© multinationales.org

© multinationales.org

Tout comprendre sur le devoir de vigilance (FAQ)

Publié le 01.07.2021| Mis à jour le 20.02.2024

Qu’est ce que la loi sur le devoir de vigilance ? Alors qu’une directive européenne pourrait bien voir le jour dans les prochains mois, on répond à toutes les questions que vous vous posez sur cette loi destinée à lutter contre l’impunité des multinationales .

1. Qu’est-ce que le devoir de vigilance (vidéo)?

Qu’est le devoir de vigilance des entreprises ? l’ECCJ vous l’explique avec cette animation de 2mn.

Le devoir de vigilance est une obligation faite aux entreprises multinationales d’assurer une activité de production respectueuse des droits humains et de l’environnement.

En 2013, l’effondrement du Rana Plaza qui fit plus de mille morts, principalement des ouvrières de l’industrie textile, a marqué un tournant dans la mobilisation en faveur de ce projet de loi.

2. Quel est l’objectif de la loi sur le devoir de vigilance?

Les réglementations sur le devoir de vigilance ont pour objectif de prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement commises par les entreprises et de lutter contre leur impunité.

Pour en savoir plus sur les activités de production irrespectueuses des droits humains et de l’environnement, découvrez notre vidéo sur l’extractivisme et ses impacts dans les pays du Sud. 

La loi française relative au devoir de vigilance des multinationales (Loi n°2017-399) adoptée en 2017 crée une obligation juridiquement contraignante pour les multinationales d’identifier et de prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement.

C’est la mobilisation conjointe du CCFD-Terre Solidaire avec de nombreuses organisations comme le collectif Ethique sur l’étiquette, Amnesty, Sherpa, les Amis de la Terre, Action Aid et de nombreux acteurs, qui a finalement permis l’adoption de cette loi historique sur le devoir de vigilance en France.

La loi s’inspire, en partie, des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme (UNGP), et constitue une avancée majeure pour garantir une meilleure prévention des impacts négatifs des activités des multinationales.

Pour en savoir plus sur le rôle préventif de la loi : Une étape importante dans la prévention des atteintes au droits humains et à l’environnement par les multinationales

3. Quelles sont les entreprises concernées par la loi ?

La loi française est unique car elle couvre tous les secteurs d’activités et un large domaine d’application.

Elle concerne les atteintes graves envers :

les droits humains et les libertés fondamentales
la santé et la sécurité des personnes
l’environnement.

La loi s’applique à toute société établie en France qui emploie : au moins 5 000 salariés en France, ou au moins 10 000 salariés à l’étranger.

La loi s’applique aux activités de la société-mère (ou donneuse d’ordre) mais aussi :

A celles des sociétés qu’elle contrôle directement ou indirectement ou sur lesquelles elle exerce une influence dominante en vertu d’un contrat ou de clauses statutaires. (Article L233-16 du Code de commerce français).

A celles des sous-traitants et fournisseurs avec lesquelles elle entretient une « relation commerciale établie [[En droit français, la notion de relation commerciale établie était déjà consacrée dans l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce, dont l’interprétation a été précisée par la jurisprudence.]] ».

Domaines d'application et entreprises visés par la loi sur le devoir de vigilance.
Domaines d’application et entreprises visés par la loi sur le devoir de vigilance.

4. Qu’est ce qu’un plan de vigilance et la diligence raisonnable?

Les entreprises visées par la loi ont l’obligation légale d’établir, de rendre public et de mettre en œuvre de façon effective un plan de vigilance.

Le plan de vigilance et les rapports de mise en œuvre au cours de l’année antérieure doivent être rendus publics et inclus dans le rapport annuel des sociétés.

Le plan de vigilance doit indiquer les “mesures de diligence raisonnable” : Le devoir de diligence raisonnable impose à une entreprise d’identifier et de prévenir tous les risques liés à ses activités. Elle doit mettre en place des mesures nécessaires pour les contrôler. propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et l’environnement.

Le plan de vigilance doit comprendre les mesures suivantes (conformément à l’Article.1) :

Une cartographie des risques destinée à leur identification, leur analyse et leur hiérarchisation.

Des procédures d’évaluation régulière de la situation des filiales, des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels elle entretient une relation commerciale établie, au regard de la cartographie des risques.

Des actions adaptées d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves.

Un mécanisme d’alerte et de recueil des signalements relatifs à l’existence ou à la réalisation des risques, établi en concertation avec les organisations syndicales représentatives dans ladite société.

Un dispositif de suivi des mesures mises en œuvre et d’évaluation de leur efficacité.

5. Quelles sont les sanctions prévues par la loi ?

Dans le cas où une société, en vertu de la loi, ne parvient pas à établir, publier ou mettre en œuvre de façon effective un plan de vigilance, toute personne justifiant d’un intérêt à agir peut la mettre en demeure [[Une mise en demeure est une interpellation formelle visant à inciter le destinataire à accomplir ses obligations face à la menace d’une action en justice.]] de respecter ses obligations, conformément à l’Article.1

Si à l’issue d’une période de 3 mois à compter de la mise en demeure, la société ne respecte toujours pas ses obligations, le juge pourra l’enjoindre, le cas échéant, à payer une somme d’argent par jour, semaine ou mois de retard jusqu’à ce qu’elle se conforme à ses obligations.

Le juge se prononce également sur la gravité de la négligence et sur l’existence ou la non-existence d’un plan de vigilance complet.

La responsabilité civile de l’entreprise peut être engagée, conformément à l’Article.2, en cas de manquement à ses obligations et l’entreprise pourra être condamnée à « réparer le préjudice que l’exécution de ces obligations auraient permis d’éviter » en cas de dommages.

Les sanctions prévues par la loi sur le devoir de vigilance.
Les sanctions prévues par la loi sur le devoir de vigilance.

6. Existe-t-il des limites à l’application de la loi ?

1. La loi ne concerne que les entreprises qui comptent plus de 5 000 salariés en France.

Or, il y a un manque de visibilité cruciale et ce seuil élevé ne permet pas d’impliquer toutes les entreprises responsables.

En effet, certaines entreprises de secteurs à risques (tels que les industries extractives), ou à forte intensité en main d’œuvre (tels que le textile), et qui sont à l’origine de nombreuses violations des droits humains, échappent à cette loi. Il aurait été plus approprié et cohérent de reprendre les seuils fixés dans d’autres normes, telles que la directive européenne sur le reporting extra-financier. Celle-ci concerne toute société dont le bilan est supérieur à 20 millions d’euros, et dont le nombre de salariés supérieur à 500.

2. La charge de la preuve continue de peser sur les victimes et non sur les entreprises.

La loi ne lève pas l’un des principaux obstacles auxquels sont confrontées les victimes qui réclament justice : la charge de la preuve incombe toujours aux plaignants et plaignantes. Cela signifie que les victimes devront toujours prouver un dommage, une faute de la part de la société et un lien de causalité entre la faute et le dommage qu’elles ont subi. La faute doit en outre résulter des manquements aux obligations mentionnées dans l’Article.1.

3. Une obligation de moyens et non de résultats.

En soit, la loi française crée une obligation de moyens, et non de résultats. Par conséquent, si une société met en œuvre un plan de vigilance en respectant le contenu obligatoire et la qualité du plan, sa responsabilité ne devrait pas être engagée, même si des dommages se produisent.

7. Quels sont les premiers exemples d’application de la loi ?

TOTAL OUGANDA

Total ©FNE
Total ©FNE

Le géant pétrolier TOTAL a été assigné en justice, en octobre 2019, par les Amis de la Terre France, Survie et six associations ougandaises pour manquement à son devoir de vigilance climatique. C’est un gigantesque projet de forage “climaticide” et privant des milliers de personnes du droit de cultiver leurs terres, en Ouganda, qui est cause.

C’est la première action en justice visant à faire respecter la loi sur le devoir de vigilance.

CASINO AMAZONIE

Bétail © Mighty Earth
Bétail © Mighty Earth

Le 3 mars 2021, le groupe Casino en France a été assigné en justice par des communautés autochtones du Brésil et de la Colombie pour le rôle de ses fournisseurs en viande bovine dans la déforestation et l’accaparement de terres autochtones en Amazonie.

Lire notre article : Au Brésil, l’impact de la viande vendue par Casino sur les habitants et la forêt amazonienne

EDF MEXIQUE

Communauté d'Union Hidalgo © ProDESC
Communauté d’Union Hidalgo © ProDESC

La communauté autochtone d’Union Hidalgo au Mexique, a assigné EDF en justice le 30 octobre 2020 pour demander la suspension d’un projet d’infrastructure éoliens sur leurs terres. Jusqu’à présent ce projet ne respecte pas le droit des communautés concernées de donner leur consentement, et a entrainé une polarisation importante et l’escalade de la violence envers les défenseurs des droits humains.

Retrouvez notre dossier spécial sur le sujet

8. Existe-t-il d’autres régulations à l’échelle internationale ?

Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU (CDHNU) travaille à l’élaboration d’un instrument international contraignant relatif aux violations des droits humains par les entreprises multinationales.

A l’initiative de l’Equateur et de l’Afrique du Sud, le CDHNU a adopté en juin 2014, une résolution qui créée un groupe intergouvernemental de travail (GIGT) mandaté pour élaborer cet instrument international juridiquement.

De nombreuses associations internationales, dont le CCFD-Terre solidaire, sont impliquées dans chaque session de négociations.

Suite à la session de négociation, qui a eu lieu à Genève en Octobre 2017, une étape décisive a été ouverte puisque qu’une première proposition écrite de Traité, présentée par l’Équateur, a été discutée.

Lire aussi : Y a-t-il des avancées concernant la régulation des multinationales au niveau international ?

9. Quel est le positionnement de l’Europe sur le devoir de vigilance ?

Des initiatives à l’échelle européennes sont déjà mises en place pour encadrer les activités des entreprises dans le respect des Droits Humains et de l’Environnement, comme par exemple : la Directive européenne sur la publication d’informations extra-financières en 2014 ou le Règlement Européen sur les minerais provenant de zones de conflit, en 2016.

Sur le modèle de la loi française, de nombreux Etats européens ont également commencé à légiférer sur le devoir de vigilance, comme par exemple les Pays-Bas qui ont adopté en 2017 un projet de loi sur la diligence raisonnable en matière de travail des enfants, ou encore le Royaume-Uni qui s’est muni en 2016 d’une loi contre « l’esclavage moderne ».

Il est nécessaire que ce devoir de vigilance soit désormais étendu à l’ensemble du continent européen pour pouvoir permettre un accès à la justice pour les victimes d’entreprises multinationales sans que ces dernières puissent jouer des différents vides juridiques autour de leur chaîne de valeur.

10. Est-ce qu’une loi contraignante au niveau européen est prévue ?

La proposition de la Commission européenne intitulée « Proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité » annoncée en avril 2020 et adoptée le 23 février 2022, a récemment connu une avancée significative.

Le 14 décembre 2023, un accord politique a été conclu entre le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne, et la Commission européenne sur la directive concernant le devoir de vigilance des entreprises. Pour le CCFD-Terre Solidaire, cet accord est une victoire. L’Union européenne prend la suite de la France, qui avait instauré une loi similaire en 2017.

Cependant, le texte adopté présente des lacunes, en particulier en raison de l’obstruction du Gouvernement français sur des questions telles que le secteur financier, les obligations climatiques et la reconnaissance des droits des peuples autochtones. La directive manque d’ambition sur plusieurs aspects cruciaux.

Le processus va se poursuive prochainement avec la transposition du texte dans le droit français. Deux ans sont accordés au Gouvernement pour le faire. Parallèlement, le CCFD-Terre Solidaire continue son action pour qu’à l’ONU, un traité contraignant soit adopté.

Pour aller plus loin :

Consulter notre dossier récapitulatif sur le devoir de vigilance

Lire la note publiée par le CCFD-Terre Solidaire et remise aux parlementaires : « Une législation européenne sur le devoir de vigilance et la responsabilité juridique des entreprises  ? Une idée dont le temps est venu ».

Lire aussi : Huit ans après le drame du Rana Plaza : le devoir de vigilance au cœur d’un agenda européen 2021 très attendu

avec le CCFD - TERRE SOLIDAIRE

J'agis

J'ai 1 minute

Partagez et relayez nos informations et nos combats. S’informer, c’est déjà agir.

Je m'informe

J’ai 5 minutes

Contribuez directement à nos actions de solidarité internationale grâce à un don.

Je donne

J’ai plus de temps

S'engager au CCFD-Terre Solidaire, c'est agir pour un monde plus juste ! Devenez bénévole.

Je m'engage

Vous n'avez qu'une minute ?

Vous pouvez participer à la vie du CCFD-Terre Solidaire

Rejoignez-nous

Restez au plus près de l'action

Restez informés

Abonnez-vous à notre newsletter

Je m'abonne
Face à la multiplication des crises alimentaires, soutenez nos actions !
Je fais un don