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Médias alternatifs : la faim de savoir

Publié le 03.03.2011| Mis à jour le 09.09.2021

Très vite au cours de son histoire, le CCFD va soutenir des médias alternatifs dans les pays du Sud. Si, pour l’association, ce soutien est au départ, essentiel, il se heurtera au fil du temps aux controverses et aux difficultés de sa mise en œuvre.


«Aider les médias alternatifs du Sud n’était pas pour nous une tâche secondaire. C’était aussi important que de creuser un puits», se souvient Menotti Bottazzi, secrétaire général du CCFD de 1977 à 1983. Les journaux Afrique Nouvelle à Dakar, La Semaine africaine (fondée en 1952 à Brazzaville), Kompass en Indonésie, Les catholiques de la nation (premier journal catholique créé il y a plus de trente ans sous le régime communiste au Vietnam), La Bicicleta au Chili ; les radios communautaires en Amérique latine ; les agences de presse comme l’Ucip (Union catholique internationale de la presse), l’IPS (Inter Press Service) ou encore le Ciric (Centre international de reportages et d’information culturelle, fondé à Genève en 1961 à l’initiative d’un prêtre suisse et d’un évêque indien)…

La liste est longue, celle de nos partenaires d’hier (et parfois encore d’aujourd’hui), acteurs du monde des médias alternatifs, dans et pour les pays du Sud.

Donner la parole aux sans voix

« Cette démarche s’inscrivait au cœur des deux axes fondamentaux de notre mission : le soutien aux organisations locales du tiers monde (les projets) et l’animation de l’opinion publique, ici et là-bas », explique Menotti Bottazzi. L’objectif est double : permettre aux gens ordinaires de s’exprimer en tant que paysans, syndicalistes, femmes… alors que les espaces d’expression sont monopolisés par les élites politique, économique, culturelle, ou même ecclésiale. L’idée est que tout un chacun puisse porter sa voix jusqu’aux pouvoirs publics et se faire entendre lors de rencontres nationales ou internationales. Ainsi, le CCFD va soutenir plusieurs
« radios populaires » en Amérique latine, pionnière en la matière.

En 1947, l’abbé Joaquin Salcedo, curé du petit village de Statenza en Colombie, crée une station de radio. Son souhait : lutter contre l’analphabétisme jusque dans les zones les plus reculées. L’expérience un peu folle fait florès. Elle est reprise en 1954 en Équateur puis en 1965 en Bolivie. Apprendre à lire et écrire est au départ un moyen d’évangéliser les populations, mais les mentalités vont évoluer au fil des années vers « une conception de libération et de développement intégral de l’homme[[Cahier faim développement n° 8, Cinq continents à la une. Josy Gyps-Aguiar, avril 1985.]]. »

Dénoncer les discriminations dont sont victimes les communautés indiennes

En dénonçant les discriminations dont sont victimes les communautés indiennes, Monseigneur Proaño, « évêque des Indiens » et fondateur d’une radio en Équateur, « les transforme d’auditeurs passifs en acteurs participants et critiques[[Cahier faim développement n° 8, Cinq continents à la une. Jean Schwoebel, avril 1985.
]]. » C’est dans cet esprit que le CCFD va appuyer de nombreuses initiatives : des formations de « Reporters populaires » en Bolivie afin que les paysans apprennent le métier de journaliste et puissent envoyer des informations aux radios. Des journalistes de tous les continents sont invités à des sessions de formation à l’écriture courte. De modestes « feuilles de chou » syndicales ou paysannes sont encouragées. Des aides financières institutionnelles sont envoyées à des radios et publications…

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D’autre part, de nombreux pays sont sous le joug de pouvoirs dictatoriaux qui musellent la presse. « Les médias conventionnels sont soumis à des intérêts politiques et économiques. Souvent l’information y est biaisée, pauvre, fragmentée. La réalité est illisible, le manque d’analyse, cruel », remarque Yvonne Belaunde, chargée de mission Amérique latine. Soutenir des médias alternatifs permet de rompre ces monopoles, de faire contrepoids aux organes de presse du pouvoir, de lutter contre la propagande. C’est l’une des missions que poursuit le journal serbe Republika qui dénonce dans ses colonnes le populisme, la corruption d’État, l’absence de justice… Éveilleuse de consciences, l’équipe du journal anime aussi des soirées-débats sur des thèmes de société.

Se dépouiller de notre image du tiers monde

« Il fallait aussi permettre à une information, pensée au Sud, d’atteindre le Nord et aider l’information à circuler entre pays du Sud », précise Michel Gauvry, représentant de l’Action catholique des enfants au sein de la collégialité (voir article page 17), responsable de l’unité information puis chargé de mission au CCFD, avant de prendre la direction de l’agence photo Ciric de 1984 à 2003. « Le défi était de
se dépouiller de l’image que l’on se faisait, ici, du tiers monde, en acceptant des informations venues du Sud
», poursuit-il. En effet, « il y avait un double mouvement qui répondait à notre conviction profonde que rien ne changerait là-bas si rien ne changeait ici », raconte Menotti Bottazzi.

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Les débats engagés alors au CCFD s’inscrivent au cœur des réflexions de l’époque sur le nouvel ordre économique international et sur le rapport à l’information et à la communication. À la demande des pays en voie de développement, l’Unesco crée, en effet, en 1977, la Commission MacBride qui débat du droit à l’information, de la liberté de la presse et de l’accès aux médias, notamment pour les minorités.

« Dans ces débats, la collégialité a joué un rôle positif », insiste Menotti Bottazzi. Le CCFD poursuit donc son soutien actif à différents organes de presse, là-bas et ici. Rentrent dans le giron des partenaires de l’association des publications et agences du Nord à l’instar de l’Ucip, de l’IPS ou du Ciric. « Notre appui à la revue Hommes et Migrations nous permettait de capitaliser notre réflexion et nos analyses sur la situation des migrants dans le monde. C’était aussi un outil pour intervenir dans le réseau sur la problématique et les réalités des migrants », se souvient Adelino de Sousa, responsable du programme Migrants entre 1995 et 2004.

Obstacles et perspectives

L’engagement du CCFD auprès de médias indépendants lui a valu de vifs reproches. D’autre part, pointe Philippe Mayol, responsable du service Afrique, « il est difficile de s’investir dans le soutien aux médias du fait des fortes contraintes économiques. Appuyer un média veut dire financer ses frais de fonctionnement sans véritable objectif d’arriver à terme à une autonomie financière. Cela nécessite un investissement important pour que la ligne éditoriale, les sujets abordés, la qualité du
travail journalistique soient au niveau attendu
».

Néanmoins, le CCFD-Terre Solidaire appuie encore aujourd’hui des actions ciblées de renforcement de médias alternatifs. « Si nous voulons avoir un impact sur l’opinion publique du Sud, il faut être présents sur ce créneau et profiter des nouvelles technologies qui permettent de diffuser une information qui va loin à moindre coût », conclut Yvonne Belaunde.

Violaine Plagnol

avec le CCFD - TERRE SOLIDAIRE

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