Cadre de l’ONU relatif aux entreprises et aux droits de l’homme

Publié le 04.12.2014| Mis à jour le 10.09.2021

De nouvelles mesures doivent être prises aux plans national et international afin de mettre un terme aux atteintes aux droits de l’homme commises par les entreprises

Le Cadre « Protéger, respecter, réparer » (ONU, 2008) et les Principes directeurs qui l’accompagnent stipulent clairement que les incidences des entreprises nécessitent un « savant dosage » de réactions politiques de la part des gouvernements, faites non seulement de démarches volontaires mais aussi de réglementation. La CIDSE et ses organisations membres estiment que le Cadre et les Principes qui l’accompagnent, pour peu qu’ils soient mis en œuvre suivant cette formule, pourraient s’avérer un outil précieux et efficace pour diminuer les risques d’atteintes aux droits de l’homme. Nous participons dès lors activement aux débats nationaux portant sur l’élaboration de plans d’action en matière d’entreprises et de droits de l’homme dans des pays comme l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la France, l’Irlande, le Royaume-Uni et la Suisse et nous nous efforçons, avec nos partenaires, de suivre et d’évaluer la situation sur le terrain. Le nouveau processus visant à instaurer un instrument international juridiquement contraignant, s’il est mûrement réfléchi, constituerait un précieux outil supplémentaire pour veiller à ce que les entreprises respectent les droits de l’homme.

A ce jour, la mise en œuvre des Principes directeurs est insuffisante, en particulier sur les thèmes prioritaires

La mise en œuvre des Principes directeurs par les États et les entreprises s’est avérée particulièrement lente sur tous les continents, y compris en Europe où l’on enregistre néanmoins quelques avancées dans l’élaboration des Plans d’Action Nationaux. Les États n’ont jusqu’ici accordé que peu d’attention aux mesures concrètes visant à protéger les femmes et les hommes cherchant à faire valoir leurs droits face à des pratiques des entreprises préjudiciables ou aux mesures juridiques visant à améliorer l’accès à des réparations. Nous avions déjà souligné l’urgence de ces questions au moment de l’élaboration des Principes directeurs. Un grand nombre de communautés et d’individus sont toujours victimes d’atteintes et de violations de divers droits de l’homme (droit du travail, à la terre, à des moyens d’existence, à la santé et à un environnement propre, droit de manifester pacifiquement…) du fait de l’activité des entreprises. D’après certains indicateurs, la situation aurait même empiré depuis 2011. Les conflits sociaux, la criminalisation des manifestations liées aux investissements d’entreprises et les assassinats de défenseurs des droits de l’homme se multiplient. Le changement induit par le processus de l’ONU est difficile à percevoir sur le terrain. Les communautés de nombreux pays continuent de se voir dénié tout accès à la justice et à des voies de recours, ce qui montre combien des mesures extraterritoriales efficaces s’avèrent nécessaires de la part des États où sont établies les sociétés multinationales, autant que des exigences de diligence raisonnable envers les sociétés-mères dans leurs relations avec leurs filiales et leurs sous-traitants. Les nouvelles mesures nationales et internationales promises par le monde politique doivent aboutir à des résultats En juin 2014, le Conseil des Droits de l’homme des Nations unies a adopté deux résolutions complémentaires : l’une prolongeant la démarche des Principes directeurs, l’autre portant sur la création d’un nouveau groupe de travail intergouvernemental chargé d’entamer un processus aboutissant à la mise en place d’un instrument international contraignant relatif aux entreprises et aux droits de l’homme. Les membres de la CIDSE estiment que les deux approches sont indispensables pour induire des changements à court et à moyen terme, tout en travaillant sur des calendriers à plus long terme, et pour instaurer un cadre plus large renforcé par des mesures davantage ciblées. De ce point de vue, on pourrait enclencher une dynamique mutuellement avantageuse entre ce qui se fait à l’échelon national et ce qui se fait au plan international. Les États qui ont participé aux débats du Conseil de juin ont en grande partie reconnu la subsistance de failles dans le Cadre de l’ONU relatif aux entreprises et aux droits de l’homme et les limites des pratiques actuelles, s’agissant en particulier de la garantie de l’accès à la justice. Beaucoup ont manifesté le désir de mieux protéger les défenseurs des droits de l’homme. La résolution qui prolonge le mandat du Groupe de travail des Nations unies sur les entreprises et les droits de l’homme insiste sur le rôle de la société civile et sur l’accès aux voies de recours judiciaire. Après la session, plusieurs États ont annoncé leur intention d’intensifier leur action sur ces questions dans leur contexte national ou régional. L’UE s’est engagée à étoffer la législation européenne. Nous saluons toutes ces démarches, à condition cependant qu’elles donnent des résultats, compte tenu des motifs évoqués précédemment.

De nouvelles mesures concrètes pourraient être ajoutées aux Plans d’Action Nationaux

Plusieurs États (dont la France et la Suisse) sont en train de finaliser leur Plan d’Action National ; d’autres (comme l’Allemagne, la Belgique, l’Irlande et les États-Unis) entament leur élaboration. L’UE va également revoir son Plan d’Action en matière de Droits de l’Homme et de Démocratie de même que sa stratégie en matière de Responsabilité Sociale des Entreprises. Le Royaume-Uni compte revoir son Plan d’Action actuel sur les entreprises et les droits de l’homme en 2015. Ces chantiers sont l’occasion pour les gouvernements, la société civile et d’autres acteurs de dresser un bilan sérieux des cadres législatifs à l’aune du « savant dosage ».i Les Plans d’Action Nationaux ont proposé des initiatives remarquables qui ont été finalisées, notamment la création au Danemark d’un groupe interministériel sur l’extraterritorialité, de même que la création en Finlande d’un mécanisme de plainte concernant les atteintes aux droits de l’homme commises par les entreprises publiques. L’absence de mesures concrètes reste néanmoins le principal défaut des Plans d’Action Nationaux publiés à ce jour. Les engagements publics et l’excellente analyse de la situation ne se traduisent pas encore en mesures qui changeront la donne sur le terrain. Les gouvernements américain et européens tiennent à ce que la mise en oeuvre des Principes directeurs prenne le pas sur les discussions portant sur la création d’un instrument juridique international contraignant. Nous serons donc attentifs à ce que la traduction des Principes directeurs en mesures législatives et en décrets d’application nationaux comble effectivement les lacunes communément admises, lesquelles ont amené d’autres États à se prononcer en faveur d’un processus de création d’un instrument international.

Propositions d’évolutions innovantes dans la législation nationale

Le gouvernement français compte déposer une proposition de loi devant le Parlement initiée par des députés, créant un devoir de vigilance pour les sociétés multinationales, qui devront s’assurer qu’aucune de leurs relations économiques ne portent préjudice ni à l’environnement, ni à la santé ni aux droits de l’homme.ii En Suisse, plusieurs commissions parlementaires ont demandé au gouvernement de proposer des mesures en matière de diligence raisonnable et d’accès à la justice. L’Union européenne a récemment adopté une législation qui va de l’avant sur les rapports des entreprises, eu égard notamment aux chaînes d’approvisionnement, mais dont les exemptions risquent de nuire à l’avènement de changements effectifs. La transposition de cette directive dans les États membres pourrait être l’occasion de mener une action en faveur d’impératifs de diligence raisonnable contraignants et plus stricts à l’échelon national. Une proposition de règlement européen sur l’approvisionnement responsable en minerais est également en cours de discussion. Au Royaume-Uni, la loi sur l’esclavage moderne (Modern Slavery Bill), en cours de discussion, prévoit une mesure imposant aux sociétés, qu’elles soient cotées ou non en bourse, de faire un rapport sur les mesures qu’elles ont prises afin d’identifier et d’éliminer l’esclavage et le travail forcé dans leurs filières d’approvisionnement. De nouvelles mesures législatives nationales pourraient servir d’exemple et de référence dans les débats de conceptualisation du futur instrument international. Des gouvernements qui progressent au plan national n’en seront que plus crédibles dans les débats internationaux. Certains gouvernements arguent du fait qu’ils ne peuvent mettre en place de nouvelles mesures législatives si les autres gouvernements ne le font pas, pour des raisons de compétitivité. L’élaboration du traité crée un nouvel espace pour jeter des ponts entre les mesures nationales et les processus internationaux et ainsi contribuer à créer une égalité de traitement.

L’élaboration du traité offre une occasion supplémentaire de renforcer le cadre de l’ONU

Partout dans le monde des voix s’élèvent, au sein de la société civile et de l’Église, pour exiger des réponses plus efficaces. L’instauration d’un instrument international juridiquement contraignant et mûrement réfléchi doterait nos partenaires des quatre coins du monde d’un outil de poids pour soutenir leurs luttes et les aider à faire pression sur les gouvernements nationaux afin qu’ils veillent à ce que les entreprises respectent les droits de l’homme. Un instrument international juridiquement contraignant, rendant les entreprises juridiquement responsables de leurs atteintes aux droits de l’homme, inciterait celles-ci à faire preuve de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme, et à réparer les dommages commis en cas de manquement. Qui plus est, il consoliderait et renforcerait la démarche de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme inscrite dans les Principes directeurs de l’ONU. Il rendrait les États et les entreprises mutuellement responsables de la prévention et de la réparation des situations d’atteintes aux droits de l’homme, tels que la tragédie du Rana Plaza, et empêcherait les uns comme les autres d’agir à sa guise, sans concertation. L’adjonction d’un mécanisme de contrôle et de suivi efficace pourrait faire toute la différence sur le terrain. Les lignes bougent : certains États qui ne soutenaient pas la résolution envisagent désormais de devenir observateurs du processus. Tous les États doivent s’asseoir autour de la table et amorcer un dialogue constructif à l’entame de ce nouveau chapitre du renforcement du Cadre de l’ONU relatif aux entreprises et aux droits de l’homme. In fine, la valeur et la crédibilité des Principes directeurs et du futur instrument international se mesureront à l’aune des actions qui en découleront tant au plan national qu’international afin de mettre un terme aux atteintes aux droits de l’homme commises par les entreprises. Les gouvernements devraient à la fois prendre des mesures nationales y compris des obligations de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme, et soutenir le processus international visant à instaurer un instrument contraignant. Cadre de l’ONU relatif aux entreprises et aux droits de l’homme

Documents joints

avec le CCFD - TERRE SOLIDAIRE

J'agis

J'ai 1 minute

Partagez et relayez nos informations et nos combats. S’informer, c’est déjà agir.

Je m'informe

J’ai 5 minutes

Contribuez directement à nos actions de solidarité internationale grâce à un don.

Je donne

J’ai plus de temps

S'engager au CCFD-Terre Solidaire, c'est agir pour un monde plus juste ! Devenez bénévole.

Je m'engage

Vous n'avez qu'une minute ?

Vous pouvez participer à la vie du CCFD-Terre Solidaire

Rejoignez-nous

Restez au plus près de l'action

Restez informés

Abonnez-vous à notre newsletter

Je m'abonne
Pour une terre sans faim, cultivez l'action du CCFD-Terre Solidaire
Je donne chaque mois