Publié le 13.01.2021 Mis à jour le 13.01.2021
Plutôt que de privilégier la réduction des émissions de gaz à effet de serre, les politiques climatiques se tournent massivement vers les projets de compensation carbone. Mais l’impact de ces projets reste sujet à caution et ne permet pas de réduire les émissions.
Voici six mythes autour de la compensation carbone qu’il est temps de détricoter !
Nos systèmes agricoles et alimentaires représentent au niveau mondial un tiers des émissions de gaz à effet de serre.
Ces dernières années, les Etats et les entreprises multinationales à fort impact carbone ont montré un intérêt croissant à utiliser les marchés carbone volontaires dans le secteur agricole pour compenser leurs émissions.
Bon nombre de ces marchés sont créés ou soutenus par de grandes entreprises pétrolières ou agro-industrielles.
Avec les projets de compensation carbone, les entreprises fortement émettrices de gaz à effets de serre cherchent à parvenir à un statut quo. Mais au final elles font porter les efforts sur d’autres secteurs, notamment le secteur agricole, et elles ne réduisent pas leurs émissions.
En outre les mécanismes et projets de compensation carbone sont loin d’avoir faits leurs preuves :
La plantation d’arbres est une pratique bien connue pour compenser les émissions d’un vol en avion. Il faudra cependant des années pour que les arbres puissent accumuler l’équivalent carbone. L’annulation d’une émission implique que les arbres séquestrant le carbone ne brûleront jamais dans des feux de forêts ni ne se décomposeront jamais. Elle suppose aussi que les pratiques de gestion resteront stables.
Aujourd’hui en Colombie ou en Amazonie, des forêts primaires sont détruites pour faire des plantations d’arbre financées dans le cadre de projets de compensation carbone. Or la préservation de ces forêts, qui captent le carbone non seulement dans les arbres, mais aussi dans l’humus lié à leur biodiversité exceptionnelle, est un enjeu essentiel. La destruction des forêts primaires, véritables puits de carbone, ne peut être compensée par des projets de plantations d’arbres.
L’incertitude est grande autour des outils permettant de quantifier les réductions d’émission des projets mis en oeuvre.
Les résultats des projets sont susceptibles d’évoluer au fil du temps, par exemple quand le carbone stocké dans les sols est relargué dans l’atmosphère en raison d’aléas climatiques ou de changement dans l’usage des terres.
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Dans le secteur agricole, certains projets génèrent des crédits carbone alors qu’ils accroissent les émissions.
Pourquoi ? Parce qu’ils mesurent "l’intensité carbone" des produits agricole au lieu de mesurer les émissions absolues de l’ensemble de l’activité agricole.
Prenons l’exemple du projet agroforestier et laitier Mont Elgon au Kenya, soutenu par Danone et Mars Inc , deux entreprises cherchant à compenser leurs émissions carbone. Même si le cheptel augmente, et qu’il génère donc globalement plus d’émissions de gaz à effets de serre, le projet est considéré comme performant dans la mesure où il réduit les émissions produites par unité.
Presque tous les projets visent à réduire les émissions au niveau de l’exploitation agricole alors que plus de la moitié de ces émissions ont lieu en amont et en aval de la production agricole, et sont largement imputables aux acteurs de l’agribusiness :
Non seulement les mécanismes de compensation carbone ont un coût élevé, mais ils tendent à s’intégrer dans des modèles agricoles industriels privilégiant les grosses exploitations qui ont un impact environnemental et climatique particulièrement désastreux.
La promotion des mécanismes de compensation, dont se sont entichées la finance et l’agroindustrie, détourne les décideurs politiques de la mise en œuvre d’alternatives comme l’agroécologie, plus soutenable, moins coûteuse et beaucoup moins émettrice de gaz à effet de serre.
Certaines initiatives restreignent l’autonomie des agriculteurs car elles incitent à l’adoption de pratiques spécifiques, et restreignent leur accès aux terres agricoles. Ce type de projets accroit également la financiarisation des terres, et avec celle-ci les risques d’accaparement.
Vous voulez plus de précisions sur les risques liés à la compensation carbone ? Consultez notre note et nos recommandations envers les politiques publiques
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