Publié le 07.12.2010 Mis à jour le 19.03.2013
Pour mettre fin à la déconnexion entre géographie de l’activité économique réelle et géographie comptable et redonner sens aux baromètres de l’économie mondiale, il faut en priorité :
Pourquoi ?
La communauté internationale ne publiera jamais une liste exhaustive et objective des paradis fiscaux : son fonctionnement par consensus lui interdit de mettre à l’index des pays tels que le Royaume-Uni ou les États-Unis par exemple. En revanche, une entreprise devrait être à même de justifier de la réalité de son activité économique partout où elle opère, que le pays d’implantation soit, ou non, listé par les uns ou les autres comme étant un paradis fiscal. Les syndicats patronaux ne devraient pas s’y opposer : en décembre 2009, le MEDEF a ainsi protesté contre l’inscription – alors envisagée par la France – du Chili sur sa liste des paradis fiscaux [1].
Pour eux, il n’y avait aucune raison de renchérir le coût pour un groupe français, comme Veolia dans le domaine des transports, de développer une activité économique réelle au Chili. Le Medef a raison sur ce point, mais la contrepartie est que l’activité économique doit être réelle. Seule l’entreprise peut en attester en expliquant dans les détails, l’activité de chacune de ses filiales, pays par pays. Si son implantation correspond à une activité réelle, elle n’a rien à cacher. Or aujourd’hui, l’étude menée sur 50 entreprises européennes (chap. 2) montre que cette information n’est pas accessible aux citoyens, ni même aux actionnaires et aux administrations. Et les données récoltées ne nous permettent pas de distinguer les filiales réelles des coquilles vides.
Ce que nous voulons
Que chaque entreprise ayant une activité internationale soit obligée de publier, pour chaque pays où elle opère, voire pour chaque filiale :
« L’UE et ses États membres devraient renforcer la cohérence de leurs politiques en faveur du développement et avancer en explorant [la piste du] reporting pays par pays comme norme pour les entreprises multinationales (...) »
Conclusions du Conseil européen des Affaires étrangères, 14 juin 2010 [2]
Comment ?
Plusieurs voies peuvent permettre d’instaurer cette obligation de reporting pays par pays :
L’inscription d’une telle exigence au sein des Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, dont les résultats du processus de révision sont attendus au printemps 2011, et dans les Principes de gouvernement d’entreprise de l’OCDE, constituerait une étape tout à fait bienvenue, mais ne saurait remplacer une norme obligatoire.
« Il faut que les entreprises multinationales présentent leurs résultats pays par pays. »
François d’Aubert, délégué général de la France à la lutte contre les États et territoires non-coopératifs, 2 avril 2010 [3]
Pourquoi ?
Des millions de sociétés, trusts et autres entités opaques à travers le monde mènent des activités économiques sans qu’aucune autorité publique ne puisse déterminer le propriétaire ou le bénéficiaire desdites structures juridiques. C’est la porte ouverte à la comptabilité hors-bilan, au délit d’initié, au blanchiment ou encore à l’évasion fiscale. C’est aussi une fin assurée de non recevoir en matière de coopération judiciaire ou fiscale.
Ce que nous voulons
Nous demandons aux États du G20 et de l’Union européenne de contraindre toute structure juridique, pour pouvoir exister légalement et effectuer des opérations économiques, à s’enregistrer auprès d’une autorité publique. À cet effet, chaque État ou territoire doit s’engager à :
« J’appelle l’OCDE à étudier la faisabilité de l’introduction du reporting pays par pays dans ses principes directeurs. »
Stephen Timms, alors ministre britannique du Trésor, 28 janvier 2010, Conférence de l’OCDE sur la fiscalité et le développement, Paris
En outre, un fichier des comptes bancaires accessible aux mêmes autorités devrait être dressé dans chaque État. Plusieurs États européens dont l’Espagne et l’Allemagne disposent d’un tel instrument, l’outil français (FICOBA) faisant figure de référence. Dans une communication en 2008 de Jacques Barrot, alors commissaire à la Justice, à la Liberté et à la Sécurité, la Commission européenne a envisagé une telle obligation à l’échelle de l’Union.
Comment ?
Dans l’immédiat, nous attendons des pays du G20 et de l’UE qu’ils :
Pourquoi ?
La délinquance économique et financière, notamment en matière fiscale, perdrait énormément de son intérêt si elle cessait de faire l’objet d’une si large impunité. C’est pourquoi les États doivent renforcer le niveau et la mise en œuvre de sanctions contre les fraudeurs et les auteurs de délits ou crimes financiers.
Ce que nous voulons
Spécifiquement, nous demandons aux États du G20 et de l’UE de :
[1] « Paradis fiscaux : le patronat défend les entreprises de bonne foi », Les Échos, 8 décembre 2009.
[2] Conclusions sur la fiscalité et le développement - Coopérer avec les pays en développement pour promouvoir une bonne gouvernance en matière de politique fiscale.
[3] Cf. entretien avec La Tribune, 2 avril 2010. François d’Aubert, ancien ministre français de la Recherche et du Budget, préside également le processus de revue par les pairs au sein du Forum fiscal mondial.
[4] Le Royaume-Uni a formulé une telle proposition. La version actualisée de la Convention OCDE-Conseil de l’Europe concernant l’assistance mutuelle en matière fiscale pourrait également y contribuer, à condition de faciliter l’adhésion à ladite convention des pays en développement, de faire pression pour obtenir celle des territoires non-coopératifs et de permettre l’automaticité de l’échange de renseignements.