Pour une « gouvernance alternative des migrations »

Publié le 29.05.2015| Mis à jour le 08.12.2021

Dans un contexte marqué par les naufrages en Méditerranée, le CCFD-Terre Solidaire et l’OCU (Organisation Pour une Citoyenneté Universelle) ont organisé une rencontre internationale pour tenter de faire émerger des alternatives en matière de gouvernance mondiale des migrations. Environ 160 personnes de plus de 30 organisations partenaires et alliées ont participé au colloque qui s’est tenu le 22 et 23 mai 2015 à la Maison de l’Amérique Latine à Paris.


Les organisateurs avaient choisi d’organiser cette rencontre de travail à la Maison de l’Amérique Latine, lieu symbolique puisqu’il s’agit du continent où les politiques migratoires sont aujourd’hui les plus progressistes et respectueuses des droits humains, notamment en Argentine et en Equateur.

Le colloque s’est ouvert par un cadrage historique et politique de Mr. Bertrand Badie, professeur des Universités, spécialiste des relations internationales qui a permis de rappeler quelques messages forts : oui les migrants sont l’avenir du monde ; les migrations font partie de la banalité de l’histoire du monde ; et cette question doit aujourd’hui pouvoir être traitée sous l’angle du gagnant-gagnant-gagnant (pour les pays de destination, de départ et pour les migrants !)

Deux tables rondes se sont ensuite tenues avec des intervenants des quatre continents (Argentine, Afrique du Sud, Brésil, France, Niger, Pays-Bas, Philippines :

  • La première table ronde s’intéressait aux différents espaces régionaux de migrations : dans différentes parties du monde, le profilage du modèle migratoire est différent. Si on devait réfléchir à cette approche mondiale, du point de vue de nos régions respectives, quelle devrait-elle être? Le modèle européen est aujourd’hui le modèle dominant, mais pas pour autant universel. D’autres régions du monde réfléchissent et construisent des modèles alternatifs (UNASUR ; CEDEAO, ASEAN) : qu’est ce qui fonctionne ? Qu’est ce qui ne fonctionne pas ?
  • La deuxième table ronde portait sur le rôle des nouveaux acteurs de cette gouvernance alternative : les autorités locales, le monde universitaire, et bien sûr les migrants, replacés au cœur de cette gouvernance pour imaginer d’autres modèles. Le maire de Grande-Synthe dans le Nord Pas de Calais et le secrétaire d’Etat adjoint aux droits humains de la ville de Sao Paulo au Brésil ont pu notamment témoigner de leur approche et des politiques d’accueil qu’ils mettent en place.

Ces temps de plénière ont été approfondis dans des ateliers thématiques, qui avaient vocation à donner des pistes de travail pour la rédaction d’une feuille de route de travail et de mobilisation. Comment faire en sorte que nous, acteurs de société civile, puissions pousser les Etats et l’ONU vers une prise en charge effective, un événement qui pourrait faire impact ?
Quatre thèmes prioritaires pour penser cette gouvernance et construire la feuille de route ont été choisis :
1 – Liberté de circulation et d’installation, pour une Citoyenneté Universelle de Résidence (Comment construire une Liberté de circulation ancrée dans du droit).
2 – Migrations et Transition économique et sociale : Comment penser les migrations dans un contexte d’interdépendance économiques? Quelles normes pour l’économie internationale, les marchés du travail et la protections des migrants…
3 – Quel vivre-ensemble pour renouveler la cohésion sociale dans nos sociétés ? Discriminations, racisme, xénophobie, quelles sont les nouvelles approches de l’intégration à partir de nos diversités?
4 – Migrations et changement climatiques : Réflexions pour une autre approche internationale de l’accueil et la protection des migrants forcés et des déplacés

Cette rencontre internationale fut également l’occasion d’une remise de passeports de citoyenneté universelle à des militants et personnes engagés sur ce combat : Mr. Titouan Lamazou, navigateur, Mr. Gus Massiah, grand militant, fondateur des processus Forums Sociaux Mondiaux et Mr. Rogerio Sottili, adjoint aux droits humains de la Mairie de Sao Paulo.

Enfin, en marge du colloque, a été organisé un rassemblement pour dénoncer les naufrages dramatiques et répétés en Méditerranée
500 personnes ont participé et Guy Bedos a lu l’appel signé par plus de 100 organisations, dont le CCFD-Terre Solidaire, adressé au Président de la République

Comment construire une gouvernance alternative des migrations ?

Cette rencontre internationale a permis de définir un certain nombre de principes pour construire cette gouvernance alternative et changer de regard pour aller vers une vision bénéfique apaisée des migrations. Les migrations doivent être travaillées sous l’angle social et intégrées à tous les champs de la société. La liberté de circulation et d’installation est un combat à lier à celui de la citoyenneté de résidence. Il est aussi important de traiter la question sous l’angle multi-échelle (du local au global) et multi-acteur.
Cette gouvernance alternative doit donc être travaillée en alliance avec certains acteurs clés : les autorités locales, les réseaux de migrants, le monde universitaire, les agences onusiennes.
Des pistes de travail et d’actions ont émergées : engager un travail d’éducation à la citoyenneté, essentiel pour déconstruire l’idéologie dominante, créer un réseau des autorités locales impliquées sur les migrations, pousser à l’organisation d’une conférence internationale – type climat – avec tous les acteurs concernés, plaider pour la rédaction d’un traité international sur les droits des migrants et la citoyenneté.
Il reste désormais à retravailler et approfondir ces propositions pour donner corps à ces pistes de mobilisation et de plaidoyer.

Cette rencontre était une première étape pour partager avec tous nos alliés et partenaires l’état de notre réflexion. Les forums sociaux mondiaux, les forums sociaux mondiaux des migrations, et le travail d’articulation régionale et internationale que le CCFD-Terre Solidaire a initié avec ses Partenaires Migrants du monde entier seront autant d’étape pour continuer à approfondir cette réflexion.

Le colloque s’est inscrit dans la réflexion du CCFD-Terre Solidaire sur la gouvernance alternative des migrations

Le monde d’aujourd’hui est devenu interdépendant et multipolaire. La complexité des migrations en tant que phénomène humain de nature profondément sociale et transnationale ne peut plus se satisfaire d’un regard unilatéral. Le système actuel de gestion des migrations, fondé sur le tout sécuritaire, n’est pas en mesure de gérer les migrations de façon respectueuse des droits des migrants. Non seulement le droit à la mobilité est bafoué, mais le droit fondamental de chaque être humain à vivre dignement et à concourir à son développement est nié. Les choix et les positionnements de la société civile ne sont pas pris en compte et les organes de gestion régionaux et onusiens ne sont pas associés aux processus de décisions politiques. Une telle vision n’est donc ni viable, ni porteuse d’avenir et n’est surtout pas efficace pour la stabilité et le développement de nos sociétés.
L’ensemble des Etats doit pouvoir s’entendre sur des solutions globales et des règles partagées qui permettent de rompre avec le bilatéralisme systématique voire l’unilatéralisme en matière de prise de décision sur les migrations.
Il faut aujourd’hui faire place et droit à d’autres regards et d’autres approches possibles aussi légitimes que ceux des acteurs porteurs de la seule souveraineté étatique. Des acteurs non gouvernementaux devraient pouvoir participer de façon active, constructive et conjointe aux choix de politiques migratoires et au partage des responsabilités.
C’est ainsi que l’idée d’une nouvelle gouvernance mondiale de la mobilité des personnes est une approche devenue récurrente ces dernières années. Elle semble pertinente comme outil de construction de la marche du monde dans différents secteurs du développement social et humain et pour divers acteurs politiques-clés. Elle apparait comme une alternative possible à la vision répressive, sclérosée et inefficace mise en œuvre dans plusieurs zones du monde, notamment aux frontières de l’Europe et des USA.
Le CCFD-Terre Solidaire est convaincu que la société civile doit trouver sa voie pour proposer et construire cette alternative, que sa prise de parole doit être entendue. Le travail développé dans différents espaces géographiques avec nos partenaires nous a amené à renforcer nos convictions sur l’importance d’un cadre commun de réflexions et de prises de décision dans le respect des droits fondamentaux des migrants et de leur développement en tant que citoyens et acteurs de développement.

Nina Marx
Chargée de mission Migrations internationales au CCFD-Terre solidaire

avec le CCFD - TERRE SOLIDAIRE

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