Agrocarburants, dangereux pour le climat et la sécurité alimentaire

Publié le 04.09.2015| Mis à jour le 13.06.2023

Les agrocarburants sont loin d’avoir fait leur preuve sur le plan environnemental, et posent de graves problèmes pour la sécurité alimentaire des pays les plus pauvres.


Depuis une dizaine d’année, les agrocarburants sont présentés par l’industrie agroalimentaire, ainsi que les pouvoirs publics français, européens, mais aussi américains, brésiliens, indiens, etc. comme une solution à développer pour lutter contre les changements climatiques.

Le développement de ces carburants produits à partir de matières premières agricoles permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports, tout en améliorant l’indépendance énergétique des pays importateurs de pétrole.

Les agrocarburants ne réduisent pas les gaz à effet de serre

Loin de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports, la production industrielle d’agrocarburants se révèle souvent plus polluante que l’utilisation d’énergies fossiles. En effet, de la culture des végétaux jusqu’à la sortie de l’usine, la production d’agrocarburants nécessite un apport important en énergie fossile.

Pire, la production toujours croissante d’agrocarburants destinés à alimenter les marchés européens et nord-américains entraîne la destruction massive de « puits de carbone » comme les forêts, les prairies ou les tourbières. Ces terres, lorsqu’elles sont converties en terres agricoles, relâchent dans l’atmosphère l’ensemble du carbone qu’elles avaient stocké jusque-là. La destruction des puits de carbone engendre donc des émissions extrêmement importantes de gaz à effet de serre.

Si l’on prend en compte l’intégralité de leur processus de production, et en particulier les émissions liées au changement d’affectation direct et indirect des sols, on constate que certains agrocarburants sont même plus polluants que les carburants d’origine fossile (1,2 litre de pétrole est parfois nécessaire pour faire un litre d’agrocarburant).

C’est notamment le cas des biodiesels qui constituent 80% des agrocarburants utilisés en Europe. Par ailleurs, le développement massif des agrocarburants a de graves impacts écologiques sur notre planète.

Par exemple, la destruction de la biodiversité, l’accroissement des pollutions chimiques, la surconsommation d’eau, la destruction des sols, etc.

Les agrocarburants, une menace pour la sécurité alimentaire mondiale

En plus d’être inefficace sur le plan environnemental, la consommation croissante d’agrocarburants a des impacts dévastateurs sur la sécurité alimentaire mondiale. Pour deux raisons principales : d’abord, les politiques de soutien aux agrocarburants contribuent largement à la hausse des prix alimentaires et à l’augmentation de leur volatilité.

Ce sont 65% des huiles végétales produites en Europe et 40% du maïs américain qui sont aujourd’hui destinées au marché des agrocarburants.

La réduction de l’offre en céréales et en oléagineux pour les marchés alimentaires pousse les prix à la hausse, ce qui a des conséquences dramatiques pour les ménages les plus pauvres des pays du Sud et la souveraineté alimentaire des populations, qui peuvent consacrer jusqu’à 75% de leur budget à l’alimentation.

En outre, les cours des denrées agricoles ont tendance à s’aligner encore d’avantage sur ceux du pétrole, qui sont particulièrement volatils.

Les politiques de soutien aux agrocarburants constituent le principal moteur de l’accaparement des terres.

Selon l’Agence internationale de l’énergie, la production d’agrocarburants a augmenté de 625% entre 2000 et 2010. Pour produire ces agrocarburants, il faut des terres, que les investisseurs vont principalement chercher dans les pays en développement, où les droits des populations locales sur leurs ressources naturelles sont peu sécurisés.

D’après l’étude de la Coalition internationale pour l’accès à la terre, jusqu’à deux tiers des terres accaparées dans le monde entre 2000 et 2010 pourraient servir à produire des agrocarburants.

Les agrocarburants dits « avancés », et en particulier ceux qui doivent être produits sur des terres arables, pourraient donc avoir exactement les mêmes conséquences sur la sécurité alimentaire mondiale que les agrocarburants de première génération. C’est ce que l’on observe déjà avec les agrocaburants produits à partir de cultures non alimentaires dédiées comme le jatropha.

Les agrocarburants de première génération, qui correspondent aujourd’hui à la quasi-totalité des agrocarburants utilisés dans le monde, sont produits à partir des parties comestibles des matières premières agricoles. Il s’agit soit d’agrodiesels issus d’oléagineux (palme, soja, tournesol, colza, jatropha, etc.) soit d’éthanols à base de céréales (maïs, blé, etc.), de betterave ou de canne de sucre. Les premiers sont incorporés dans le diesel tandis que les seconds sont mélangés à l’essence.

Les agrocarburants dits « avancés » sont produits à partir de résidus agricoles ou sylvicoles, de plantes non comestibles ou peu consommées comme les algues, de déchets industriels ou municipaux, etc. Ils ne sont pas encore produits à une échelle industrielle.

Qui paye la facture des agrocarburants en France ? Le cas de Diester Industrie

La production d’agrocarburants a été favorisée par des exonérations fiscales importantes qui ont créé des manques à gagner injustifiés et injustifiables pour l’État.

Leader de la production de biodiesel en France, Diester Industrie (filiale du groupe Avril, anciennement Sofiproteol) est d’ailleurs en position de quasi-monopole, ce qui lui permet de bénéficier massivement des politiques fiscales très généreuses de l’État français.

Cette situation a été dénoncée par la Cour des comptes en janvier 2012. Elle y évoque pour le groupe Sofiprotéol « un effet d’aubaine », et une « rente de situation ». En effet, la Cour des comptes calcule que l’exonération fiscale dont bénéficient les producteurs d’agrocarburants a coûté à l’État plus de 2,6 milliards d’euros entre 2005 et 2010, dont 1,8 milliards d’euros uniquement destinés aux producteurs de biodiesel.

Sur la même période, les producteurs de biodiesel auraient réalisé des investissements à hauteur de 500 millions d’euros. En seulement 5 ans, ces investissements productifs ont donc été remboursés près de quatre fois par les contribuables français.

Pourtant, le Gouvernement Ayrault a décidé, fin 2012, de renouveler pour 3 ans les agréments qui permettent aux producteurs français d’agrocarburants de bénéficier de cette défiscalisation massive. Il s’agit d’un cadeau fiscal d’environ 80 millions d’euros destiné à la filière du biodiesel pour 2013.

La même année, le groupe Avril/Sofiproteol aurait capté, à lui seul, plus de 60% de cet énorme cadeau fiscal.

Cette situation française pose clairement la question des conflits d’intérêts entre élites économiques et politiques, puisque le président de Avril/Sofiprotéol, Xavier Beulin, est également le président de la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire en France.

Article préparé et signé par le CCFD-Terre Solidaire, Care, France Nature Environnement, Gevalor, Oxfam France, Peuples Solidaires, WCEF, au sein du Réseau Action Climat

Pour télécharger l’article en pdf, cliquer sur le document ci-dessous :
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