Lettre aux déçus du Forum social mondial

Publié le 22.02.2007

Par Jean-Marie Fardeau
Secrétaire général du CCFD

Le rideau est tombé sur le Forum social mondial (FSM) de Nairobi. Comme chaque année depuis 2005, les mêmes questions reviennent : à quoi cela a-t-il servi ? Pourquoi en a-t-on si peu parlé dans les médias ? L’altermondialisme est-il en crise ? Le FSM s’essouffle-t-il ?
Toutes ces questions sont légitimes et pour toutes celles et tous ceux qui n’ont pas la chance de vivre un FSM, il est difficile d’en saisir la substance, d’en mesurer la dynamique. Car le Forum se veut en premier lieu un espace d’échanges et de rencontres entre des associations, des mouvements sociaux (syndicats, mouvements paysans…) du monde entier. L’édition de Nairobi a parfaitement rempli ce rôle. Les réseaux associatifs et syndicats travaillant sur les questions économiques (dette, accords commerciaux entre l’Europe et les pays Afrique-Caraïbes-Pacifique), sociales (impact du sida, conséquences des industries minières et pétrolières en Afrique…), politiques (situations de conflits dans le monde comme en Guinée actuellement, respect des droits des minorité en Inde et dans bien d’autres pays), se sont retrouvés à Nairobi et ont pu renforcer leurs liens, définir des plans d’action pour 2007 et au-delà, intégrer de nouvelles organisations…

Africaniser le processus
Le Forum n’est pas efficace ? A-t-on déjà oublié qu’en 2005, sous la pression des éditions précédentes du Forum social mondial, le Forum économique de Davos avait choisi pour thème la réduction de la pauvreté, témoignant d’un infléchissement sensible dans la réflexion sur la mondialisation ? Les millésimes 2006 et 2007 du Forum social mondial ont eu effectivement moins de répercussion immédiate sur la scène mondiale. Mais croit-on que l’on peut dominer l’actualité tous les ans ? La réalité d’une société civile en voie de mondialisation est durable et profonde. Le Forum est son espace, son rendez-vous. Dans dix ou vingt ans, les participants au FSM seront toujours là, mobilisés pour proposer des alternatives, dénoncer les injustices, faire entendre la voix des plus pauvres.
L’édition de Nairobi a réuni deux fois moins de personnes que celui de Porto Alegre en 2005. Certes, mais peut-on comparer des événements organisés dans des contextes aussi différents que le Brésil ou l’Inde, où la tradition des mobilisations populaires est ancienne, et le Kenya où l’histoire des mouvements sociaux est très différente ? Cette septième édition du Forum avait un objectif essentiel : « africaniser » le processus du Forum. La rencontre de Nairobi aura été la principale rencontre des sociétés civiles africaines organisées depuis les indépendances de ces pays. Des représentants d’associations et syndicats de tous les pays d’Afrique étaient présents. Un tel événements était inimaginable voici cinq ou dix ans, alors que beaucoup de pays sortaient à peine de décennies de pouvoir autoritaire.

Deux types d’impatients

La réalité de l’altermondialisme semble insaisissable pour deux types d’impatients. Tout d’abord, ceux qui voudraient qu’un projet de société soit proclamé à la fin de chaque Forum, telle une stratégie de combat pour renverser le néo-libéralisme. L’altermondialisme n’est pas une nouvelle idéologie à laquelle on se référerait comme un dogme. C’est plutôt un état d’esprit face à un système économique dominant qui, tout en créant certains types de richesses, accroît le fossé entre riches et pauvres et réduit les espaces de solidarité. Les milliers d’organisations qui se retrouvent au Forum, sont toutes engagées à leur manière dans la construction d’une autre mondialisation. Elles n’attendent pas du Forum un cadre d’action formaté, mais une énergie pour poursuivre leurs difficiles combats.
Le Forum est un incubateur de mobilisations, d’initiatives, sa diversité est celle de la multitude des approches, des idéologies et des fronts de la transformation sociale. Les inconsolables de l’époque des idéologies totalisantes pourraient bien rater le train à force d’attendre de voir naître du Forum une sorte de « Sauveur suprême ».
Par ailleurs, il est une forme d’impatience plus artificielle encore, qui juge l’altermondialisme à l’aune des critères du grand barnum médiatique, qui regarde le phénomène à travers la minuscule lorgnette franco-française ou de la présence ou non de telle ou telle personnalité. Il est certes difficile de médiatiser un atelier de travail de trois heures sur les industries extractives en Afrique, de saisir les milliers de rencontres, de discussions fécondes, de projets de travail en commun que le Forum social provoque. Mais si l’attention médiatique se lasse, la conviction qu’un autre monde est possible mobilise encore largement en Afrique, en Amérique latine, en Inde, au Maghreb…

Une nouvelle culture de l’action collective
Le processus du Forum social est l’expression d’une nouvelle culture de l’action collective : multiple, diverse, adaptée à la complexité d’une transformation nécessaire du cours de la mondialisation. Une forme d’action collective qui parvient à articuler des dimensions sociale, culturelle, politique, économique, voire spirituelle, sans enfermer personne dans le carcan d’une pensée unique, d’une stratégie obligatoire. Rien à voir avec un phénomène de mode.
Le Forum social mondial a ouvert un nouveau chapitre au tournant des années 2000. Il a suscité un temps l’étonnement. Certains médias s’en lassent ? Pourtant, l’irruption sur la scène mondiale des sociétés civiles est loin d’être terminée.

Paru dans le journal La Croix, 22 février 2007

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