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Sénégal : quand la pêche artisanale contribue à la biodiversité (vidéo)

Publié le 18.04.2019| Mis à jour le 05.08.2022

Surpêche, pêche illégale, diminution des stocks halieutiques… Alors que le poisson représente la principale source de protéine au Sénégal, les pêcheurs ne savaient plus où jeter leurs filets. Face à cette situation préoccupante, l’État a accepté de cogérer la pêche artisanale et les ressources halieutiques avec les professionnels de la mer. Avec des résultats prometteurs.

«Les richesses de la mer sont un bien commun, elles nous ont été léguées par nos parents et nous avons le devoir de les transmettre à nos enfants ». Conscients des problèmes qui les concernent, les pêcheurs artisans ont décidé de relever le défi de restaurer les stocks halieutiques. Si la pêche industrielle étrangère ou illégale est souvent pointée du doigt, la surcapacité des navires de pêche artisanale a aussi sa part de responsabilité.

Suite à différentes crises agricoles, les populations de l’arrière-pays, mais aussi de Guinée, du Mali, du Burkina Faso sont venues peu à peu grossir le nombre de pêcheurs sur les côtes. Le constat était unanime, les ressources diminuaient et les pirogues étaient obligées de partir de plus en plus loin en mer.

Pour assurer la souveraineté alimentaire d’un peuple qui dépend du poisson comme principale source de protéines, l’État devait trouver une solution. C’est en 1998 que le projet a démarré, en intégrant dans le code de la pêche du Sénégal, le concept de politique de cogestion des ressources marines.

Des règles non appropriées

Pour Moussa Bengue de l’Association ouest-africaine pour le développement de la pêche artisanale (Adepa), partenaire du CCFD-Terre Solidaire, cette décision a été primordiale : « Auparavant, c’était une gestion conventionnelle dirigiste, où l’État imposait les règles. Mais elles n’étaient pas toujours appropriées pour les professionnels de la pêche et ils ne les respectaient pas. »

Comment faire pour que les pêcheurs gèrent durablement la ressource et se conforment aux règlements ? Tout simplement en les associant aux décisions, mais aussi aux résultats, par le biais de suivis et d’évaluations.

En reconnaissant la compétence et les savoirs de ces professionnels de la mer dans la gestion de la ressource, l’État a encouragé leur responsabilité. En 2005, les premiers Conseils locaux de pêche artisanale (CLPA) se mettent en place. « Quand une ressource est en danger, les pouvoirs publics demandent leurs avis aux pêcheurs sur la manière de restaurer telle ou telle espèce », témoigne Abdoulaye Ndiaye, coordonnateur national du réseau des CLPA du Sénégal et de la Zone de pêche protégée (ZPP) de Ngaparou.

Les pêcheurs proposent ainsi des solutions basées sur leur expérience de la mer, de la ressource concernée. Un savoir empirique qui permet aux scientifiques de conforter leurs savoirs, parfois même de découvrir des données qu’ils n’avaient pas.
Ces propositions doivent ensuite être validées de façon collégiale par l’administration, mais aussi par les notables, les sages, c’est-à-dire les anciens pêcheurs et les chefs religieux.

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Une gestion durable

Ce mode de gouvernance simplifie le travail de l’État sur les sites de production. Il a aussi permis la mise en place des méthodes de gestion durable, adaptées à chaque cas, à chaque situation.

Ce mode de gestion fonctionne bien parce qu’il correspondait à la démarche des pêcheurs qui avaient fait des propositions pour mieux gérer la ressource, mais avaient besoin de l’appui des autorités pour les mettre en place.

Ainsi, en 2005, le projet de ZPP a été initié à Ngaparou. « Les captures étaient de plus en plus faibles. Alors, les pêcheurs sont entrés en scène. Constatant qu’ils avaient contribué à la rareté de la ressource, ils ont décidé à présent de la restaurer », raconte Abdoulaye Ndiaye.

En 2007, la ZPP est créée. Dans cette zone, toute pêche est interdite et des récifs artificiels ont été mis en place pour aider à la reproduction de la ressource, et une autre où la pêche est autorisée mais très réglementée. « Il faut avant tout préserver les zones de reproduction, ne pas pêcher les juvéniles et protéger tout autour toute la diversité. »

Dans la zone où la pêche est autorisée, la taille des maillages est supérieure à sept centimètres. La senne de plage, la senne tournante et la palangre sont interdites.

Mais comme la reconstitution des stocks ne dépend pas seulement de l’activité de pêche, des mesures complémentaires ont été aussi mises en place. Par exemple, les jet skis des hôtels de la station touristique limitrophe de Sally, qui perturbaient par des nuisances sonores l’environnement marin, y sont notamment interdits. « Huit mois après que cette mesure a été mise en place, de la plage, nous pouvions suivre des yeux les bancs de poissons. Nous n’avions plus vu cela depuis des années. Et il y a peu de pays dans le monde où l’on peut voir ça. »

La surveillance de la zone s’est faite également de façon collective, l’idée étant encore d’associer les pêcheurs. Car celui qui ne respecte pas les règles est mis à l’écart de la communauté. Pour l’exemple, sa pirogue est mise à l’envers sur la plage, on ne viendra pas au baptême de son enfant, ou à son mariage. Ces mesures ont surtout pour objectif de rappeler les règles, celle d’une communauté qui doit marcher ensemble pour son devenir.

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Caisse de solidarité

Conscients que ces mesures de restriction de captures allaient impacter les revenus des pêcheurs, une caisse de solidarité a été créée. Les recettes du magasin d’accastillage communautaire servent aujourd’hui à aider les familles en difficulté, à financer les études des enfants du village ou la reconversion des pêcheurs âgés. Car les résultats de cette politique de gestion ne se sont pas fait attendre. Les langoustes ayant grandi, leur prix a augmenté. De 4 000 francs CFA, il est passé à 14 000 francs CFA.

Cette hausse de prix ne touche pas les communautés locales qui ne consomment pas cette espèce destinée à l’export. « Elles sont donc gagnantes sur les deux tableaux, les stocks de poissons pélagiques consommés par les populations locales sont reconstitués et, en plus, les gains financiers sont importants pour des espèces exportées vers le marché européen mais surtout au Japon. »

Le principal problème aujourd’hui réside dans la surveillance de la zone, très convoitée par les pêcheurs extérieurs, ce qui nécessite des moyens supplémentaires humains et financiers.

Mais pour Abdoulaye, c’est une période transitoire « Car la solution viendra des autres communautés. Lorsque tous les points de débarquement auront restauré leurs stocks, le braconnage disparaîtra de lui-même. » Ngaparou n’est pas le seul site à avoir mis en place ces mesures qui ont fait leurs preuves.

Pièges interdits

Lire la suite du reportage dans le n°308 de Faim et Développement, disponible sur abonnement payant. Soutenez-nous, abonnez-vous !

Par Mathilde Jounot

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