Le vent de la révolte souffle toujours en Tunisie

Publié le 15.03.2021| Mis à jour le 01.07.2022

Faute de transformation du modèle économique par un pouvoir politique faible devant les oligarchies rentières, le dixième anniversaire de la révolution a été marqué par des protestations sociales sévèrement réprimées.

Les hivers tunisiens sont souvent chauds. Socialement, s’entend. Et la saison 2020-2021 l’a été particulièrement. Dix ans après le soulèvement parti des régions rurales avant de gagner la capitale pour aboutir, le 14 janvier 2011, à la chute du régime personnifié par Zine El-Abidine Ben Ali, les raisons structurelles de la crise sont toujours là, malgré l’instauration de la démocratie. La situation économique des milieux populaires a même empiré. Le PIB par habitant est tombé de 4 200 dollars en 2011 à 3 400 en 2019, et le taux de chômage est passé de 15 à 20 %. Depuis le mois de novembre, lassés d’attendre la traduction sociale de la rupture politique, les jeunes des régions marginalisées se sont à nouveau mobilisés pour demander qu’une partie de la richesse extraite de leur région soit investie dans le développement local et concrétisée en emplois. À Tataouine, dans le sud du pays à proximité des vannes par lesquelles transite le pétrole, à Gabès dont l’écosystème d’oasis maritime unique au monde a été détruit depuis 40 ans par le plus gros complexe chimique du pays, et ailleurs, les manifestants ont bloqué les sites industriels et les voies de circulation pour forcer le gouvernement à négocier.

Une nouvelle génération de militants plus politisé

Mais, en une décennie, une transformation essentielle s’est produite dans ces protestations. Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, vendeur de fruits dont la police avait confisqué la balance, faisait entendre son désespoir en s’immolant devant le gouvernorat sourd à ses plaintes dans une protestation sans issue. Depuis, les mobilisations locales n’ont pas cessé pour réclamer des emplois, autrement dit un élargissement de la redistribution clientéliste qui a permis durant des décennies au régime d’acheter la paix sociale. Cette fois, sous l’impulsion d’une nouvelle génération de militants, des coordinations régionales se forment. Mais elles parviennent difficilement, en raison des rivalités locales ou des divisions politiques, à dépasser le morcellement des mobilisations souvent satisfaites par quelques solutions individuelles, pour avancer des revendications régionales, voire des mesures de nature à transformer le modèle économique, comme la distribution des terres domaniales (confisquées par le protectorat français puis nationalisées en 1964) et la valorisation des terres collectives (tribales) pour développer les zones rurales. Ce début de politisation, au sens noble du terme, venu des profondeurs du pays s’est exprimé aussi, sous des formes différentes, dans les quartiers populaires des grandes villes du littoral, et surtout de Tunis. Mi-janvier, au moment même du dixième anniversaire de la révolution et en dépit d’un confinement strict et d’un couvre-feu à 16 heures de quatre jours destinés surtout à éviter les manifestations, des émeutes nocturnes ont éclaté. L’arrestation de 150 adolescents, supporters d’un club de foot tunisois, qui protestaient contre sa direction a réveillé le très ancien contentieux entre jeunes des quartiers populaires et forces de l’ordre, et, à travers elles, l’État tenu pour responsable de leur marginalisation. Les manifestations ont rapidement fait tache d’huile : barricades de pneus enflammés, confrontations avec la police et, dans quelques cas, attaques de supérettes et d’agences bancaires se sont propagées dans le pays. […] « Derrière la façade démocratique, l’État est un facteur de violence sociale », estime le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES, partenaire du CCFD-Terre Solidaire ) dans un communiqué où il accable « une élite politique irresponsable, impuissante devant les lobbies économiques et financiers ».>
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