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Cambodge : les ouvrières de la confection prennent la parole

Publié le 02.12.2013| Mis à jour le 10.09.2021

Au Cambodge, où quelque 400 000 salariés, à 95% des femmes, fabriquent des vêtements pour les principales marques du prêt à porter de la planète, le Workers Information Center œuvre à sensibiliser les ouvrières à défendre leurs droits.


Un alignement de chambres des deux côtés d’un couloir sombre. Dyna frappe à la porte entrouverte de l’une d’entre elles, salue, se déchausse avant d’entrer. A l’intérieur de la minuscule pièce règne une chaleur étouffante. Quatre jeunes femmes y bavardent en préparant le repas du soir. Elles font une place à la nouvelle venue, qui s’assied en tailleur sur une natte posée à même le sol.

Dyna est coordinatrice du « Drop-in center » (DIC) de Prey Tea – l’une des huit antennes d’accueil mises en place à Phnom Penh par le Worker Information Center (ONG en lien avec le CCFD-Terre solidaire). Plusieurs fois par semaine, elle se rend au domicile d’ouvrières de la zone industrielle de Pochentong et, au cours de ces visites qui ont lieu après la journée de travail, écoute leurs doléances : « j’ai pris mon poste à 6 heures 30 et terminé à 21 heure tous les jours… en plus, cette semaine, on travaillera aussi dimanche ! » ; « l’après-midi, le patron fait éteindre les ventilateurs et la chaleur dans l’atelier est insupportable » ; « mon contrat est renouvelé tous les trois mois depuis plus de deux ans »…

Au Cambodge, le secteur de la confection représente 85% des exportations et constitue l’un des principaux moteurs économiques du pays. Mais si le secteur enregistre une croissance soutenue, le dernier rapport du programme Better Factory Cambodia, mis en œuvre par l’Organisation internationale du travail (OIT), constate que les conditions de travail s’y dégradent : 95% des entreprises ont recours à plus de deux heures supplémentaires quotidiennes, six jours par semaine ; il règne une chaleur excessive dans 75% des lieux de travail ; les issues de secours sont obstruées dans 53% des entreprises…

Quant aux salaires (80 dollars par mois) ils sont parmi les plus bas du monde. « Avec les heures supplémentaires, je peux arriver jusqu’à 120 ou 140 dollars, calcule Srey Mom, 19 ans, originaire de la province de Prey Veng. Je paie mon loyer, ma nourriture, je m’habille et j’envoie chaque mois de l’argent à mes parents ». Mais le coût de la vie ne cesse d’augmenter, affectant le pouvoir d’achat (-30% entre 2000 et 2014). Alors, pour aider leur famille, il n’est pas rare que les ouvrières rognent sur le budget nourriture. Conséquences : une alimentation insuffisante cumulée à des journées de travail interminables et à des conditions sanitaires déficientes dans l’entreprise peuvent avoir raison de la résistance des femmes. Selon les organisations syndicales, plus de 700 cas d’évanouissements dus à l’épuisement auraient étés enregistrés dans les entreprises de confection depuis le début de l’année.

Pour des acheteurs, Levi’s, Gap, H&M, Zara, Nike, Puma… qui n’hésitent pas à faire de la question éthique un argument de communication – « Nous voulons que nos clients puissent être sûrs que tout ce qu’ils achètent chez nous est fabriqué dans le respect des êtres humains et de l’environnement », déclarait récemment Karl-Johan Persson, PDG de H&M –, cette situation peut devenir embarrassante. Aussi ne sont-ils pas avares de « recommandations » et autres chartes de bonne conduite – qui ne leur coûtent rien –, mais se montrent autrement réticents à mettre la main au porte-monnaie. Or c’est bien dans la part des marques et des détaillants – respectivement 12% et 59% estime le Collectif de l’éthique sur l’étiquette dans sa « Décomposition du prix d’un Tee-shirt » – que réside la principale marge de manœuvre. Et si les patrons cambodgiens sont tout sauf des philanthropes, on ne peut leur donner tort quand ils constatent : « que nous payions nous ouvriers 60 ou 80 dollars par mois ne change rien au prix que nous imposent les marques pour nos vêtements ».

camb12.jpg Retour au DIC de Prey Tea, où Dyna accueille les ouvrières qui arrivent, une par une ou par petits groupes, pour assister à une réunion d’information. « Je viens ici de temps en temps pour rencontrer les autres filles, explique Sreylab, 18 ans, originaire de la province de Kompong Chhnang… et pour apprendre à connaître mes droits ». Comme Sreylab, la majorité des ouvrières de la confection sont originaires des zones rurales, jeunes et dotées d’un maigre bagage culturel. Par tradition peu enclines à se révolter, elles sont vulnérables à toutes sortes d’abus et de pressions.

Au cours de l’année écoulée, pourtant, plus d’une centaine de grèves, parfois très dures et violemment réprimées, ont mobilisé des dizaines de milliers d’ouvrières, paralysant un quart des entreprises de confection du pays et témoignant de l’existence d’un mouvement syndical dynamique.

« Debout ! Ouvrières de la confection nous devons crier pour faire entendre nos voix », chantent les musiciennes du Messenger Band. « Ouvrières de la confection, nous devons être solidaires, lutter de tout notre cœur pour en finir avec cet asservissement (…) Vous qui nous écoutez, ne nous ignorez pas ! »

Philippe Revelli

Complément : Retrouver l’interview de Channsitha Mark, directrice de WIC (Workers Information Center), qui accompagne des ouvrières du textile, dans le numéro d’avril 2016 du magazine Faim Développement

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