Migrations : à Grenoble, l’élan d’accueil citoyen

Publié le 18.12.2019| Mis à jour le 08.12.2021

« Terre d’accueil », « délinquante et solidaire », « ville hospitalière »… Si Grenoble revendique ces qualificatifs en matière d’accueil des personnes migrantes, c’est surtout grâce aux nombreux collectifs et associations qui accompagnent les exilés au quotidien.


Éric Piolle, à la tête de la première mairie Europe Écologie Les Verts de France, ne cache pas ses positions en matière d’accueil : il a interpellé le gouvernement sur la nécessité d’ouvrir plus de places d’hébergement d’urgence, d’abandonner le projet de loi asile et migration et d’abroger le délit de solidarité. Dès 2015, Grenoble se proclame « Terre d’accueil », suite à l’appel du ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, demandant aux maires d’organiser l’accueil de réfugiés.

La municipalité lance alors une plateforme pour coordonner l’aide apportée aux migrants.
Celle-ci répertorie des propositions d’habitants et de la société civile (hébergement, traduction, accompagnement juridique, sorties…), précieuse source d’informations pour les demandeurs d’asile et le CCAS [[Le Centre communal d’action sociale de Grenoble est le plus important de France après celui de Paris.]].

« Cette plateforme solidaire s’appuie sur la dynamique du territoire et son tissu associatif local très important », précise Éric Recoura-Massaquant, directeur de l’action internationale et européenne à la ville de Grenoble.

Faire face à la crise de l’accueil

Sans les nombreuses associations qui maillent le territoire, la capitale des Alpes serait bien impuissante.

Engagée depuis trente ans, l’association Accueil des demandeurs d’asile (ADA), a déployé il y quatre ans un large système d’« hébergements glissants » qui permet à tout citoyen d’accueillir une ou plusieurs personnes de manière temporaire.

« Les gens ont commencé à discuter à la sortie de l’école, au marché de leur village… », se félicite Odile Valiron, bénévole de l’ADA en charge de la coordination de ce réseau.
« Ils se sont fédérés, en association ou juste en groupement d’habitants. On compte actuellement 14 collectifs qui accueillent une quarantaine de personnes. Ces collectifs sont désormais autonomes sur tous les plans. On les accompagne surtout quand ils se questionnent : par exemple, lorsqu’ils doivent se séparer d’une personne, déboutée du droit d’asile, soupire-t-elle. Cela concerne 70 % des migrants principalement originaires d’Afrique et d’Europe de l’Est. »

De septembre 2018 à septembre 2019, le nombre de demandeurs d’asile a augmenté de 17 % selon l’ADA [[400 personnes disposaient du statut de réfugiés en Isère en 2018.]].
D’autres associations prennent le relais dans la phase du recours et de demande de titres de séjour.
L’Apardad [[Association de parrainage républicain des demandeurs d’asile et protection.]] organise par exemple des parrainages républicains présentés sur son site Internet comme une « rencontre volontaire et un engagement moral envers un étranger en recherche d’asile ». En parallèle, elle gère aussi douze logements.

Retrouvez notre campagne “Devenir une ville accueillante, c’est possible!”

Des paroisses engagées

De son côté, le diocèse de Grenoble prône un « accueil inconditionnel de tous les étrangers ». « Trois jours après l’appel du pape, le 6 septembre 2016, l’évêque de Grenoble l’a relayé et on a vu des initiatives émerger de toutes parts », se souvient Marie-Claude Douchez, déléguée diocésaine à la Pastorale des migrants, partenaire du CCFD-Terre Solidaire.
Résultat : sur les 46 paroisses du diocèse, 36 sont engagées dans des dispositifs d’accueil d’environ 300 personnes, chez l’habitant ou en location.

En 2016, l’Apardap se fédère avec 17 autres associations au sein du collectif Migrants en Isère. Et en décembre, il lance les premiers États généraux des migrations, en écho au mouvement national du même nom. L’objectif : formuler des propositions et des solutions consignées ensuite dans des cahiers de doléances, puis soumises aux élus. Un succès auprès du grand public, mais dont les retombées seront bien minces.

Trois ans plus tard, en mars 2019, le collectif organise, dans le Vercors, avec la Ligue de l’enseignement de l’Isère et le collectif d’habitants, les « Vertaccueillants », les Rencontres pour l’hospitalité. Des propositions sont rédigées : délivrer une carte de citoyenneté locale, comme le font Madrid et Barcelone, donner les moyens aux jeunes majeurs d’achever leur formation ou encore inciter l’État à augmenter d’urgence les places d’hébergement sur l’agglomération grenobloise… Mais là encore ces suggestions destinées aux élus sont « restées sans réponse », se désole Bernard Pouyet, vice-président de l’Apardap.

Ville et métropole s’engagent

Suite au désengagement du département de l’Isère et de la région Auvergne Rhône-Alpes, la ville de Grenoble est la seule à verser des subventions aux associations. Grenoble-Alpes Métropole qui rassemble 49 communes, a annoncé, dans le cadre d’une convention signée le 20 juin 2019, l’obtention d’une enveloppe de 300 000 euros de la délégation interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés.

Investi depuis de longues années sur le sujet, Bernard Pouyet soutient que « la ville et la métropole pourraient aller plus loin : pourquoi ne pas créer un véritable service des migrations au sein de la municipalité ? »

Pour le maire de Grenoble, la réponse est claire :
« Les associations nous stimulent énormément. Un tel tissu associatif est extrêmement rare et on ne peut pas avancer sans lui. Mais nous ne sommes pas une association humanitaire. Et quand bien même l’État ferait son travail, ça ne suffirait pas. Je crois beaucoup à la solidarité et aux liens interpersonnels entre citoyens. » Et aux actes symboliques : le 28 mai 2018, le maire Vert se déclarait coupable, auprès du procureur de la République d’avoir aidé les migrants en menant des actions de solidarité dans sa ville.
C’était le jour de la remise de médaille de la ville de Grenoble à Cédric Herrou [[Cédric Herrou, agriculteur, a été condamné à quatre mois de prison avec sursis en août 2017 par la cour d’appel d’Aix-en Provence pour avoir aidé des migrants à traverser la frontière franco-italienne.]].

Migrations : réinventer l’accueil et rejeter les politiques migratoires actuelles

13 maires exigent une répartition juste des demandeurs d’asile

De nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer l’inaction du maire en matière d’hébergement d’urgence, qui n’est pourtant pas une compétence des villes mais de l’État.
Régulièrement, des camps de personnes d’Europe de l’Est sont évacués par la municipalité : « Quand on a des locaux libres, comme les logements de fonction d’instituteurs, on les met à disposition. On nous demande de réquisitionner des bâtiments, mais en pratique on ne peut pas le faire, ça coûte des milliers d’euros. Si ces personnes sont engagées dans une demande d’asile, elles auront un logement sous peu », se défend Éric Piolle.

Mais à l’approche de l’hiver, associations et militants s’inquiètent de l’agrandissement d’un camp, trois fois démantelé, aux abords de la gare, où des familles vivent sous une trentaine de tentes.
Impuissants face à ces situations d’urgence, treize maires exigent de l’État, dans une tribune publiée dans Libération le 7 octobre 2019, « la mise à l’abri inconditionnelle des personnes présentes sur notre territoire puisque le droit impose que toute personne, même déboutée ou “dublinée” soit prise en charge avant son éventuel renvoi ».

Une semaine plus tard, mais un an après leur demande, ils ont été reçus par le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner [[Sauf le maire de Grand-Synthe Martial Beyaret.]], pour demander, entre autres, « une répartition territoriale équilibrée des demandeurs d’asile et des réfugiés » et « une position précise sur la situation des personnes dublinées ».

C’est de cette volonté des villes de s’unir qu’est né à Grenoble, en septembre 2018, le réseau Anvita (Association nationale des villes et territoires accueillants). À cinq mois des élections municipales, Éric Piolle fera t-il de l’accueil un axe fort de sa campagne ? « Oui, pour moi climat et hospitalité vont de pair, et je resterai engagé sur ces thèmes. Les gens le savent. »

Retrouver la suite de ce dossier dans notre magazine Faim et Développement, disponible sur abonnement payant.

Clémentine Méténier

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