En Inde, il initie des centaines de personnes à l’agroforesterie

Publié le 28.08.2024

Après de brillantes études, Neeraj renonce à une carrière juridique prometteuse mais qui lui parait vide de sens face au changement climatique. Il retourne dans son village d’origine au Bihar et transforme les parcelles de son grand-père en lieu d’expérimentation et de formation à l’agroforesterie.

Portrait d’un de ces jeunes engagés de la « génération climat » qui essaiment dans le monde! Le travail de Neeraj est soutenu par le CCFD-Terre Solidaire grâce à notre partenaire sur place, l’ONG indienne Samagra Seva qui met en place des initiatives en agroécologie et en agroforesterie afin de lutter contre l’insécurité alimentaire.

En ce milieu d’après-midi, les 43 degrés ambiants ne nous permettent pas de visiter immédiatement les champs de Neeraj. Cette température n’est pas exceptionnelle à la veille de la mousson. Mais ce qui n’est pas normal, nous explique Neeraj, c’est qu’elle dure aussi longtemps.

« L’année dernière le lac près d’ici s’est totalement asséché. Il faut creuser toujours plus profond pour trouver de l’eau ».

Dans la cour devant la maison, le puits qu’il a toujours connu en service dans son enfance n’a plus une goutte à offrir. La mousson elle aussi est perturbée : « il pleut en une semaine ce qu’il pleuvait avant en un mois ». L’eau ruisselle sans avoir le temps de pénétrer le sol durci par la sècheresse.

Vue du village de Neeraj dans le district de Lakhisarai, dans l’état du Bihar. La sécheresse des champs contraste avec le projet d’agroforesterie mis en oeuvre (voir la photo plus bas)

Neeraj nous reçoit dans son bureau en attendant que le soleil commence à décliner. Il nous raconte que c’est pendant ses études qu’il a commencé à se préoccuper du changement climatique et de ce qu’il pourrait faire à son niveau.

Alors que Neeraj a grandi dans l’état rural du Bihar, au nord de l’Inde, ses études l’emmènent très loin de chez lui, à Bangalore, dans le Karnataka, au sud ouest du pays. Bangalore, ville fleuron de la High Tech, est surnommée la Silicon Valley indienne. Mais il étouffe dans cette mégalopole, aussi réputée pour sa pollution et ses embouteillages incessants. Il cherche à se mettre au vert les week-end et les courtes vacances. Sa famille habitant trop loin, il découvre le reste du Karnataka où les initiatives écologiques fleurissent depuis longtemps. Il apprécie de plus en plus de se reconnecter à la nature.

Un embouteillage géant crée le déclic

Un jour, à Bangalore, il reste coincé dans un embouteillage pendant six heures… C’est le déclic.

« J’ai eu le temps de réfléchir! et de me dire qu’il fallait vraiment que quelque chose change ».

Il se tourne vers une ONG indienne qui l’aide à trouver les réponses à ses questions et construire son projet pendant sept mois. Le lien entre crise climatique et alimentation l’interpelle particulièrement. Il se demande comment les millions de familles paysannes de son pays vont pouvoir continuer à se nourrir avec les bouleversements climatiques. Neeraj ne croit pas que ceux-ci pourront être compensés par la technologie, “surtout si la souveraineté alimentaire n’est pas prise en compte” explique-t-il :

« Nous n’allons pas nous nourrir en mangeant des ordinateurs. Même si nous les utilisons aussi, il faut arrêter de croire que la technologie va nous sauver. »

Peu à peu son projet se construit au contact des personnes plus expérimentées, et il en ressort convaincu de la force du collectif. Il décide que son projet sera lui aussi construit avec cette dimension.

L’agroforesterie en partage

Il part faire un stage au Marahastra, où le sol est souvent considéré infertile, mais où l’agroforesterie est pratiquée depuis longtemps avec des résultats surprenants.

L’agroforesterie correspond à un ensemble de pratiques qui associe arbres, cultures ou animaux sur une même parcelle, en bordure de forêt ou en plein champ.

L’agroforesterie a été pratiqué pendant des siècles, mais elle n’est pas très connue et reste très peu étudiée scientifiquement regrette Neeraj.

En 2018, il commence à mettre en œuvre son projet agroforestier sur la parcelle de son grand père.

Aperçu de ce que donne l’agroforesterie sur la parcelle de Neeraj

«  L’agroforesterie, c’est tout l’inverse de la monoculture. C’est la combinaison de différentes cultures ensemble sur une même parcelle. Nous choisissons aussi ces cultures en fonction du type de sol. Nous n’utilisons pas de fertilisants industriels. » explique Neeraj.

« Dans la parcelle où se pratique l’agroforesterie, l’eau est absorbée plus rapidement par l’humus, puis va s’infiltrer doucement dans le sol au bénéfice des nappes phréatiques. Si nous avons suffisamment de de biomasse sur une parcelle, nous diminuons énormément le besoin en eau. »

Au delà de l’autosuffisance alimentaire, il souhaite avant tout partager son expérience. Peu à peu les visiteurs affluent sur sa parcelle.

Son objectif : démontrer par l’expérience ce qu’apporte l’agroforesterie.

Neeraj sait que l’expérience a bien plus de valeurs que tous les discours qu’il pourrait tenir sur les bienfaits de l’agroforesterie. Le monde paysan n’aime pas les beaux parleurs, qu’il a l’habitude de voir défiler. Notamment les commerciaux d’entreprises d’engrais et de pesticides.

Je crois vraiment dans la démonstration réelle. Les paysannes et les paysans observent et, ensuite selon les résultats, vont réfléchir aux avantages et aux inconvénients de ce type de pratique. Ils peuvent voir directement les résultats.

Des paysans, mais aussi des jeunes, des femmes, des personnes plus âgées viennent se former pour découvrir comment faire pousser des légumes biologiques, comment faire du compost, comment produire sa propre nourriture sans utiliser de produits chimiques.

Tout le monde est invité à participer : même ceux qui n’ont pas de terre. Des habitants de la ville voisine développent des projets d’agriculture sur le toit.

« Je vois que les personnes qui viennent créent à leur tour »

Aujourd’hui d’autre personnes l’ont rejoint, et ils sont 8 à travailler maintenant sur place. Ensemble, ils développent d’autres projets comme la création d’une banque de semences. A la nuit tombante, il nous fait encore visiter son dernier bébé, le centre de formation dédié à l’agroforesterie en construction.

La nuit tombe sur le village

Texte : Anne-Isabelle Barthélémy
Photos : Anush Babajanyan, lauréate du prix photo Terre Solidaire

Projet réalisé en partenariat avec partenariat avec SOL-Alternatives Agroécologiques et Solidaires

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