© Michaël Zumstein

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FMI et la Banque mondiale : les pays du sud appellent à des réformes en profondeur

Publié le 29.08.2024

Cette année, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale fêtent leurs 80 ans. Ces institutions, souvent méconnues, jouent un rôle crucial dans l’économie mondiale. Cependant, leur gouvernance est de plus en plus contestée par les pays du Sud, qui la jugent inégalitaire et au service des intérêts des puissances occidentales. À l’occasion de cet anniversaire, on fait le point sur leurs rôles et l’impact de leurs actions, en particulier sur les pays du Sud et la dette mondiale.

Quel est le rôle du FMI et de la Banque Mondiale ?

Promouvoir une économie mondiale stable et prospère

Le FMI et la Banque Mondiale sont deux institutions internationales créées, en 1944 lors de la conférence de Bretton Woods, pour promouvoir une coopération économique internationale stable et prospère. Leur mission consiste à harmoniser les politiques monétaires[1], à s’assurer que les pays ne soient pas en défauts de paiement et à encourager des politiques favorables au secteur privé et de la dérégulation des marchés.

Ces deux institutions occupent des fonctions différentes, mais complémentaires. Ensemble, elles jouent un rôle majeur dans l’architecture financière internationale et le financement du développement.

Quelles sont les limites de la gouvernance du FMI et de la Banque Mondiale ?

De la décolonisation aux défis contemporains

Le FMI et la Banque Mondiale ont été créés dans un contexte où l’Europe, encore une puissance coloniale, était en pleine reconstruction après la Seconde Guerre mondiale. Depuis, le paysage mondial a considérablement évolué avec la naissance de nouveaux pays issus de la décolonisation et l’émergence de nouvelles puissances, modifiant l’équilibre des pouvoirs à l’international. Fondées par 44 pays, ces deux institutions comptent aujourd’hui environ 190 membres, dont beaucoup n’existaient pas à leur création. Malgré ces évolutions, le FMI et la Banque Mondiale continuent de fonctionner selon des modes de gouvernance archaïque, inadaptés aux enjeux actuels, ce qui remet en cause leur légitimité.

Des institutions garantes du néolibéralisme et du secteur privé

Le FMI et la Banque Mondiale défendent une idéologie néolibérale qui contraint les États à réduire leurs dépenses publiques et à privatiser des secteurs clés de l’économie. Par leurs recommandations et en conditionnant leurs aides, ces institutions affaiblissent les États au profit du secteur privé et du marché libre. Et cela, souvent au détriment des populations locales et de l’environnement.

Par exemple, d’après une étude d’Oxfam, au 15 mars 2021, 85 % des 107 prêts COVID-19 octroyés par le FMI incluaient des recommandations ou des exigences d’austérité, telles que la réduction des dépenses publiques et des subventions, la privatisation des services publics et des entreprises nationales, la réforme des retraites, ou encore l’augmentation des taxes à la consommation. Il est ainsi prévu que 59 des 125 pays à faible et moyen revenu dépensent moins pour leurs services publics en 2024 par rapport aux années 2010.  

La Banque Mondiale et le FMI sont-ils des freins ou des leviers au développement ?

Une gouvernance inégale au détriment des pays du Sud

Bien que le FMI et la Banque Mondiale prétendent soutenir le développement, leurs actions semblent répondre davantage aux intérêts de leurs actionnaires qu’aux besoins des pays du Sud.

En effet, leur gouvernance est basée sur un système de vote proportionnel qui favorise les États selon leurs contributions et leurs poids dans l’économie mondiale, privilégiant ainsi les pays riches et européens. Ces derniers sont historiquement actionnaires du FMI et bénéficient d’une plus grande influence au sein de la Banque Mondiale. Les États-Unis, qui détiennent plus de 16% des voix, ont de facto un droit de veto au FMI. De plus, les pays occidentaux, y compris la France, qui est le 5e actionnaire, freinent l’accession au pouvoir d’autres pays en développement, comme la Chine, en bloquant les négociations sur la répartition des voix par pays. Plus problématique encore, un accord tacite entre les États-Unis et l’Europe garantit l’attribution de la présidence du FMI à un Européen et celle de la Banque Mondiale à un Américain.

Nous avons besoin d’une restructuration radicale. La structure antidémocratique, faisant la promotion des intérêts des pays du Nord au prix du bien-être des pays du Sud, doit être remise en question. 

Center for Financial Accountablity (Inde), Joe Athialy, Directeur Exécutif.

La responsabilité de ces institutions face à la dette des pays du Sud

En 2023, la dette publique mondiale a atteint 97 000 milliards de dollars. Un record alarmant[2] ! Le FMI et la Banque Mondiale jouent un rôle significatif dans l’endettement des pays du Sud par les prêts qu’elles accordent. La Banque Mondiale détenait 11 % de la dette extérieure des pays à faibles et moyens revenus, et le FMI 4 %

41 %

de la dette de l’Éthiopie est détenue par la Banque Mondiale.

29 %

de la dette de l’Argentine est détenue par le FMI.

Ces chiffres tendent à croître avec la crise de la dette actuelle, car les pays se tournent davantage vers ces institutions multilatérales pour emprunter à taux bas. Cependant, le FMI et la Banque Mondiale sont réticents à annuler ou à restructurer leurs crédits, car cela pourrait affecter leur note AAA d’emprunteur. Or, à mesure que la crise de la dette persiste, la question de la restructuration de la dette deviendra cruciale.

Par ailleurs, le FMI et la Banque Mondiale ont mis en place un cadre pour calculer la soutenabilité de l’endettement des pays : le Cadre de Viabilité de la Dette (CVD). Plus un pays est jugé soutenable, plus il peut emprunter à des taux bas sur le marché, et inversement. Or, le CVD ne prend pas forcément en compte les besoins de financement pour répondre aux enjeux climatiques ou sociaux, ce qui peut entraîner une surévaluation de cette soutenabilité. En conséquence, les pays deviennent moins prudents, empruntent davantage, augmentent leurs risques d’endettement et transfèrent ensuite le poids de la dette sur les populations, suivant les recommandations du FMI et de la Banque mondiale.

Quelles sont les alternatives face aux limites du FMI et de la Banque Mondiale ?

Les appels à une réforme plus juste

Face aux défis liés à l’austérité, à la dette ou aux projets directement financés par ces institutions, de nombreuses sociétés civiles du Sud plaident pour l’adoption de normes environnementales plus strictes et pour la prise en compte de la crise climatique dans l’analyse de la soutenabilité de la dette.

Mais surtout, l’une des demandes fondamentales est la réforme de la gouvernance de ces institutions afin de renforcer la voix des pays du Sud. En effet, de nombreuses organisations considèrent ces espaces de décision illégitimes, inégalitaires et nuisibles au développement de leurs pays.

Les appels à repenser le système international

Face à ce plafond de verre, les pays du Sud préfèrent se tourner vers des espaces plus inclusifs, comme l’ONU, et appellent à une réforme de l’architecture financière internationale. Pour William Ruto, Président du Kenya, celle-ci est nécessaire pour permettre aux pays du Sud de « prendre part à la solution ». De même, la présidence brésilienne du G20 a placé la réforme des institutions internationales parmi les trois priorités de ce sommet[3].

Nous appelons à une réforme de l’architecture financière internationale qui renforcerait des espaces alternatifs de gouvernance – telles que l’ONU – permettant des prises de décision démocratiques. (…) Il est nécessaire qu’une réforme inclue la participation de la société civile de manière formelle et conséquente et la participation de tous les États à voix égale. 

 Latindadd (Amérique latine), Daniela Berdeja Ruiz, Économiste.

Ainsi, pour résoudre les enjeux financiers globaux, les pays du Sud sont à la recherche de nouveaux espaces plus inclusifs. Par exemple, à la demande de plusieurs pays africains, des négociations ont lieu à l’ONU afin d’établir une convention sur la fiscalité internationale, offrant ainsi un cadre où chaque pays dispose d’un vote égal.

Le FMI et la Banque Mondiale, créés pour soutenir le développement économique, se retrouvent aujourd’hui en partie responsables du problème qu’ils cherchaient à résoudre. Leur système de gouvernance inégalitaire empêche les pays du Sud d’avoir une réelle voix dans les décisions. L’anniversaire de ces institutions est un rappel du besoin urgent d’une réforme plus démocratique et à l’écoute des sociétés.

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