Evolution du taux d'impôts sur les sociétés

Evolution du taux d'impôts sur les sociétés

Ils voient les ressources s’envoler

Publié le 07.12.2010| Mis à jour le 10.09.2021

Recettes fiscales en berne, érosion de l’épargne disponible, salaires sous pression… La note est salée pour les paysdont les richesses sont détournées vers les paradis fiscaux.

Entre évasion et dépenses fiscales : des états dépouillés

Chaque année 600 à 800 milliards d’euros échappent aux pays en développement, dont 65 % d’évasion fiscale, 30 à 35 % issus de la criminalité et 3 % de la corruption. Ces chiffres représentent près de 10 fois l’aide publique au développement (APD) octroyée par l’ensemble des pays riches. À titre d’exemple, le Nigeria reçoit 2,7 milliards d’euros d’APD et voit s’envoler 12,8 milliards d’euros de capitaux par an. L’ameunuisement de l’assiette fiscale se traduit par une chute de recettes publiques car ces 600 à 800 milliards de dollars sont autant d’argent que les États ne peuvent pas taxer. La seule évasion fiscale des multinationales est responsable d’une perte de 125 milliards d’euros pour les caisses des pays du Sud[[Christian Aid, op. cit., mai 2008. ]].

Non contentes de faire échapper une partie de leurs profits à l’impôt, à l’insu des États, les entreprises demandent toujours plus d’efforts fiscaux aux pays souhaitant les recevoir. Un chantage auquel les États, en concurrence les uns avec les autres, ont de plus en plus de mal à résister. Les institutions internationales ne les y encouragent d’ailleurs pas, elles qui demandent notamment aux États du Sud de mettre tout en œuvre pour attirer des investisseurs étrangers.

Résultat : le taux moyen d’imposition des profits des sociétés (IS) ne cesse de diminuer au plan mondial. Il est passé en moyenne de 37 % en 1993 à 32,7 % en 1999 et 25,5 % en 2009, soit une diminution d’environ 7 points en 10 ans. Entre 1999
et 2009, le taux d’IS est passé de 35 % à 27,5 % au Bangladesh et de 42 % à 34,5 % en Afrique du Sud. En Uruguay, il a chuté de 35 % en 2003 à 25 % en 2009[[KPMG International, KPMG’s Corporate and Indirect Tax Rate Survey 2009.]]. En France, le taux d’IS a été réduit, au cours des années 1990, de 50 % à 33,33 %. Le manque à gagner pour les États est considérable. Si elles étaient taxées selon le taux d’imposition qui prévalait en 1993, les 50 premières entreprises européennes devraient verser 17 milliards d’euros supplémentaires au fisc chaque année[[Calculs faits par l’auteur à partir des données de Fortune 500 et KPMG.]].

Comme si la baisse des taux ne suffisait pas, les États multiplient également les régimes d’exception au bénéfice des investisseurs étrangers. Les zones franches d’exportation, qui se caractérisent généralement par un impôt faible ou nul, sont passées de 79 dans le monde en 1975 à 3 500 en 2006[[W. Milberg et M.Amengual, « Développement économique et conditions de travail dans les zones franches d’exportation : un examen des tendances », Organisation Internationale du Travail, 2008, Genève, p. 5. ]]. Dans les pays du Sud, des exonérations sont fréquemment accordées à tout nouvel investisseur pour les cinq premières années. Des rabais sont accordés au cas par cas, au bon vouloir du ministre des Finances ou de l’inspecteur du fisc – dont l’investisseur sait au besoin récompenser le « sens de l’accueil ». Le cumul de ces régimes d’exception représente une « dépense fiscale » (ou manque à gagner) parfois colossale. Depuis 2006, le gouvernement indien estime que ces « cadeaux » (incitations fiscales et subventions) se sont traduits par un trou de 10,4 milliards d’euros par an dans son budget[[Actionaid, Accounting for poverty, septembre 2009,p. 43. ]]. Le Maroc a évalué, lui, sa dépense fiscale en 2006 à 4,3 % de son PIB, soit 19 % de ses recettes fiscales.[[N. Jellouli (Direction
générale des impôts du Maroc), L’expérience marocaine en matière de dépenses fiscales, Présentation à Rabat, 23 nov. 2006.]]

Au Sénégal, elle atteindrait 457 millions d’euros selon une estimation du gouvernement portant sur le budget 2008[[« Budget 2008 : les dépenses fiscales estimées provisoirement à 300 milliards », Senegal Business, 14 oct. 2009.]], soit 5% du PIB. En appliquant la redevance de 3 % mentionnée dans son code des impôts sur l’exploitation de ses ressources minières et non de 0,6 % comme elle l’a effectivement fait, la Zambie aurait pu obtenir 50 millions d’euros de recettes supplémentaires entre 2004 et 2006 ! En 2008, le gouvernement a voulu contraindre les multinationales du secteur minier à payer les 3 %, mais il est vite revenu en arrière sous la pression de ces sociétés.[[ActionAid, op. cit.]]

Evolution du taux d'impôts sur les sociétés
Evolution du taux d’impôts sur les sociétés

Populations lésées

Les premières victimes de la fuite des capitaux, sur toute la planète, sont les classes moyennes et pauvres. L’épargne qui fuit est synonyme de hausse des taux d’intérêt de la part des banques locales qui, faute de liquidité, ne prêtent qu’aux très riches – ou à des taux prohibitifs.

Derrière les recettes publiques exsangues, ce sont les services et investissements publics qui ne sont pas financés : comment en effet payer des salaires d’enseignants, de médecins ou encore développer l’électrification ou les infrastructures de transport quand les capitaux se sont envolés vers les paradis fiscaux ? En Afrique subsaharienne, la fuite illicite des capitaux représente plus de trois fois le budget alloué à l’agriculture, alors que 30 % de la population souffre de sous-alimentation[[Calcul de l’auteur à partir des données de la FAO, d’African Economic Outlook (publié par l’OCDE, la Banque africaine de développement et l’ONU) et du think tank américain Global Financial Integrity. Le budget alloué à l’agriculture en Afrique subsaharienne est de 12,2 milliards d’euros et la fuite illicite des capitaux de 41,9 milliards d’euros en moyenne annuelle entre 2003 et 2008.]]. Un exemple parmi d’autres…

Le trou dans les finances publiques des États du Sud provoqué par la seule évasion fiscale des multinationales équivaut à 5 fois la somme nécessaire pour éradiquer la faim dans le monde, selon la FAO[[Chiffres de Global Financial Integrity décembre 2008 ; et de Christian Aid, mai 2008. ]]. Un grand nombre de multinationales participent ainsi au délitement des États en asséchant leurs finances.

En France, la fraude fiscale coûte 40 à 50 milliards d’euros par an à l’État, dont 15 à 20 milliards par le biais des paradis fiscaux, selon le rapport d’information sur les paradis fiscaux publié en septembre 2009 par la commission des finances de l’Assemblée nationale (n°1902). C’est l’équivalent en 2009 du déficit de la sécurité sociale[[20,3 milliards d’euros selon La Croix, « Sécurité sociale : un déficit plus faible que prévu », 2 avril 2010.]].

Salariés dépossédés

Ce que l’on sait moins, au-delà du coût pour l’État et, par incidence, pour les usagers du service public et les fonctionnaires, c’est que la délocalisation virtuelle de la richesse créée par les multinationales fait pression à la baisse sur les revenus du travail dans le secteur privé. Comme l’expliquent François d’Aubert et Max de Chantérac, « une pratique possible pour les grands groupes consiste à réduire le profit dans les filiales les plus nombreuses pour payer moins d’intéressement aux salariés »[[F. d’Aubert et M. de Chantérac, op. cit., p. 2. ]].

Plus encore, la possibilité pour une multinationale de déplacer une partie de son chiffre d’affaires vers les paradis fiscaux permet de maintenir les salariés sous pression en organisant le caractère faiblement excédentaire, voire déficitaire de la filiale et en brandissant la menace de fermer. C’est un énorme défi pour les syndicats : comment peuvent-ils être sûrs des arguments mis en avant par les directions pour dégraisser ? Un enjeu dont les grandes centrales ne semblent pas avoir mesuré toute la portée, hormis de rares cas de mobilisations contre les « délocalisations fiscales » (voir encadré p. 40)… À terme, le transfert de la plus-value offshore contribue à mieux rémunérer le capital que le travail

Les gagnants: actionaires et dirigeants copieusement servis

Depuis 30 ans, les actionnaires captent une part croissante de la richesse des entreprises, à la fois par la hausse de la valeur des actions (plus-value) et la part croissante du bénéfice qui leur est attribuée (dividende). Au détriment des salariés et du réinvestissement dans l’entreprise. Instrument clé de ce système : les stock-options, qui ont transformé les dirigeants de l’entreprise en actionnaires eux-mêmes, en liant une part croissante de leur rémunération à la valeur de l’action… Résultat : quand, en 2009, le profit des entreprises du CAC 40 recule de 20 % par rapport à 2008 (à 47 milliards d’euros de profits cumulés), le niveau de rétribution des actionnaires, lui, est maintenu (à 35 milliards d’euros). Il représente 56 % des bénéfices (hors éléments exceptionnels), contre 40 % en moyenne les années précédentes[[M. Chevalier, « CAC 40 : les actionnaires d’abord », Alternatives économiques, n° 290, avril 2010.]]. Regrettons simplement que les multinationales ne prêtent pas une oreille plus attentive à ceux d’entre leurs actionnaires qui refusent de sacrifier le rôle social et l’éthique de l’entreprise aux exigences de rentabilité.

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