Rosa Villaran de la Puente. Pérou

Publié le 28.02.2007| Mis à jour le 08.12.2021

Secrétaire exécutive de « Para que no se repita » (Pour que le drame ne se répète pas) – soutenu par le CCFD – Rosa Villaran de la Puente revient sur le bilan du conflit qui a déchiré le Pérou entre 1980 et 2000 et trace les perspectives d’une difficile réconciliation.

Les plaies d’une sale guerre

En août 2003, la Commission vérité et réconciliation (CVR) concluait que deux décennies d’affrontements entre l’armée et le Sentier lumineux avaient fait plus de 69 000 victimes. Cette annonce fut-elle un choc ?
RVP : Oui et non. Comme tout le monde, le chiffre des victimes m’a impressionnée, mais je savais que les violences étaient plus importantes que ce que disaient les médias. J’avais moi-même été douloureusement éprouvée par le conflit, car mon mari, soupçonné à tort d’être un sympathisant du Sentier lumineux, avait été sauvagement tué par des soldats de la garde républicaine, en mars 1982, à Ayacucho, dans l’hôpital où il était soigné. J’avais aussi entendu parler de dizaines d’autres cas d’exécutions extrajudiciaires.

Pourquoi « Para que no se repita » a-t-il pris le relais de la CVR ?
La CVR a fait un travail remarquable en consignant quelque 17 000 témoignages. Il s’agissait pour nous de vulgariser ces résultats. Et aussi, d’éviter un retour des années noires en menant la lutte contre l’impunité et pour la mémoire, préalables à une véritable réconciliation. Nous nous battons aussi pour que toutes les victimes du conflit obtiennent des réparations – individuelles ou collectives (pour leur communauté rurale, par exemple) – sans quoi les blessures de la sale guerre, souvent encore béantes, ne cicatriseront pas. C’est pour cela que nous tenons des meetings dans tout le pays, que nous édifions des monuments aux morts et disparus dans les villages, que nous organisons des marches pour la paix.

Cela débouche-t-il sur des expériences de dialogue et de réconciliation ?
Oui, localement. Dans les zones reculées des Andes, je connais des communautés indiennes dans lesquelles des familles ont été décimées à la fois par l’armée et la guérilla : un enfant ou plusieurs assassinés par chaque camp. Parfois, les voisins sont de possibles dénonciateurs. Malgré tout, les habitants de ces hameaux vont de l’avant en tablant sur les nouvelles générations. Nous appuyons ces expériences, même si nous savons qu’elles ont un coût psychologique élevé pour les plus meurtris, en raison des non-dits qui subsistent. Ailleurs, nous tentons des rapprochements entre organisations de veuves, qu’elles soient femmes de soldats ou compagnes de guérilleros.
Mais le contexte n’est guère favorable. D’un côté, les dirigeants du Sentier lumineux ne se sont livrés à aucune autocritique lors de leur procès. De l’autre, Alan Garcia rend hommage aux seuls militaires qui ont « sacrifié leur vie pour sauver le pays du terrorisme » et ignore les victimes civiles. Ce n’est pas digne de celui qui devrait se poser en rassembleur de la nation.

Comment expliquez-vous cette absence d’ouverture présidentielle ?
Mon sentiment est que sur tous les dossiers de droits de l’homme, Alan Garcia et son vice-président, l’amiral Luis Giampietri, sont mal à l’aise, car ils craignent que le passé resurgisse et que la justice leur demande des comptes. Ils sont tous les deux impliqués dans le massacre de détenus du Sentier lumineux dans l’île pénitentiaire d’El Fronton, en 1986. Et l’on impute à Alan Garcia la création d’escadrons de la mort, lors de son premier mandat (1985-1990), avant que son successeur, Alberto Fujimori, ne reprenne le flambeau. Il est aussi étonnant que notre président, qui s’affiche social-démocrate, se soit récemment prononcé pour le rétablissement de la peine de mort contre les violeurs et assassins d’enfants et les auteurs d’actes terroristes. Ces dérives inquiètent. Mais elles nous confortent dans la nécessité de notre action citoyenne.

 

Propos recueillis par Yves Hardy
Paris, février 2007

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