Projet de loi Asile et Immigration : Comprendre et se mobiliser

Publié le 20.11.2023| Mis à jour le 29.01.2024

Le pire est arrivé avec l’adoption du projet de loi asile et immigration, un texte injuste, reprenant des mesures historiques de l’extrême-droite. 

Le gouvernement a fait le choix d’un texte cruel qui, depuis sa version initiale, remet en cause des droits fondamentaux et des engagements internationaux de notre pays. 

Ce texte dépasse ce que nous redoutions depuis plus d’un an et demi.. Au-delà d’une défaite morale, l’adoption de cette loi est une offense manifeste aux principes humanistes qui fondent notre République et à notre Etat de droit. 

Sophie DUVAL, chargée de plaidoyer migrations au CCFD- Terre solidaire

Le 25 janvier 2024, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la constitutionnalité du texte,  aboutissant à une censure partielle de certaines dispositions.

Pour le CCFD-Terre Solidaire, cette décision est un soulagement à demi-teinte. Bien que certaines mesures graves aient été écartées sur des motifs de procédure (cavalier législatif), le texte qui vient d’être promulgué demeure extrêmement préoccupant.

Face à cette “loi de la honte”, notre engagement ne faiblit pas. Nous restons mobilisé·es pour dénoncer son contenu et empêcher sa mise en application.

Les dispositions marquantes du projet de loi 

La suppression de l’aide médicale d’état (AME) ne figure plus dans le texte final. Cependant, le gouvernement et les Républicains ont scellé un accord pour la présentation au Parlement d’un projet de loi sur une réforme de l’AME au cours de l’année 2024.  

De plus, le projet de loi actuel comporte toujours des mesures conditionnant certaines prestations sociales, telles que les aides personnes au logement ou les allocations familiales, à une durée de séjour régulier plus longue qu’aujourd’hui (à l’exception des personnes réfugiées, apatrides, détentrices de carte de résident, et bénéficiaires de certaines allocations spécifiques). Cette mesure entérine une logique discriminatoire, dite de “préférence nationale”, qui portera principalement préjudice aux enfants, femmes et familles monoparentales, déjà extrêmement précarisées.  

Nous maintenons notre opposition à ces mesures qui fragilisent la situation des personnes vulnérables et nous nous opposons fermement à toute discussion visant à restreindre davantage l’AME. L’AME représente seulement 0,47% des dépenses de santé en 2022, offrant un accès minimum aux soins aux personnes en situation irrégulière. Cet accès est avant tout humanitaire, permettant de prendre en charge des personnes souvent affectées physiquement et psychologiquement par leurs parcours migratoires, et de traiter à temps des pathologies qui pourraient devenir plus graves, comme le rappellent les soignants.

Plutôt que de favoriser l’intégration, comme son titre le laisse entendre, le projet de loi se concentre sur le recours aux expulsions des personnes exilées. De nouvelles possibilités d’expulsion et de détention sont prévues pour des personnes dont le “comportement constituerait une menace grave pour l’ordre public”.  

La notion floue de “menace grave pour l’ordre public” peut ouvrir la voie à des décisions arbitraires concernant des mesures aussi graves que l’expulsion du territoire ou la privation de liberté d’une personne.   

Des personnes jusqu’ici considérées comme “protégées” contre les expulsions, telles que celles arrivées en France avant l’âge de 13 ans ou résidant en France depuis plus de 20 ans, pourraient désormais faire l’objet d’une mesure d’expulsion.  

Notre inquiétude grandit face aux mesures qui visent à restreindre l’accès aux titres de séjour. Le rétablissement du délit de séjour irrégulier, associé à des sanctions financières et à des interdictions du territoire, risque d’aggraver la précarité des personnes déjà vulnérables.  

Les nouvelles exigences imposées à toutes les personnes étrangères sollicitant des titres de séjour, telles une connaissance minimale du français (niveau a2), la justification de ressources financières accrues ainsi que le rehaussement des niveaux de français requis pour l’octroi de la carte de résident et l’accès à la nationalité française (niveaux b1 et b2), érigent des obstacles supplémentaires à l’intégration des personnes migrantes.

Alors que ce texte prétend “améliorer l’intégration”, nous n’observons qu’une succession de mesures contraignant davantage l’accès à un titre de séjour, déjà extrêmement complexe à obtenir aujourd’hui.

Bchira Ben Nia de l’Union des Étudiants Exilés

Nous dénonçons également la condition de respect des “principes de la République” pour obtenir ou renouveler un titre de séjour, qui stigmatise l’ensemble des personnes exilées et instaure un climat de suspicion intolérable. Sans définition claire de ces principes, cette notion ouvre également la porte à des décisions arbitraires.   

La grande majorité du projet de loi vise à exclure des personnes du droit au séjour et à les expulser du territoire. Et pour cela, on fait appel à des concepts très flous.

Aboubacar Dembélé du Collectif des travailleurs sans-papiers de Vitry-sur-Seine

Les parlementaires ont voté l’instauration de quotas migratoires pour l’ensemble des titres de séjour (hors visas humanitaires et demandes d’asile), au cours d’un débat annuel organisé au Parlement.

Longtemps envisagés dans la logique d’une “immigration choisie”, l’instauration de quotas sont l’emblème d’une politique migratoire de plus en plus restrictive ces dernières années. 

Le texte ajoute de nouvelles conditions pour qu’une personne étrangère puisse rejoindre un proche vivant en France : maitriser le français, avoir des ressources suffisantes, disposer d’une assurance maladie, signer un “contrat d’engagement républicain”, etc.  

Le durcissement des conditions d’obtention des titres de séjour affecte donc aussi certaines familles françaises. Il deviendra plus difficile pour les conjoints de personnes françaises et les parents d’enfants français de retrouver leurs proches.  

Alors que le droit à une vie familiale est un droit fondamental, et que l’immigration dite familiale n’est pas la plus importante en France, ce type de rapprochement serait particulièrement restreint. 

Nouvelle loi, nouvelles tensions

Le projet de loi « Pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » est le vingt-neuvième texte sur l’asile et l’immigration qui a été adopté depuis 1980. Au fil des années, on observe une véritable inflation législative sur cette thématique.  

La discussion sur ce projet de loi s’inscrit dans un contexte tendu, qui a favorisé une instrumentalisation politique de drames tels que l’assassinat de Dominique Bernard, professeur de français à Arras. Le CCFD-Terre Solidaire dénonce depuis septembre 2022 le climat délétère de stigmatisation des personnes exilées qu’ont entretenu le gouvernement et d’autres responsables politiques pour justifier ce texte et finalement le durcir.  

On assiste à une instrumentalisation constante de drames, qui participent à la stigmatisation des personnes exilées, catégorisées comme délinquantes par défaut, et in fine à la division dans notre société. 

Sophie DUVAL, chargée de plaidoyer migrations au CCFD- Terre solidaire

Pour obtenir coûte que coûte l’approbation du groupe Les Républicains, l’exécutif a laissé́ se propager des discours et mesures xénophobes dès l’examen de la loi par le Sénat, pour finalement la faire adopter grâce aux voix du Rassemblement national.  

Cette loi concrétise une victoire de l’extrême droite et de ses idées. Depuis des mois, le gouvernement a affirmé ne pas chercher à faire d’alliance avec des partis d’extrême droite ou prônant leurs idées.  

Pourtant, le gouvernement n’a eu de cesse, dès l’été́ 2022, de construire la figure parfaite de l’étranger comme bouc émissaire, responsable de tous les maux, dangers, actes délictueux ou criminels, en employant les amalgames les plus honteux.  

L’instrumentalisation du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a été́ saisi, notamment par le président de la République. Pourtant garant du respect des institutions et de la Constitution, Emmanuel Macron a donc sciemment encouragé l’adoption de mesures inconstitutionnelles, avant d’en référer au verdict des Sages, attendu le 25 janvier. 

Nous dénonçons cette instrumentalisation politique du contrôle de la loi, qui ne peut qu’affaiblir nos institutions, l’Etat de droit et la démocratie dans notre pays. 

Il n’est pas trop tard pour se mobiliser !

Nous appelons à rejoindre les mobilisations des 14 et 21 janvier contre cette “loi de la honte” qui rassemblent aujourd’hui un large front d’organisations sociales et politiques, y compris du corps médical, d’universitaires, de collectivités, et d’autres pans entiers de notre société́ qui ont pris position ces dernières semaines. 

Plus que jamais, il nous faut continuer à lutter pour la défense des droits de milliers d’enfants, de femmes et d’hommes, dont les conditions de vie seront extrêmement fragilisées par ces nouvelles mesures.

Sophie DUVAL, chargée de plaidoyer migrations au CCFD- Terre solidaire

Plutôt que de créer davantage de division dans notre pays, construisons dès maintenant ensemble un destin positif pour notre société́, qui commencera par l’abrogation de cette loi de la honte.  

Pour aller plus loin :

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