Lettre ouverte

Publié le 27.01.2010| Mis à jour le 07.12.2021
Paris, le 27 janvier 2010 Port-au-Prince, ce 26 janvier 2010 Lettre ouverte au Premier Ministre d’Haïti Monsieur Jean Max Bellerive Copie : M. René Garcia Préval Président de la République Monsieur le Premier Ministre, Le 12 janvier de ce mois, le pays a été frappé par un terrible séisme, inattendu, même si les scientifiques en avaient prévu la possibilité depuis un bon temps.  Les événements ont pris le devant sur les discussions politiques stériles, pour un petit moment.  Il y a un Peuple et une Nation à sauver.  Le séisme n’aura pas seulement des conséquences immesurables pour notre Peuple, mais également pou notre destin comme Nation. Toute les couches de la population ont été durement éprouvées ; toutes les institutions étatiques, sociales et religieuses.  La Commission Justice et Paix elle-même a perdu son Président national, dans la personne de l’Archevêque de Port au Prince, Monseigneur Joseph Serge Miot. En ce moment il faut sauver, aider, mettre la main, prévoir l’avenir, poser les premier jalons d’une Haïti rénovée, plus juste, plus sensible, moins écartelée, plus soucieuse de tous ses fils et filles. Monsieur le Premier Ministre, la Commission Justice et Paix vous écrit cette lettre ouverte pour vous faire part de notre préoccupation concernant la présence de l’Etat et du Gouvernement Haïtiens dans ces moments difficiles.  Ce n’est pas l’heure des bilans et des critiques.  Nous voulons seulement suggérer et proposer, parce que de l’attitude de l’Etat Haïtien dans cette crise et épreuve dépendra sa capacité d’être moteur et inspirateur du nouveau. 1. Peu de jours après le séisme nous étions contents de voir le CNE dans la rue avec son gros matériel : déblayer les rues, extraire des survivants, retirer les morts de la rue pour éviter le pire.  La distribution du carburant a été rétablie rapidement et efficacement avec l’aide de secteur privé.  La population sinistrée est apparemment assez bien approvisionnée en eau qui ne devrait pas manquer, vu que le sous-sol près de la Capitale en contient des réserves importantes. 2. Ce que la population manque en ces jours, c’est une parole publique de l’autorité politique du pays : pas une parole politicienne, mais une parole de compassion, d’encouragement et surtout d’orientation dans un avenir incertain que le peuple est bien obligé de vivre.  La Présidence, la Primature, le Gouvernement, Monsieur le Premier Ministre, ne communiquent pas avec la population.  Serait-ce la communauté internationale seule qui serait importante pour mener le dialogue ?  Ou bien serait-ce à elle d’informer la population haïtienne ?  Il revient au Gouvernement du pays d’informer, d’orienter, d’expliquer la raison et le bon sens des décisions.  Il s’agit bien d’un droit inaliénable dont la population est investie. 3. Il revient au Gouvernement de guider, de coordonner et d’organiser les actions d’aide, en collaboration, certes, avec la communauté internationale qui dispose de plus de moyens logistiques.  En affirmant cela, déjà nous voyons nos compatriotes hausser les épaules.  En effet, l’Etat est faible, quasi inexistant, dépassé par les événements et la présence en force de la communauté internationale.  Le Gouvernement a décidé de confier l’aide aux magistrats communaux … La décision pourrait être correcte ; mais, les communes n’ont jamais été prises au sérieux dans un programme de décentralisation et de responsabilisation locale réelle.  En plus, il faut des mécanismes de contrôle pour que le travail soit bien fait.  Sinon, c’est se moquer des institutions et des citoyens. 4. De nombreuses zones frappées n’ont encore été touchées par aucune intervention.  Citons comme seul exemple : les quartiers populaires sur le Morne de l’Hôpital, les zones plus hautes que la Croix des Prez, où les voitures ne peuvent même pas pénétrer. 5. L’Etat – le Parlement – a décrété l’Etat d’urgence.  C’est une nécessité.  Mais personne n’explique ce qui entre dans la décision.  En quoi cette mesure doit-elle toucher au comportement du citoyen ?  Les camions citernes au service de la population, les convois avec l’aide humanitaire et les ambulances devraient avoir une priorité absolue dans le trafic.  Maintenant, ils sont victimes des blocus du trafic au même titre que le simple citoyen qui – dans une préoccupation tout à fait légitime – cherche à sauver ses biens personnels. 6. Les derniers jours, on signale l’insécurité qui augmente.  Il faut certes distinguer entre les pillages et les nouvelles organisations criminelles qui se forment au profit de la situation difficile vécue par les gens.  Il faut noter également que l’évasion massive de détenus n’a pas profité aux criminels seulement ; ce serait oublier la « détention prolongée » dont trop de citoyens étaient victimes.  Mais, il est totalement inacceptable qu’une population traumatisée, qui a perdu les siens, ses biens, sa maison, doit encore être victime de profiteurs et de criminels qui viennent pou voler, violer et tuer.  Le Gouvernement avec l’aide de la communauté internationale doivent se montrer à la hauteur de leur mission pour créer les conditions pour assurer la paix dans les esprits des gens, dans le respect des droits de tous et toutes. 7. Retournons un moment au devoir d’information par le Gouvernement : a. La crise met la population en contact avec de nouveaux produits alimentaires.  Qui expliquera, de façon simple et claire – dans un créole qui soit compréhensible -, comment se servir des kits qui contiennent de produits inconnus ?  Qui expliquera la valeur nutritive pour garantir la survie pendant des jours ? b. On parle de déplacer un grand nombre de familles hors de la Capitale.  Qui expliquera le bon sens cette décision aux gens ? Qui expliquera les mesures d’accompagnement qui seront prises et les garanties qu’on donnera aux gens ?  Il est du devoir du Gouvernement de veiller à ce que les promesses soient tenues : aussi bien ses propres promesses, que celles faites par la communauté internationale. Monsieur le Premier Ministre, la Commission Justice et Paix salue encore une fois le courage du Peuple Haïtien, qui montre sa vitalité et sa volonté de vivre dans ces moments difficiles.  Le secteur informel se révèle particulièrement vitale et efficace. La Commission Justice et Paix profite de cette occasion pour exprimer sa profonde sympathie à toutes les victimes, aux familles qui ont perdu un ou plusieurs êtres chers, au Gouvernement et les institutions de l’Etat qui ont perdu des membres, à la Communauté internationale, comme la Minustah, qui a subi de lourdes pertes, aux organisations de la société civile qui ont perdu des membres engagés et dévoués pour la cause du peuple haïtien, aux Eglises et regroupements religieux …  au monde universitaire …  Les pertes sont lourdes à porter … Le pays a perdu plusieurs fils et filles compétents.  A nous, de nous comporter dignes de leur projet de société, leur rêve et leur dévouement. La Commission prie le Maitre de la Vie qu’Il anime notre Peuple de Force pour résister au défaitisme et découragement ; et qu’Il nous arme de Lumière qui permette au Peuple d’entrer dans une ère nouvelle, de sorte que la mort de tant de personnes, citoyens et citoyennes de ce pays et étrangers vivant parmi nous, ne soit pas en vain mais porte du fruit. La Commission Justice et Paix vous salue patriotiquement. Pour la Commission Nationale Justice et Paix : P. Jan Hanssens, Directeur Pour la Commission Justice et Paix de l’Archidiocèse de Port-au-Prince : Djimpps Gilles, secrét. général. Suite au séisme en Haïti, bulletin d’information émis par le gouvernement le 27 janvier 2010 (pdf)

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