire et coordinatrice de la plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires. Les organisations demandent au G20 que les prochaines réformes fiscales internationales puissent inclure tous les pays sur un pied d’égalité. Ces réformes doivent s’attaquer efficacement aux pratiques fiscales dommageables telles que les transferts de bénéfices, le recours aux paradis fiscaux et mettre un coup d’arrêt au nivellement par le bas de la fiscalité des entreprises. Contacts presse : Karine Appy – CCFD – 01 44 82 80 67 – 06 66 12 33 02 Caroline Prak – Oxfam France – 01 56 98 24 45 – 06 27 15 80 99 Note aux rédactions L’article de recherche complet « Measuring misalignment: The location of US multinationals’ economic activity versus the location of their profits”, écrit par Alex Cobham et Petr Janský du Tax Justice Network et sur lequel le rapport est basé, est disponible au lien suivant (en anglais) : http://www.taxjustice.net/scaleBEPS/ La recherche porte sur les entreprises multinationales américaines et les données brutes sont issues du US Bureau of Economic Analysis car seuls les Etats-Unis obligent les entreprises à fournir ces informations. Si les multinationales d’autres pays étaient inclues, le montant des pertes fiscales seraient beaucoup plus important. [1] Le calcul des 14 milliards de dollars qui échappent à l’impôt en France se fonde sur une comparaison entre les bénéfices déclarés en France par les multinationales américaines et une mesure de l’activité économique réelle à l’aide de la formule ACCIS (Assiette Commune Consolidée sur l’Imposition des Sociétés) de l’Union européenne qui repose sur les actifs, les ventes, les salariés et les salaires et permet d’évaluer le volume réel de bénéfices qui devrait être imposé. Par ailleurs, l’étude révèle également que seulement 0,52% des bénéfices des multinationales américaines sont déclarés en France, alors que 1,25% de leurs ventes est réalisé en France et 1,28% des salariés y sont domiciliés et représentent 1,46% des coûts salariaux totaux. En d’autres termes, si l’on compare les bénéfices déclarés en France aux indicateurs d’activité économique réelle tels que le produit des ventes, les bénéfices déclarés en France par les multinationales américaines seraient près de 2,5 fois inférieurs à ce que leur activité économique laisse supposer. [2] Voir la note d’analyse de la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires « Le plan BEPS de l’OCDE va-t-il permettre de mieux lutter contre les pratiques d’évasion fiscale des entreprises multinationales. Mythes et réalités. »

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