Eoliennes citoyennes

Publié le 15.10.2012| Mis à jour le 08.12.2021

Des centaines d’habitants de la région de Redon (35) ont financé, à l’issue d’un processus participatif, un parc éolien pionnier géré par une coopérative. Sa finalité n’est pas le profit maximum, à l’instar du capitalisme vert, mais une transition énergétique écologique et plus équitable.


Ils ne parlent pas d’économie verte. Leur mutation s’appelle transition énergétique. Depuis plus de dix ans, un groupe d’amis têtus de la région de Redon, en Ille-et-Vilaine, s’est lancé le défi d’ériger des éoliennes. L’affaire a vite dépassé le cadre des seules énergies propres pour devenir le support d’un modèle alternatif où l’écologie se mâtine de développement économique local, d’équité sociale, de démocratie participative.

Fin 2012, Béganne, à dix kilomètres de Redon, devrait voir tourner les hélices du premier parc éolien citoyen de France : quatre mâts de 2 mégawatts chacun. Il sera géré par une coopérative comptant près de sept cents petits investisseurs particuliers, majoritaires dans le capital, aux côtés d’institutionnels engagés dans l’économie solidaire.
L’histoire commence bien modestement. En 2002, Michel Leclercq, sculpteur, se pique avec des amis maraîchers de produire de l’électricité verte. Avec une mini-machine de 10 kilowatts, deux cents fois moins puissante que les engins de Béganne. Mais ces pionniers butent sur des murs de mauvaise volonté à l’heure d’obtenir – c’est un droit légal –, le raccordement de l’éolienne au réseau, ainsi qu’un contrat d’achat pour le courant excédant leur consommation.
Loin de renoncer, le groupe conclut « que c’est en raison de son manque d’envergure que le projet n’est pas parvenu à s’imposer. »

Un peu partout en Europe, les investisseurs professionnels sont à l’affût des sites éoliens, placements parmi les plus rentables et les plus sûrs : les pouvoirs publics ont fixé des tarifs d’achat incitatifs pour l’électricité renouvelable injectée sur le réseau, et garantis par des contrats courant jusqu’à vingt ans. C’est l’une des niches de ce nouveau capitalisme dit « vert », qui a trouvé des « relais de croissance » sur les chantiers ouverts par la lutte contre le dérèglement climatique.

Mais à Redon, comme à Villeurbanne, Charleville-Mézières ou Chambéry, des associations, des citoyens, des élus et des collectivités se braquent contre un modèle d’expansion des renouvelables qui fait peu cas des riverains. Jusqu’à la contestation virulente : le mouvement Vent de colère attaque les projets d’éoliennes au titre du préjudice paysager ou de la perte de valeur des maisons voisines. Les profits des parcs vont généralement dans la poche d’investisseurs lointains, n’en subsiste localement qu’une part minime – parfois seulement quelques loyers pour les terrains agricoles occupés par les mâts.

Jeter l’éolien avec les spéculateurs ? On s’y refuse, entre Rennes et Redon. On a “biberonné” aux initiatives de l’économie solidaire, dont le terreau local est prolifique. En 2003, un noyau militant fonde Éoliennes en pays de Vilaine (EPV), le bras associatif qui va piloter le projet à toutes ses étapes. Il compte aujourd’hui des centaines de membres, « un véritable mouvement d’éducation populaire », se félicite Alain Ridard, son président.

Son potentiel s’est spectaculairement exprimé à l’heure de financer le parc de Béganne : 85 % des quelque 2,7 millions d’euros collectés proviennent de particuliers ! La plupart ont constitué pour l’occasion des Clubs d’investisseurs pour une gestion alternative et locale de l’épargne solidaire (Cigales). Une cinquantaine au total, et certains ont même pris corps au sein de l’industrie éolienne.

À mesure que se présentent les obstacles, Éoliennes en pays de Vilaine innove. À deux reprises, le contrat noué avec des développeurs[[Sociétés chargées de monter les projets éoliens (permis de construire, autorisations, etc.)]] capote. L’un d’eux, trop gourmand, veut la majorité dans le capital du parc. « Aux antipodes de notre philosophie ! Ce sont des citoyens locaux qui doivent détenir la majorité », explique Michel Leclercq.

Alors, EPV fonde sa propre société de développement, Site, à Watts. Elle a monté le projet de Béganne, sur des terrains agricoles pour éviter toute nuisance aux riverains. Et il n’est pas seul : un autre est en préparation à Séverac-Guenrouët (Loire-Atlantique). « Notre savoir-faire draine des sollicitations, y compris de la part de projets classiques », expose Pierre Jourdain, directeur. Animation de réunions publiques, désamorçage des conflits d’intérêts, élaboration participative, montages coopératifs, répartition équitable des futurs bénéfices…, toute une expérience en ingénierie sociale qui prend de la valeur : « Les riverains exigent de plus en plus d’être partie prenante. Certains développeurs sont perplexes devant leur résistance alors qu’ils n’ouvrent, grands seigneurs, que 5 % du capital de leur parc aux particuliers, à souscrire en un mois seulement… », relate Michel Leclercq.

Le parc citoyen de Béganne, pionnier en France par sa taille, devrait donc susciter des émules [[Il existe, depuis septembre 2011, un fonds d’investissement dédié au financement de tels projets : Énergie partagée, qui vise la collecte de 3 millions d’euros pour sa première année. Voir www.energie-partagee.org]]. Ils disposeront aussi de sa charte éthique : une finalité non spéculative, une rémunération limitée des parts de capital, la promotion d’un modèle éthique et écologique pour l’énergie (juste prix, transparence, sobriété d’abord…) ainsi qu’une gouvernance démocratique.

avec le CCFD - TERRE SOLIDAIRE

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