Algérie : une Église de la rencontre

Publié le 07.04.2021| Mis à jour le 01.07.2022

Arrivé à Oran en 1969, le père Bernard Janicot revient dans son livre sur ses cinquante années de présence en Algérie. Et sur les mutations qui ont accompagné l’Église d’Algérie depuis l’indépendance du pays.

Échos du monde : Dans quelle situation se trouve l’Église lorsque vous arrivez en Algérie ? Bernard Janicot : Lorsque je suis arrivé dans le diocèse d’Oran en 1969, l’évêque, qui avait été nommé en 1946, était toujours un peu dans l’Algérie d’avant 1962. Tout comme une partie de la communauté chrétienne qui comptait encore pas mal de pieds-noirs. C’était une Église fortement marquée, je ne dirais pas de colonialisme, mais par l’Algérie d’avant. Or, le pays avait changé et il fallait redéfinir la place de l’Église. Cette transition n’aurait pas pu se faire sans un engagement très fort ? On peut parler de métamorphose, de changement de paradigme, et l’engagement du cardinal Duval a été déterminant. Il avait compris que l’Algérie allait vers son indépendance, et que cette indépendance était normale. Traditionnel sur le plan clérical, il a vécu le concile d’une façon rigoureuse participant à la rédaction de deux textes : le Gaudium et spes et le passage sur la manière dont l’Église regarde l’islam. C’était aussi un homme extrêmement sensible aux injustices et au respect des droits de l’homme. Il a très vite senti l’injustice profonde du système colonial, avec à la fois cette richesse des colons – même si les très riches étaient rares – et une population algérienne souvent dans la misère, à la limite de la sous-alimentation. Une injustice sociale qui découlait du contexte politique ? Au départ, le choc de l’injustice sociale du système colonial a été le plus important. Il a ensuite été extrêmement choqué par la manière dont l’armée « gérait » la situation : en particulier, par tous les cas de tortures, d’atteintes aux droits de l’homme, ce qui est devenu son deuxième combat, un combat pour la dignité de la personne. Il s’est mouillé, a plaidé et sauvé un certain nombre de gens de l’échafaud. Il était plutôt protégé du côté algérien, mais pour les plus extrémistes des Français, qui l’avaient surnommé « Mohammed ben Duval », ce dont il était très fier, il était la bête noire. D’autres vont ensuite poursuivre cet engagement… Henri Tessier et Pierre Claverie ont, d’une certaine façon, été les deux fils spirituels du cardinal Duval. Même si Pierre Claverie, ordonné prêtre au début des années 1970 et évêque d’Oran en 1981, était d’une tout autre génération. Henri Tessier, lui, a été très proche de monseigneur Duval. Il en a longtemps été son coadjuteur[[Un évêque ou archevêque coadjuteur est nommé comme évêque auxiliaire aux côtés d’un évêque diocésain, mais avec droit de succession immédiate sur le siège de l’évêque après la démission ou le décès de ce dernier.]] , et c’est à lui que l’on doit la mutation du diocèse d’Oran. Pierre Claverie, parfaitement arabophone, a continué sur cette lancée, s’attachant surtout à insérer l’Église, prêtres, chrétiens, laïcs, dans la société algérienne. Dans une Église de la rencontre, une Église hors les murs. Comment se concrétise cette Église « hors les murs » ? À Mascara, à 80 km d’Oran, le diocèse possède une assez grande maison qui abrite les habitations du prêtre et d’une petite communauté de sœurs italiennes, où sont organisés des cours de français, d’anglais, de yoga, de gymnastique féminine et prénatale, une bibliothèque et des conférences. C’est une véritable usine ! Tout cela dans un même lieu, dans une ville où, à part ce prêtre et ces sœurs, il n’y a pas de communauté chrétienne. Le second exemple est le Centre Pierre Claverie, à Oran. Il y a l’évêché, avec la résidence et les bureaux de l’évêque, la cathédrale, des cours de français, une bibliothèque, des ateliers de peinture ou de yoga, une troupe de théâtre amateur, une chorale, un groupe de danse. À cela s’ajoute l’aumônerie des étudiants et des migrants qui forment l’essentiel de la communauté chrétienne d’Oran actuellement. Une Église de la fraternité en acte. Cette fraternité a été mise à l’épreuve dans ce que l’on appellera les « années noires »…
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