Politique d’immigration : continuité ou rupture ?

Publié le 10.02.2015| Mis à jour le 08.12.2021

Selon Danièle Lochak, professeure émérite de droit public à l’Université Paris Ouest-Nanterre/La Défense et membre du bureau du Gisti, le gouvernement de François Hollande ne prend pas le chemin d’une réelle remise en cause de la politique d’immigration de son prédécesseur.

Faim et Développement : Que pouvaient espérer les associations de défense des droits des étrangers des promesses faites par François Hollande lors sa campagne électorale ?

Danièle Lochak : Peu de promesses ont été faites, en réalité. Et elles n’ont pas été tenues. François Hollande s’était engagé à ce que son gouvernement dépose un projet de loi pour le droit de vote des étrangers aux élections locales. Or, il ne prendra pas le risque de s’attirer les foudres de la droite avant les municipales et le projet sera vraisemblablement enterré. L’expérimentation promise d’une attestation de contrôle d’identité (voir pages suivantes) pour lutter contre les « délits de faciès » n’est plus à l’ordre du jour. D’autre part, la circulaire Guéant (voir pages suivantes), qui entravait considérablement l’accès au marché du travail des diplômés étrangers ayant fait leurs études en France, a effectivement été abrogée, mais la proposition de loi de Dominique Gillot pour sécuriser leur situation n’a finalement pas été déposée. Enfin, François Hollande s’était clairement prononcé contre la rétention des enfants, une pratique condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme. La circulaire du 6 juillet 2012, censée remédier à cette situation, continue d’autoriser l’enfermement dans un certain nombre de cas et ne s’applique pas à Mayotte, pourtant département français.

Ne faut-il pas laisser du temps au gouvernement ?

Un an, c’est peu pour amorcer un véritable changement. Il n’en prend pas le chemin. Conformément à ce qu’a initié Nicolas Sarkozy et à ce qui avait soulevé l’indignation de toutes les associations de défense des droits des étrangers, la politique de l’immigration continue d’être exclusivement mise en œuvre par le ministère de l’Intérieur. Or, lorsque les ministères de Affaires étrangères, de l’Emploi et des Affaires sociales en portaient aussi la responsabilité, la conception strictement policière de l’immigration était un peu atténuée. Par ailleurs, non seulement le gouvernement n’a pas tenu ses promesses mais les pratiques intolérables perdurent. Prenons l’exemple des violences policières. Après dix-huit mois d’enquête, le Défenseur des droits[[Le Défenseur des droits est une autorité constitutionnelle indépendante chargée de veiller à la protection des droits et des libertés et de promouvoir l’égalité.]], Dominique Baudis, a remis un rapport accablant et très argumenté sur la manière dont sont traités les migrants dans le Calaisis. Réponse du ministère de l’Intérieur : « Les faits évoqués reposent essentiellement sur des déclarations de responsables d’associations rapportant des propos non vérifiables. »

Durant un temps, on se disait : « Si les pratiques n’ont pas changé, au moins le discours xénophobe nous est épargné. » C’était avant les propos de Manuel Valls sur les Roms… [[Le 14 mars 2013, M. Valls au journal Le Parisien : « Je partage ce que m’a dit le Premier ministre roumain : “Les Roms ont vocation à rester en Roumanie ou à y retourner”.]]

Quel pourrait être le signe d’une inflexion de la politique d’immigration ?

Seul un gouvernement qui se sent fort peut aller à l’encontre du credo diffusé depuis quarante ans (la fermeture des frontières date de 1974). Tous les gouvernements successifs ont martelé que la maîtrise des flux migratoires s’imposait et qu’il fallait s’en donner les moyens.

Proposer une politique différente suppose une audace dont seul un gouvernement fort et déterminé pourrait faire preuve. L’hypothèse est, hélas, plus improbable que jamais. Les temps de crise ne sont jamais favorables aux étrangers. Même en restant dans le cadre d’une politique de lutte contre l’immigration clandestine, le gouvernement aurait pu, à défaut de changement radical, au moins tirer un trait sur la politique de déstabilisation des étrangers mise en œuvre pendant « l’ère Sarkozy ». Car ce dernier s’est aussi employé à insécuriser les étrangers dont la légitimité à être là n’est pas contestée.

En 1984, la création d’une carte de résident de dix ans avait été votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale, tous partis confondus. Si les acquis de cette loi ont été progressivement grignotés, Nicolas Sarkozy les a définitivement enterrés. La délivrance de plein droit de la carte de résident ne concerne plus, à part les réfugiés, que des catégories d’étrangers très minoritaires. Aujourd’hui, qu’on soit parent d’enfant français ou conjoint de Français, on ne peut, dans un premier temps, espérer mieux qu’une carte de séjour d’un an renouvelable. Et quand on peut enfin, au bout de trois ans, solliciter la délivrance d’une carte de résident, elle n’est plus automatique mais subordonnée à la preuve de « l’intégration républicaine » de l’intéressé dans la société française. La précarité est donc érigée en norme. Or, qu’est-ce qui empêcherait le gouvernement de rétablir – au moins ! – l’accès de plein droit à la carte de résident de manière à sécuriser les conditions de vie des étrangers en situation régulière ?

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