Mettre les utilisateurs sous pression

Publié le 07.12.2010| Mis à jour le 14.11.2023

0 … c’est le nombre de condamnations pénales pour fraude fiscale en France dans des affaires de manipulation des prix de transfert.


Pour le G20 et l’Union européenne, mettre la pression uniquement sur les zones de transit de la finance offshore pour obtenir, à terme et dans le meilleur des cas, quelques renseignements, relèverait de la manœuvre dilatoire. Car il leur serait aisé d’obtenir l’information des « transporteurs de fonds » offshore, ou directement des principaux voyageurs de l’offshore. Un regard froid aux plus grandes victoires du fisc au cours des deux dernières années (voir encadré p. 51) plaide sans conteste pour accroître la pression sur les intermédiaires juridiques et financiers. Quant au secret comptable, permettant aux entreprises de tricher sur la localisation de la valeur qu’elles produisent, il serait, après le secret bancaire, la prochaine étape logique du combat engagé par le G20 contre les paradis fiscaux. Deux démarches timidement envisagées par les grandes puissances.

Banques et conseillés fiscaux

Entre 2000 et 2007, les États-Unis n’ont sollicité la Suisse pour des renseignements fiscaux qu’à 13 occasions, tellement le traité d’échange d’informations qui liait Berne à Washington (proche du TIEA préconisé par l’OCDE) était encadré… Un chiffre à comparer aux 14 700 fraudeurs du fisc américain partis en Suisse qui se sont dénoncés à la faveur du scandale UBS, en 2009 ! L’administration Obama semble avoir compris tout l’intérêt qu’il y avait, pour traquer la fraude fiscale, à exiger davantage d’informations des banques plutôt que d’en attendre des paradis fiscaux.

Le 24 mars 2010, le Sénat américain a approuvé une loi (FATCA)[[Foreign Account Tax Compliance Act.]] qui obligera, à partir de 2013, les établissements financiers étrangers à dévoiler à l’administration fiscale américaine (IRS) leurs relations bancaires avec des contribuables américains.

La France, elle, oblige depuis 2009 les banques à transmettre la liste des transferts effectués par leurs clients dans les paradis fiscaux – mais sa liste de 18 territoires épargne tous les grands centres offshore.

Au Royaume-Uni, le gouvernement de Gordon Brown a adopté une loi obligeant les entreprises et conseillers fiscaux à notifier auprès de l’administration fiscale de Sa Majesté leurs schémas d’optimisation fiscale.

Le Parlement européen « préconise à la Commission (…) de demander à l’IASB d’inclure dans ses normes comptables internationales l’obligation d’un reporting pays par pays pour les activités des entreprises multinationales des tous les secteurs. »
Résolution du 23 septembre 2008[[Résolution sur le suivi de la Conférence de Monterrey de 2002, sur le financement du développement (2008/2050(INI).]].

Des brèches dans le secret comptable

D’autres initiatives mettent directement la pression sur les multinationales. Leur but ? Les obliger à rendre des comptes ! La « révolution » opérée par la Commission européenne, dans une communication du 21 avril 2010, n’est pas passée inaperçue : elle a pour la première fois pointé le lien entre paradis fiscaux, multinationales et pauvreté et demandé aux entreprises de présenter leurs activités et leurs résultats, pays par pays. Le 14 juin 2010, le Conseil européen des Affaires étrangères, sous présidence espagnole, reprenait à son compte la proposition. La Commission a franchi une nouvelle étape, le 26 octobre, en lançant jusqu’au 22 décembre 2010 une consultation afin de recueillir l’avis des parties prenantes autour de cette idée de « reporting pays par pays » des multinationales[[Cf. http://ec.europa.eu/internal_market/consultations/2010/financial-reporting_en.htm ]]. Une démarche qui vient utilement compléter celle entamée sous l’égide de l’OCDE, en avril 2010, dans le cadre du « taskforce » impliquant ONG, entreprises, pays en développement et pays riches, sur la fiscalité et le développement. Un sous-groupe y examine la possibilité et les contours du reporting pays par pays.

La réforme en cours de la norme comptable internationale portant sur le secteur des industries extractives (IFRS6) pourrait montrer la voie. Le premier jet de norme révisée soumis à consultation par l’IASB propose d’obliger les entreprises du secteur à publier leurs comptes pays par pays. Mais le champ des informations demandées est très limité et, surtout, ce texte permet aux entreprises de s’affranchir de cette obligation lorsqu’elles estiment que l’information n’a pas d’importance ou peut leur porter préjudice[[http://www.iasb.org/NR/rdonlyres/735F0CFC-2F50-43D3-B5A1-0D62EB5DDB99/0/DPExtractiveActivitiesApr10.pdf ]]! Un second texte sera soumis à discussion en 2011. En attendant cette réforme comptable qui n’aboutira, au mieux, qu’en 2014, les lignes bougent en matière de régulation boursière : Hong-Kong depuis mai 2010, et Wall Street depuis juillet, contraignant les entreprises cotées du secteur extractif à publier les versements effectués au gouvernement dans chaque pays où elles opèrent.

Dans le domaine financier aussi, l’idée de soumettre les banques à une obligation de transparence progresse. Depuis juin 2009, la loi française oblige les banques à indiquer en annexe de leur rapport annuel leurs implantations et la nature de leurs activités dans les 18 territoires « non-coopératifs » listés par Paris. Interpellées par le CCFD-Terre Solidaire dans le cadre de la campagne « Stop paradis fiscaux »[[Lancée conjointement en septembre 2009 avec la CFDT, la CGT, Solidaires, le SNUI, Attac, Oxfam France et la plate-forme paradis fiscaux et judiciaires.]], les collectivités locales sont allées plus loin. Le 17 juin 2010, le conseil régional d’Île-de-France, première région française, a adopté à l’unanimité une délibération demandant à ses partenaires financiers (banques et, potentiellement, assurances) « de fournir un état, pays par pays, de leur activité, de leurs effectifs et des impôts et taxes versés aux autorités locales ». Ces informations seront étudiées à la loupe avant l’engagement de toute opération financière.

Depuis, l’initiative fait tache d’huile : 12 régions françaises sur 22 ont exprimé une volonté similaire – se traduisant dans des textes juridiquement contraignants dans quatre autres cas (Rhône-Alpes, Champagne-Ardenne, Alsace et Auvergne). Aujourd’hui demandée aux partenaires financiers, la transparence pays par pays pourrait, à l’avenir, concerner d’autres secteurs économiques. De surcroît, des villes se montrent intéressées par la démarche (Villeurbanne par exemple). Les États entendront-ils l’aspiration légitime des collectivités locales à amener les multinationales à davantage de transparence ? Le gouvernement français, qui préside le G20 en 2011, serait inspiré d’en faire une priorité.

Dodd Frank Act, un reporting pays par pays, c’est possible!

Adoptée le 21 juillet 2010 aux États-Unis, cette mesure a une portée décisive. L’article 1504 prévoit l’obligation pour les industries extractives cotées à New York, soit environ 90 % des compagnies pétrolières et gazières internationales et 80 % des géants miniers, de communiquer au gendarme de la bourse américaine (la SEC) tous les paiements faits aux gouvernements étrangers, projet par projet. Cette mesure, si elle est appliquée permettra aux citoyens des pays en développement de demander des comptes à leur gouvernement quant à l’utilisation des revenus issus du pétrole, du gaz et des mines. Et à ceux du Nord, d’interroger leurs entreprises sur leurs activités à l’étranger. Cette réforme fait suite à une mesure similaire décidée à la bourse de Hong-Kong en mai 2010.

Les plus belles victoires du fisc depuis 2008[[Jean Merckaert et Renaud Fossard, op. cit. 2010.]]

En moins de deux ans, ce sont plus de 30 000 noms de contribuables allemands, français ou américains qui ont, à l’insu des banques, été transmis aux administrations fiscales de ces trois pays.

L’affaire LGT. En février 2008, l’Allemagne achète à un salarié de cette banque du Liechtenstein une liste de 1 400 individus et entreprises issus de dix pays. Le fichier permettra à la France d’obtenir 5,2 millions d’euros d’impayés de la part de 64 familles. Trois dossiers concernant des entreprises ont été renvoyés devant le parquet de Paris.

L’affaire Crédit Suisse. En février 2010, l’Allemagne récidive : pour 2,5 millions d’euros, elle obtient plus de 1 500 noms de contribuables allemands détenteurs de comptes en Suisse. Depuis, 11 200 fraudeurs se sont dénoncés au fisc, qui escompte récupérer plus d’un milliard d’euros d’arriérés d’impôts.

L’affaire UBS. Sourde aux injonctions du fisc américain qui demandait des données bancaires sur 250 Américains, UBS s’est vue menacée de se voir retirer sa licence lui permettant d’opérer aux États-Unis. Y réalisant un tiers de son activité, elle ne peut qu’obtempérer et verse 900 millions de dollars d’amendes. Trop tard, pour l’administration américaine, qui a déjà engagé des poursuites judiciaires contre UBS pour obtenir des informations sur 52 000 comptes. Une tractation diplomatique entre Washington et Berne prévoira la transmission de 4 450 noms – ce qui incitera in fine 14 700 contribuables à se dénoncer spontanément au fisc.

L’affaire HSBC. La France a récupéré une liste de 130 000 clients de la filiale helvétique HSBC Private Banking via un ancien employé de cette société. Sur ces clients : au moins 3 000 contribuables français. D’autres fraudeurs, prenant peur, se sont dénoncés à la « cellule de régularisation » des capitaux dissimulés.

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