Bilan d’un an de politique d’immigration

Publié le 20.12.2013| Mis à jour le 08.12.2021

« Rustines », « cosmétiques », les termes employés par les associations pour qualifier les mesures prises par le gouvernement traduisent au mieux leur impatience, au pire leur exaspération. Car, en l’absence d’un projet de loi réformant le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, pourtant annoncé pour juin 2013 par Matignon, rien ne permet de croire à un réel changement de cap.

Contrôles d’identité au faciès

Le 1er juin 2012, Jean-Marc Ayrault affirmait qu’un texte précisant les contours d’un reçu de contrôle d’identité, que les policiers devraient remettre aux personnes contrôlées, était en préparation. La remise de ce document destinée à réduire les contrôles au faciès et ses dérives était également préconisée par le Défenseur des droits (1). Elle n’est plus à l’ordre du jour, car jugée comme une « tracasserie administrative supplémentaire » par Manuel Valls, qui préférerait l’inscription d’un matricule sur l’uniforme des agents (2).

Délit de solidarité

En cas d’aide au séjour irrégulier, la famille ainsi que l’époux ou l’épouse de la personne étrangère aidée étaient exclus des poursuites. La loi du 31 décembre 2012 étend cette immunité à la belle-famille et au conjoint, ainsi qu’aux personnes dont « l’acte reproché n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte ». Cette formulation est censée distinguer les organisateurs de filières d’immigration clandestine des militants et particuliers. Elle est néanmoins plus ambiguë, donc moins protectrice que celle proposée initialement dans le projet de loi et figurant dans la directive européenne dite « directive retour ». À savoir : « aide fournie à titre non lucratif ».

Droit d’asile

Les revendications des associations restent les mêmes qu’il y a un an. Parmi les priorités : une simplification et une amélioration de la procédure, une meilleure prise en compte de la diversité des situations dont celles des femmes, et un réel accompagnement des demandeurs d’asile. Si la création de 4 000 places d’hébergement a été annoncée par le Premier ministre en décembre 2012, de nombreuses personnes continuent de dormir dans la rue pendant l’étude de leur dossier. Par ailleurs, le droit à un recours suspensif n’ayant toujours pas été institué, les expulsions des demandeurs d’asile en cours de procédure perdurent.

Droit de vote des immigrés

aux élections locales Serpent de mer de la vie politique depuis les promesses électorales de François Mitterrand en 1981, le droit de vote des étrangers ne fera pas l’objet d’une discussion parlementaire à l’occasion de la révision de la Constitution prévue en septembre 2013. Le gouvernement estime qu’il n’a pas les moyens de convaincre, d’ici là, la majorité des 3/5e nécessaire à son adoption. Il n’exclut pas de le présenter en 2014, mais après les élections municipales (3).

Expulsions

Si la circulaire du 11 mars 2013 (4) confirme la fi n des objectifs chiffrés de personnes à expulser pour chaque département, Manuel Valls précisait dans la foulée au journal Le Monde (5) : « Nous tenterons toujours de faire un maximum d’éloignements. Mais dans un cadre transparent. » Dans cette perspective de « fermeté », la circulaire engage notamment à un éloignement rapide des « déboutés » du droit d’asile. En 2012, les expulsions avaient atteint le chiffre record de 36 822. Mais cette hausse de 11,9 % par rapport à 2011 était due au volontarisme du gouvernement précédent pendant le premier semestre. En l’absence de données officielles, une seule certitude pour 2013 : les « départs volontaires » ne seront plus comptabilisés dans les éloignements du territoire.

Immigration professionnelle

La circulaire Guéant restreignant l’accès des diplômés étrangers au marché du travail a été abrogée par la circulaire du 31 mai 2012. Celle-ci facilite le changement de statut des étudiants étrangers non communautaires pour leur permettre de s’engager dans une première expérience professionnelle. Mais les obstacles n’ont pas été tous levés, comme celui de l’opposabilité de la situation de l’emploi, qui continue de justifier de nombreux refus d’autorisations de travail (vérification que le poste ne peut être confié à un Français ou à un étranger en situation régulière). Pour la question de l’immigration professionnelle dans son ensemble, les intentions du gouvernement restent floues. Le document de travail du ministère de l’Intérieur pour préparer les deux débats parlementaires sans vote, censés nourrir un projet de loi, n’est pas de bon augure (6). La perspective développée est franchement utilitariste et vise avant tout à attirer des personnes hautement qualifiées sans questionner les conséquences de la fuite des cerveaux dans les pays d’origine.

Mineurs isolés

Alors que l’Aide sociale à l’enfance (ASE) doit protection à tout mineur privé de la protection de ses parents, de plus en plus de départements s’adonnent à des pratiques discriminatoires, voire dissuasives envers les mineurs étrangers isolés : contestation de leur âge, logement en hôtel sans accompagnement, scolarisation tardive, etc. Dans un texte de recommandation remis le 19 décembre 2012, le Défenseur des droits rappelait que l’intérêt supérieur de l’enfant doit primer sur des considérations de maîtrise des flux migratoires. Une circulaire instaurant la prise en charge financière par l’État des cinq premiers jours de l’accueil pour l’évaluation de leur âge et la répartition des mineurs isolés sur l’ensemble du territoire national est en projet. Les associations doutent cependant que les cas complexes puissent être examinés en si peu de temps.

Naturalisation

Depuis 2003, les lois qui se sont succédé n’ont cessé de durcir l’accès à la nationalité française. À tel point qu’en 2011, les naturalisations avaient baissé de 30 % par rapport à l’année précédente. La circulaire du 16 octobre 2012 recommande une certaine bienveillance envers les professionnels de haut niveau, les jeunes diplômés ayant un emploi stable et les moins de 25 ans ayant grandi en France. Elle invite aussi à ne plus considérer les périodes passées en séjour irrégulier comme un critère conduisant au refus systématique de la naturalisation. Les questions posées par les agents des préfectures aux personnes demandant la nationalité française révèlent cependant une exigence en termes d’instruction (histoire, culture et société françaises) et de capacité de conceptualisation (adhésion aux valeurs de la République) qui déstabiliserait plus d’un Français. Elles témoignent aussi d’une forte suspicion à l’égard des musulmans.

Régularisations

La circulaire du 28 novembre 2012 précise les critères d’admission exceptionnelle au séjour pour certains types d’étrangers : les parents d’enfants scolarisés, les conjoints d’étrangers en situation régulière, les jeunes majeurs entrés mineurs sur le territoire, les victimes de violences conjugales ou de la traite et les personnes qui travaillent. Les associations soulignent toutefois une prise en compte restreinte des cas de figure, la difficulté de produire des fiches de paie pour les étrangers régularisables par le travail et une application de la circulaire très hétérogène d’une préfecture à l’autre. En l’attente d’un bilan officiel promis pour juin 2013, l’État leur laisse entendre que les régularisations faites dans ce cadre sont nombreuses. Il restera à vérifier qu’elles n’ont pas été faites au détriment d’autres catégories de sans-papiers, comme le laisse craindre l’objectif du ministre de l’Intérieur de rester dans la moyenne de ses prédécesseurs, soit environ 30 000 régularisations par an.

Sur fond d’injonctions sécuritaires du ministre de l’Intérieur, les évacuations de terrain se poursuivent sur ordre des préfets, sans qu’aucune alternative de relogement ne soit proposée aux Roms.

Rétention

Les placements en rétention n’ont pas diminué. Condamné par la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour de cassation, le recours à la garde à vue des migrants avant de les placer en rétention a été remplacé dans la loi Valls du 31 décembre 2012 par une « retenue provisoire » en commissariat ou gendarmerie de seize heures maximum. Bien qu’impliquant certains droits – recours à un avocat, visite d’un médecin, autorisation d’utiliser le téléphone – cette retenue est qualifiée de « garde à vue bis » par les associations. En métropole, l’enfermement des enfants se raréfie, mais des cas sont toujours signalés. À Mayotte, la pratique reste de règle pour des milliers d’enfants.

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