Birmanie : Pendant la paix, la guerre continue

Publié le 15.10.2012| Mis à jour le 08.12.2021

Alors que le gouvernement birman profite d’un regard plus favorable de la communauté internationale, l’armée poursuit son offensive dans l’État Kachin. Debbie Stothard, coordinatrice d’Altsean-Burma[[Altsean-Burma, basé à Bangkok en Thaïlande, soutient le respect des droits de l’homme et la démocratie en Birmanie et en Asie du Sud-Est]], partenaire du CCFD-Terre Solidaire, dénonce les graves exactions commises contre les civils qui ont contraint plusieurs dizaines de milliers de personnes à fuir la région.


« Même les plus anciens qui ont connu la période d’avant le cessez-le-feu, sont choqués par la gravité et la brutalité des atrocités dont ils ont été les victimes », témoigne Debbie Stothard. C’est à une véritable guerre que semblent se livrer, depuis juin 2011, les troupes gouvernementales birmanes dans l’État Kachin, au nord de la Birmanie. « On assiste à quelque chose d’intentionnel et systématique », s’alarme la jeune femme.

Des propos confirmés par la chargée de mission du CCFD-Terre Solidaire, Juliette Louis-Servais, à son retour de Birmanie en février. Le rapport publié, le 20 mars, par l’ONG internationale de défense des droits de l’homme Human Rights Watch, intitulé « Souffrances cachées : abus en temps de guerre et déplacements forcés dans l’État Kachin de Birmanie », est lui aussi on ne peut plus clair. « Attaques délibérées sur des populations civiles, tortures et mauvais traitements généralisés, y compris sur des enfants, viols et violences sexuelles, travail forcé, exécutions extrajudiciaires, destructions des biens, recours aux enfants soldats et usage de mines », la liste des exactions est impressionnante, les témoignages rapportés par HRW, confondants.

« Cela faisait plusieurs années que le feu couvait », explique Debbie. « Les Kachins ont signé un cessez-le-feu avec le gouvernement en 1994 et, depuis dix-sept ans, au lieu du développement économique et de la paix, ils se sont retrouvés face à une véritable armée d’invasion qui a fait main basse sur les ressources naturelles de la région, s’accaparant toutes les terres et se comportant de la pire des manières qui soit, envers les populations. Cela ne pouvait plus durer. D’autant que la question de la représentation des minorités ethniques n’est toujours pas résolue. »

Une ouverture annoncée à grands effets de manche

Cette question ethnique ne concerne pas seulement les Kachins. Depuis 1948, les minorités ethniques, qui composent plus d’un tiers de la population totale du pays, sont en révolte plus ou moins ouverte contre un gouvernement central dont la seule réponse proposée est l’assimilation forcée. « Le gouvernement a toujours refusé d’accorder une quelconque autonomie locale ou régionale aux différents États ethniques », rappelle la jeune femme. Les élections de 2010 n’ont rien changé. « Les parlements régionaux sont toujours aux mains du parti gouvernemental », déplore la coordinatrice d’Altsean-Burma, qui reste très prudente quant à l’ouverture annoncée à grands effets de manche par les dirigeants birmans. « La communauté internationale s’est laissée griser par les récentes avancées faites par Nyapidaw [la capitale administrative, ndlr]. Quand je rencontre des parlementaires européens ou que je suis aux Nations unies, à New York, pour évoquer la situation, tout le monde me chante désormais le même refrain : “Tout cela va bientôt s’arranger. Il faut donner une chance à ce gouvernement”. Mais pendant ce temps, les militaires birmans, eux, ne laissent aucune chance aux populations locales. »

Résultat : la situation y est aujourd’hui dramatique. Plus de 55 000 personnes ont quitté leur village pour fuir les combats opposant les forces birmanes à l’Armée pour l’indépendance Kachin, la Kia. Ces déplacés ont trouvé refuge dans des camps poussés à la hâte. Près de la frontière chinoise ou dans l’État Shan voisin, beaucoup survivent dans des conditions plus que difficiles. Sans ressources, ne subsistant que grâce à la générosité et à la solidarité de leurs compatriotes, ils doivent se contenter d’un peu de riz, de quelques lentilles et n’ont pour abri que « des cloisons de bambous surmontées de feuilles de plastique ». Ce qui, à l’approche de la mousson, laisse craindre le pire.

« En neuf mois de conflit, les représentants des Nations unies ne se sont rendus qu’une seule fois dans cette partie de l’Etat Kachin, en décembre, et le gouvernement empêche toute aide humanitaire d’arriver jusqu’aux déplacés, ce qui est contraire aux lois internationales », déplore Debbie Stothard Les quelque 10 000 Kachins qui ont réussi à traverser la frontière chinoise, ne sont pas mieux lotis. Les autorités chinoises préférant les considérer comme des immigrants plutôt que de leur accorder un statut de réfugié, qui permettrait aux agences internationales de venir sur place. Une possibilité que refuse d’envisager Pékin, qui profite déjà de l’exploitation des ressources naturelles de l’État Kachin, notamment son fort potentiel hydroélectrique.

avec le CCFD - TERRE SOLIDAIRE

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