Usine Michelin en Inde : les plaignants dessaisissent le Point de contact national de l’OCDE

Publié le 24.09.2013| Mis à jour le 07.12.2021

Dans un courrier adressé à Paul Hunsinger, Président du Point de contact national de l’OCDE (PCN), le CCFD-Terre Solidaire, Sherpa, la CGT et deux organisations indiennes – Tamil Nadu Land Right Federation et Thervoy Sangam, ont annoncé le retrait de leur « plainte » auprès de cette instance en raison de défaillances importantes observées dans le traitement du dossier. Les plaignants souhaitent ainsi alerter l’opinion et les pouvoirs publics sur la nécessité de réformer le PCN.

Le 9 juillet 2012, les organisations avaient saisi le Point de contact national français de l’OCDE (PCN), au sujet de l’implantation dans l’Etat du Tamil Nadu (Inde) de la plus grande usine Michelin de fabrication de pneus poids lourds. Répondant à la mobilisation des populations locales confrontées aux impacts de cette implantation, les organisations plaignantes attendaient du PCN qu’il se prononce sur les violations alléguées des Principes Directeurs de l’OCDE (PDOCDE) par l’entreprise. Les griefs portaient sur la consultation des populations, l’impact social et environnemental, la « diligence » en matière de droits humains, de contribution fiscale, d’information des parties prenantes, et l’emploi. Or, les conclusions finales du PCN sur l’affaire Michelin et la façon dont la procédure s’est déroulée, mettent en doute la capacité de cette instance à mener à bien sa mission. Les plaignants se voient donc contraints de retirer leur plainte afin de ne pas cautionner de tels dysfonctionnements. Dans une économie mondialisée où les règles contraignantes font cruellement défaut, le PCN, chargé de veiller au respect des principes directeurs de l’OCDE, pourrait permettre des avancées importantes dans l’interprétation de ce que doit être la responsabilité des multinationales. Cependant cette instance, placée sous la tutelle du ministère de l’Economie et des Finances, est aujourd’hui privée de moyens et d’une structure lui permettant d’exercer pleinement sa fonction. Son fonctionnement ne saurait se réduire à délivrer des blancs-seings aux firmes multinationales ciblées par des saisines. «C’est avec une profonde déception que nous constatons l’échec de cette instance à dire le droit. Nous sommes atterrés de constater l’incapacité tant de l’Etat indien que français, à défendre les droits des populations face aux intérêts des entreprises multinationales », déplore Mahesh de Thervoy Sangam, l’une des organisations plaignante, qui ajoute « Nous nous sentons victimes d’un énième déni de justice ». En effet, les conclusions de l’examen, adressées aux plaignants révèlent la difficulté de cette instance à prendre ses responsabilités dans ce dossier. Le PCN constate de nombreuses insuffisances et manquements de la part du groupe Michelin, mais affirme néanmoins qu’il « n’a pas violé les principes directeurs de l’OCDE », ce qui l’amène à de nombreuses contorsions tout au long du document. Notamment : Sur le respect des droits de l’Homme et l’Environnement. Les Principes directeurs de l’OCDE préconisent la consultation des populations et la conduite d’études d’impact afin d’identifier, prévenir et réparer les préjudices subis. Le PCN reconnait que les études d’impact qui ont été menées par l’entreprise n’ont pas été suffisantes et que le projet industriel dans la zone a eu des incidences fortes sur la vie des populations. Il admet aussi que l’installation de Michelin « ne lui a pas permis de prendre en compte tous les besoins des populations » et « recommande au groupe de prendre davantage en compte le droit des populations indigènes ». Mais le PCN se refuse pourtant à souligner le manquement de Michelin aux Principes directeurs de l’OCDE. Il estime par ailleurs que les mesures prises par le groupe en matière de responsabilité sociale font que Michelin « se garde de porter atteinte aux droits d’autrui et parer aux incidences négatives sur les droits de l’Homme ». Or, les formations proposées par Michelin – comme par exemple des ateliers de réparation de téléphones portables ou encore des formations en boulangerie, ne peuvent permettre aux populations de remédier aux violations alléguées de leurs droits fondamentaux. Nos organisations constatent avec perplexité que le PCN confond RSE et philanthropie (Voir la note aux rédactions). Sur l’exonération d’impôts. Les Principes directeurs de l’OCDE affirment qu’il est « important que les entreprises contribuent aux finances publiques des pays d’accueil ». Le PCN estime que Michelin n’a pas dérogé aux Principes, alors que l’entreprise a été quasiment exonérée d’impôts par l’Etat du Tamil Nadu en raison de son engagement à créer des emplois. Le PCN ignore cependant que, jusqu’à présent, Michelin n’emploie en grande majorité que des ouvriers extérieurs à la région, et que ces avantages fiscaux, inconditionnels, persisteront si l’entreprise n’honore pas ses obligations d’embauche. Sur le droit à l’information. Le PCN estime que Michelin a mis en place des dispositifs adéquats de communication sur le projet, faisant sans doute référence au site internet dédié à son implantation en Inde (http://michelin-plant-in-india.com/). Ce site n’a pourtant pas été mis à jour depuis le 23/10/2012 et son contenu ne donne aucune information « adéquate, mesurable et vérifiable relative aux effets potentiels de son activité sur l’environnement, la santé et la sécurité » comme le préconisent les Principes directeurs de l’OCDE. Sur les relations professionnelles et l’emploi. Le PCN reconnait que, dans le contrat qui le lie à l’Etat du Tamil Nadu, Michelin bénéficie de dérogations au droit du travail contraires aux Principes directeurs. Ces dérogations concernent directement la dignité au travail et les droits syndicaux : travail de nuit des femmes, droit de grève et recours à la force afin de juguler des troubles éventuels. Cependant, le PCN se contente de la promesse qui lui fait Michelin de respecter les principes de l’OIT sur la négociation collective et liberté syndicale, et ignore ainsi la lettre des Principes directeurs . Les organisations plaignantes connaissaient les faiblesses du mode de fonctionnement du PCN, et les ont même soulignées à l’occasion de la saisine. Elles comptaient ainsi encourager le PCN à évoluer. Cependant l’examen du cas a souffert de nombreuses difficultés : Manque d’impartialité: application abusive de l’exigence de confidentialité sur la procédure (les plaignants ont été interpellés par le PCN à plusieurs reprises, et pointés du doigt dans le communiqué final, parce qu’ils communiquaient sur la situation en Inde alors qu’ils ne compromettaient pas les informations de procédure ou des données sur l’entreprise protégées par les PDOCDE), refus d’un nombre suffisant de représentants de plaignants à l’audience, interprétation restrictive de l’applicabilité des PDOCDE et de notions essentielles en faveur de l’entreprise. Manque de transparence et de prévisibilité: refus de communiquer aux plaignants des documents qui servent les débats, refus de publier la décision de recevabilité de la saisine, absence de procès-verbaux ou de calendrier indicatif de procédure, absence de suite donnée à l’acceptation par les plaignants de la médiation sous certaines conditions. Manque d’accessibilité: non prise en charge du déplacement des plaignant indiens en France ou de l’interprète pour l’audition, de traductions, absence de déplacement du PCN sur le terrain, refus de ré-auditionner les plaignants. Les plaignants appellent l’Etat français, signataire des Principes directeurs de l’OCDE et de ce fait responsable de la mise en œuvre du texte, à conduire une réforme radicale du PCN afin de respecter ses engagements internationaux. (Voir les propositions de réformes du Forum Citoyen pour la RSE). Note aux rédactions Note sur les dysfonctionnements du PCN Propositions d’amélioration du Point de Contact National français – FCRSE Contacts presse : CCFD-Terre Solidaire: Karine APPY, 06 66 12 33 02 / 01 44 82 80 67 – Antonio MANGANELLA, 06 21 65 78 99 CGT: Fabienne CRU-MONTBLANC, 06 74 67 92 05 fabienne.cru@orange.fr Sherpa: Sophia LAKDHAR, 01 42 21 33 25 / Maître William Bourdon, 01 42 60 32 60 communication@asso-sherpa.org –

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