La faim n’est ni récente, ni inéluctable !

Publié le 30.05.2008| Mis à jour le 08.12.2021

« Tsunami économique » , flambée des prix ayant la « puissance d’une catastrophe naturelle » : ces expressions de Louis Michel, commissaire européen au Développement, et de Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères, pour qualifier l’inflation du prix des denrées de base à l’origine des émeutes de la faim, sont impropres et fallacieuses. Impropres, car la flambée des prix n’a rien d’un phénomène naturel : elle ne tombe pas du ciel comme surgit une tornade, mais résulte des conséquences logiques et prévisibles de choix macroéconomiques à différents niveaux. Fallacieuses, car elles laissent penser que nos responsables politiques ne peuvent réagir qu’à posteriori, endossant le rôle du bon samaritain envers des victimes nécessiteuses, gommant ainsi leur part de responsabilité dans le déclenchement de la situation actuelle.

Les populations rurales les plus exposées à la faim
Des réponses durables ne pourront être apportées sans prendre en compte deux préoccupations trop occultées. D’une part, la dépendance alimentaire croissante des pays en développement – certains pays comme la Mauritanie importent 70% de ce qu’ils consomment – les rend incroyablement vulnérables aux aléas des marchés mondiaux. Cet état de fait contraste avec un potentiel de production qui leur permettrait le plus souvent de faire face aux besoins. Mais il faudrait pour cela des investissements appropriés, surtout, comme le souligne le secrétaire général de la FAO Jacques Diouf, « au niveau des agriculteurs pauvres, qui sont les plus nombreux et qui ont des marges de croissance de productivité et de production importantes ». D’autre part, la faim touche majoritairement les populations rurales, et n’est pas un problème nouveau. Les émeutes actuelles sont visibles car elles sont urbaines… Mais les trois quarts des 854 millions de personnes qui souffrent de la faim en permanence sont les masses rurales silencieuses. Les petits paysans ont faim, car ils sont pauvres, et ils sont pauvres car on ne leur donne pas les moyens de vivre dignement du travail agricole.

La faim, conséquence de la perte de souveraineté alimentaire
Comment en sommes-nous arrivés là ? Les pays où éclatent ces émeutes ont en commun le dé-tricotage de leur souveraineté alimentaire, résultat de politiques inadaptées, en particulier de l’offensive néolibérale menée depuis 30 ans. A coups de programmes d’ajustements structurels et de libéralisation des échanges agricoles, les producteurs agricoles se sont retrouvés sans soutien ni protection. Ils ont perdu la capacité de nourrir les villes, et de se nourrir eux-mêmes. Les gouvernements du Sud ont préféré acheter la paix sociale en recourant à des importations à bas prix pour nourrir les consommateurs urbains.
Ces pays paient aujourd’hui le prix de leur dépendance aux aléas du marché mondial. Pour répondre à cette crise alimentaire durable, on ne peut se limiter à des mesures d’urgence, il faut s’attaquer aux causes structurelles. La France et l’Union européenne ne peuvent s’exonérer d’une remise en question de leur politique étrangère, commerciale et de coopération. Un défi majeur consistera à mettre fin à la « schizophrénie de la politique des Etats » qu’évoque le Rapporteur spécial des Nations-Unies sur le droit à l’alimentation, Jean Ziegler.

Pour une cohérence entre les discours et les actes de la France
Première puissance agricole européenne, la France se plaît à rappeler son soutien aux pays du Sud, et souligne aujourd’hui la nécessité « d’encourager la production locale ». Elle se doit de faire preuve de cohérence entre les discours et les actes. Va-t-elle réellement réorienter sa politique de coopération vers les agricultures familiales vivrières, ou continuer à privilégier les cultures d’exportation ? Va-t-elle maintenir ses subventions aux exportations, au nom d’une « vocation exportatrice » qui contribue à déstabiliser les marchés mondiaux ? Au niveau européen, la France continuera-t-elle à approuver par son silence les mal-nommés Accords de partenariat économique (APE) que la Commission européenne veut imposer aux pays d’Afrique notamment, mettant en concurrence agriculteurs africains et européens en supprimant les protections douanières ? Va-t-elle continuer à encourager le projet de Directive européenne en faveur des importations d’agrocarburants en provenance du Sud, aux dépens de la production alimentaire de ces pays ?

Sur une planète disposant d’un potentiel de production suffisant, il n’y a pas de fatalité. La France ne doit pas se contenter de jouer les french doctors, elle doit modifier ses propres politiques. Elle doit aussi interpeller les organisations multilatérales et les bailleurs de fonds internationaux, ainsi que l’Union Européenne, afin de changer les règles du jeu mondial, en faveur du droit à l’alimentation et de la souveraineté alimentaire.

Faute de quoi la désertification agricole des pays du Sud se poursuivra, avec son cortège d’émeutes de la faim urbaines.

avec le CCFD - TERRE SOLIDAIRE

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