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Avec trois personnes migrantes sur les routes de l’exil au Mexique

Publié le 11.01.2019| Mis à jour le 08.12.2021

Manolo, Octavio, et Malvina ont trouvé refuge à la Casa Mambré, un point d’accueil créé par les sœurs scalabriniennes au Mexique et soutenu par le CCFD-Terre Solidaire. Leurs témoignages nous plongent dans la dureté de leur combat pour s’extraire de la violence et de la misère

Manolo, 36 ans, a fui le Honduras à cause des gangs

Sur la route, des policiers l’ont kidnappé et rançonné. Avec sa femme, ils ont trouvé un refuge provisoire à la Casa Mambré. Ils espèrent trouver un asile définitif au Canada.

« Je m’appelle, Manolo [[Le nom a été changé pour garantir l’anonymat de la personne]], j’ai 36 ans. Je suis né dans une petite ville côtière du Honduras. J’avais deux ans quand ma mère a migré aux Etats-Unis. Je suis resté vivre d’abord avec ma grand-mère, puis avec ma tante. Nous étions très pauvres. À partir de l’âge de 5 ans, j‘ai été maltraité et abusé sexuellement. J’ai fugué une première fois à l’âge de 8 ans. Au bout de six mois, la police m’a retrouvé et je suis retourné vivre chez ma tante. J’ai commencé à consommer de l’alcool et de la drogue à partir de 13 ans. Quand j’ai eu 20 ans, j’ai migré vers les Etats-Unis pour rejoindre ma mère. Mais ça ne s’est pas bien passé avec elle. Je suis resté quelques mois dans le pays puis j’ai été arrêté et expulsé.

De retour au Honduras, j’ai commencé à vendre de la drogue. J’ai eu des problèmes avec le gang local, la « Mara Salvatrucha »[[« Mara Salvatrucha » (ou « MS-13 ») et « Barrio 18 » sont deux gangs comptant plusieurs dizaines de milliers de membres, impliqués dans des activités criminelles en Amérique centrale et latine, aux États-Unis, au Canada et en Espagne.]]. Comme j’étais menacé de mort, j’ai fui au Guatemala, dans la capitale. C’est là que j’ai connu ma femme, avec qui j’ai eu depuis un petit garçon. Mais le « MS 13 » a des connexions partout. Ils m’ont retrouvé et ont menacé de me tuer. Nous avons donc décidé de migrer vers les Etats-Unis. C’était en mai 2015. A cette époque, ma femme était enceinte.

À la frontière mexicaine, nous avons été arrêtés par des policiers. Ils ont exigé une rançon pour me libérer. En cas de refus, ils m’ont montré une valise remplie de drogue et m’ont menacé de m’accuser de trafic de stupéfiants. Ma femme est repartie au Guatemala. Comme elle était sur le point d’accoucher, c’est sa mère qui a fait le voyage pour venir payer la rançon. Malgré cela, les policiers m’ont arrêté.

J’ai été emprisonné trois ans avant que mon innocence soit prouvée. Les conditions de détention étaient terribles. Ma femme et ma belle-mère ont témoigné contre les policiers. Ils ont fini par être arrêtés et jugés et se trouvent aujourd’hui en prison. Mais ils ont juré de nous faire payer. Depuis, nous vivons cachés à la Casa Mambré.

Après tout ce que nous avons vécu, l’Agence de l’ONU pour les réfugiés (UNHCR), a estimé que la solution la plus sûre, pour nous et notre petit garçon, était de migrer au Canada. Nous attendons la réponse mais elle tarde à venir. Notre rêve ? Vivre un jour en paix et donner le meilleur à notre fils. »

Lire aussi notre reportage sur la Casa Mambré, une maison d’accueil pour personnes migrantes victimes de violence

Octavio, 28 ans a fui la misère. Il aurait préféré rester dans son pays.

Sur la route, il a été séquestré un mois par les passeurs. Les soeurs de la Casa Mambré l’ont aidé à trouver un travail. Son rêve désormais? Ouvrir un restaurant cubain au Mexique.

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« Je m’appelle Octavio [[Le nom a été changé pour garantir l’anonymat de la personne]]. Je suis cubain. J’ai 28 ans. Je suis marié et père d’une petite fille. Au contraire de nombreux jeunes de mon pays, je n’ai jamais rêvé de migrer aux Etats-Unis. Si j’ai décidé de quitter ma terre natale, c’est seulement par nécessité économique. J’ai travaillé pendant plus de dix ans dans les champs de tabac pour un salaire mensuel de 20 dollars USD. Dans ces conditions, impossible de vivre dignement.

J’ai mis un an à rassembler les 5000 dollars nécessaires pour payer le passage pour le Mexique. Mon père m’a beaucoup aidé pour cet argent et a placé en moi beaucoup d’espoir. Le 29 juillet 2018, à 8 heures du matin, j’ai embarqué avec 35 autres personnes sur un canot rapide. La traversée vers Cancun dure plus de douze heures. Elle est très dangereuse à cause des courants violents dans le golfe du Mexique. Ce jour-là, j’ai cru mille fois que j’allais mourir tellement la mer était agitée !

On a débarqué de nuit sur une plage près de Cancun. On nous a d’abord emmené dans un hangar où se trouvait déjà près de 130 personnes qui avaient, elles aussi, fait la traversée [[Une partie des migrants cubains s’engagent à payer leurs passeurs à leur arrivée au Mexique, souvent en contactant leur famille vivant aux États-Unis. En attendant que l’argent soit versé, ils sont maintenus en détention.]]. J’avais peur, mais contrairement à la plupart des gens qui étaient là, moi j’avais payé mon voyage avant d’embarquer. Donc, j’étais convaincu que j’allais être libéré. Sans savoir quand, exactement.

Je suis resté prisonnier pendant 29 jours. La plupart des cubains avec lesquels je me trouvais Les conditions étaient très dures et on ne mangeait qu’une fois par jour. Je me suis fait le plus discret possible. J’ai assisté à des scènes de violence terribles. J’ai vu des compatriotes être battus à mort à quelques mètres de moi. Ces images, je ne les oublierai jamais.

J’ai fini par être libéré. Je me suis rendu au bureau de l’Immigration à Cancun. Et j’ai témoigné de tout ce que j’ai vu. Je savais que je prenais des risques en faisant ça. Mais c’était difficile d’être en paix, sachant que des centaines de Cubains vivaient ce cauchemar au quotidien. La police a fini par arrêter les passeurs et ceux qui gardaient les migrants.

Depuis, je suis menacé. L’Agence de l’ONU pour les réfugiés (UNHCR) m’a envoyé à la Casa Mambré. Comme j’ai toujours aimé la cuisine, j’ai rapidement aidé pour la confection des repas. J’ai compris que ma passion pour la gastronomie pouvait devenir un métier. Les sœurs scalabriniennes de la Casa Mambré m’ont aidé à trouver un travail comme adjoint d’un chef dans la cuisine d’une organisation liée à l’Église.

Bientôt, je vais devoir quitter cette maison des migrants et prendre un logement que je vais partager avec un autre Cubain qui est passé par ici, lui aussi. Je vais surtout continuer à apprendre la cuisine. Et qui sait, un jour, je pourrai ouvrir, au Mexique, un restaurant cubain et faire venir ma famille ».


Malvina, 47 ans, doit payer chaque semaine à un gang une rançon pour sa fille

Accueillie à la Casa Mambré, elle cherche comment sauver sa fille menacée par le gang

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« Je m’appelle Malvina [[ Le nom a été changé pour garantir l’anonymat de la personne]]. J’ai 47 ans. Je suis hondurienne. Je suis mère célibataire d’une fille de 17 ans qui finit sa scolarité au collège. Je vivais dans une petite ville située au nord du pays. J’étais propriétaire depuis 2009 d’une « tortillera »[[Tortilla : Galette de maïs, plat populaire au Mexique.]]. Ça s’appelait « La Bénédiction de Dieu ». Dès le début, j’ai dû payer au gang « Barrio 18 » (3)[[ « Barrio 18 » et « Mara Salvatrucha » (ou « MS-13 ») sont deux gangs comptant plusieurs dizaines de milliers de membres, impliqués dans des activités criminelles en Amérique centrale et latine, aux États-Unis, au Canada et en Espagne.]] un impôt hebdomadaire de 500 lempiras (20 euros environ). Les premières années, je pouvais payer car j’étais l’une des seules tortilleras de la ville. C’était beaucoup de travail, mais au moins ça me permettait de vivre et d’élever dignement ma fille.

Avec l’ouverture d’autres tortilleras, mes recettes ont beaucoup diminué. En plus on m’a volé la moto qui permettait de faire des livraisons. J’ai donc perdu de nombreux clients et j’ai commencé à prendre du retard dans le paiement de l’extorsion. J’ai voulu négocier un accord avec les membres du gang, mais la réponse a été encore plus cruelle que ce que je redoutais. Le 7 février, alors que ma fille se rendait au collège, elle a été enlevée par un membre du « Barrio 18 ». Il l’a violée sauvagement et l’a abandonnée dans le cimetière. Elle en est restée terriblement traumatisée. Je n’ai pas eu d’autre choix que de fermer la tortillera, de confier ma fille à mon père et de migrer au Mexique. En passant la frontière, le 19 février, j’ai demandé le statut de réfugiée.

Les membres du « Barrio 16 » savent où se trouve ma fille. Ils m’ont dit qu’ils n’hésiteraient pas à lui faire du mal si je ne continuais pas à payer chaque semaine les 500 lempiras. Alors, depuis que je suis ici, je travaille dur. La nuit, je suis vigile et le jour, je travaille comme manœuvre dans le bâtiment quand je trouve un chantier. Chaque samedi matin, je dépose l’argent à la banque. Il y a quelques temps, à cause de jours fériés, j’ai été payée en retard et la banque était fermée. Je n’ai donc pas pu payer la rançon à temps. Le jour suivant, j’ai reçu un message sur mon téléphone portable. Une photo montrait l’un des doigts de ma fille avec une énorme cicatrice recousue grossièrement à l’aide de fil de couture. Mon sang s’est glacé. En-dessous, c’était écrit : « En cas de nouveau retard, tu recevras la même photo… sans le doigt ! ».

Mon dossier est entre les mains de l’Agence de l’ONU pour les réfugiés (UNHCR) qui m’a orienté vers la Casa Mambré. Les religieuses m’ont accueillie et m’hébergent depuis plusieurs mois. Ici, il y a une psychologue avec laquelle je parle régulièrement et qui m’aide à supporter la situation en attendant qu’une solution soit trouvée pour sortir ma fille des griffes de ce gang. La solution la plus simple serait de payer une rançon de 170 000 lempiras (6000 euros environ) pour la libérer définitivement. Mais je n’ai pas cet argent. Donc, je dois continuer à payer la rançon chaque semaine ».

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