Déclaration de Patrick N’Gouan, coordonnateur de la Convention de la société civile ivoirienne (CSCI), partenaire du CCFD-Terre Solidaire

Publié le 28.06.2011| Mis à jour le 07.12.2021

Côte d’Ivoire, le 28 juin 2011

Depuis l’investiture d’Alassane Ouattara comme président du pays, le 21 mai dernier, la Côte d’Ivoire a quitté la Une des médias. Que se passe-t-il réellement ?
Une normalisation progressive, encore lente, est en cours. La plupart des barrages placés sur les grands axes de circulation ou qui commandaient l’entrée de plusieurs quartiers d’Abidjan ont été démantelés. Du coup, le racket a diminué. Les récents rapports d’Amnesty international et de Human rights watch, qui ont eu un fort retentissement, ont permis une amélioration de la situation sécuritaire. Cela n’empêche pas des incidents récurrents, comme ceux du 23 juin entre les Forces républicaines (FRCI), ex-combattants pro-Ouattara et des gendarmes ou policiers – désarmés – qui soutenaient hier Laurent Gbagbo. Entre eux, la cohabitation reste difficile. Par ailleurs, nombre de collèges et lycées ont rouvert, mais ce sera sans doute une année blanche pour les étudiants. Le gouvernement s’efforce de faire redémarrer les entreprises touchées par la crise. On peut espérer que la normalisation se poursuive lors des prochains mois, afin que d’ici fin 2011, des élections législatives se tiennent dans un climat apaisé.

Qu’en est-il de la situation humanitaire des dizaines de milliers de personnes déplacées ?
Le gouvernement, le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) et des ONG comme Caritas ont redoublé d’efforts pour inciter les gens à  regagner leur domicile, à Abidjan notamment. Ce n’est pas toujours possible. L’eau et l’électricité n’ont pas été partout rétablies. Comment se réinstaller dans ces conditions ? Pour les déplacés de l’Ouest ou ceux qui se sont réfugiés au Liberia ou en Guinée, la peur de retourner au village subsiste. Comme la sécurité en brousse reste précaire, beaucoup craignent d’être la cible de nouvelles violences. Et puis, certaines zones ont été dévastées. Tout est à reconstruire et les moyens manquent.

Quid de la réconciliation entre les ex-belligérants ? Comment appréciez-vous le travail de la Commission ad hoc dirigée par Charles Konan Banny ?
Tout en se félicitant que le thème de la réconciliation mobilise les plus hautes autorités de l’Etat, la Convention de la société civile a fait plusieurs remarques. Elle constate que la nomination de Konan Banny est le fruit d’une décision unilatérale du chef de l’Etat et qu’il a cru bon de confier cette tâche à un homme politique, ancien baron du PDCI, la formation politique houphouétiste. Nous voulons à tout le moins que les autres membres de la Commission soient désignés librement par les différents corps constitués : syndicats, organisations religieuses, chefs coutumiers, ONG, etc. Le principal débat porte sur le mandat de cette Commission : se limitera-t-elle aux crimes postélectoraux – commis après le 28 novembre 2010 – ou remontera-t-elle bien plus loin pour apurer le passé et mettre un terme à l’impunité ?

Ce débat concerne aussi la Cour pénale internationale (CPI), dont une mission séjourne en Côte d’Ivoire du 27 juin au 4 juillet…
Tout à fait. Nous avons pu nous entretenir par visioconférence avec Luis Moreno Ocampo, le procureur de la CPI. La mission exploratoire de la CPI doit apprécier l’opportunité de lancer une procédure pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Mais Luis Moreno Ocampo nous a dit, qu’à l’heure actuelle, il manquait d’éléments consistants pour enquêter sur les nombreux crimes antérieurs au 28 novembre 2010. Une partie des membres de la Convention de la société civile pense cependant qu’il faut remonter jusqu’à 1990 et l’instauration du multipartisme. La majorité a plaidé pour ne pas passer sous silence les politiques d’immigration et foncière mises en place par Félix Houphouët-Boigny dès 1960. Et ce, afin de traiter tous les problèmes à l’origine des violences actuelles.

Dans cette hypothèse, c’est un travail de longue haleine ?
Oui. Nous réclamons que le travail de la Commission se déroule sur au moins 30 mois. Outre les plus graves violations des droits de l’homme, elle pourrait également se saisir des principaux crimes économiques : les détournements de sommes d’argent colossales à l’occasion de contrats pétroliers opaques, de prélèvements indus sur les filières café et cacao ou de la réalisation de vastes plantations sur des forêts classées du patrimoine national. L’objectif est d’assainir la situation, ce qui fournira de bonnes bases à l’élaboration d’une nouvelle constitution à l’horizon 2014. Nous sommes ambitieux, mais nous voulons prendre le temps de réaliser nos ambitions.                        

Propos téléphoniques recueillis par Yves Hardy

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