Conférence des ambassadeurs : Au Sahel, la France s’entête dans son déni, et durcit sa politique

Publié le 29.08.2023| Mis à jour le 06.02.2024

Hier matin, lors de la conférence annuelle des ambassadeurs et ambassadrices, le président de la République a fixé un certain nombre de priorités de la politique étrangère de la France. Il est en particulier revenu sur les événements qui se sont déroulés cet été au Niger et plus largement au Sahel. A l’heure où les relations de la France avec plusieurs pays de la région (Mali, Burkina Faso) connaissent un tournant, son discours est loin de traduire les évolutions profondes dont nous avons besoin :  une fois de plus, il assume pleinement la politique française dans la région, sans remise en cause et sans volonté d’engager de réels changements de stratégies politiques, alors même qu’après dix années qui ont vu la situation sécuritaire, humanitaire, sociale et politique se dégrader fortement au Sahel, la politique de la France fait l’objet d’un rejet sans précédent.

Aujourd’hui les sanctions imposées par la CEDEAO et la communauté internationale pèsent fortement sur les populations nigériennes. A l’heure où l’option d’une intervention militaire sous-régionale est sur la table, le CCFD-Terre Solidaire appelle la France à peser de tout son poids pour privilégier le dialogue et une médiation pacifique plutôt que de soutenir une confrontation armée, qui embraserait à coup sûr la région et dont les populations les plus vulnérables seraient les premières victimes.

Mgr Laurent Lompo, archevêque de Niamey, exprime son inquiétude (1) en soulignant que : « Si une guerre est déclenchée, le Niger sera détruit. Les balles n’épargnent pas les populations, ce sont elles qui souffriront le plus. » Les sanctions prises par la CEDEAO et la communauté internationale « éprouvent durement le peuple nigérien alors qu’on a déjà plus de 600 000 déplacés et réfugiés dans le pays à cause des violences, 900 écoles fermées, des personnes qui manquent de nourriture, d’eau et d’accès aux soins… La fermeture des frontières est dramatique. Les prix des denrées alimentaires augmentent et les médicaments commencent à s’épuiser dans les pharmacies et dans nos dispensaires… » Et il ajoute : « La solution n’est pas militaire, ni par le biais des sanctions. La paix ne s’obtient pas par la force. Il faut passer par la voie du dialogue, que les acteurs s’assoient autour de la table et se parlent franchement. Les discussions sont difficiles, mais pas impossibles. » Dans une lettre du 4 août 2023, les Conférences épiscopales réunies de l’Afrique de l’Ouest (CERAO) ont d’ailleurs appelé « à la retenue, au discernement et à la responsabilité » (2).

Le président de la République clame haut et fort que la France “ne fait pas de double standards” dans sa politique au Sahel. Pourtant l’une des principales critiques qui lui est faite et qui alimente aujourd’hui un fort sentiment hostile contre sa politique est bien la perception très largement partagée d’incohérence et de contradictions de ses positionnements ces dernières années. 

Alors que Paris adopte une position extrêmement dure face au coup d’Etat au Niger, les opinions publiques africaines retiennent l’adoubement par la France du coup d’Etat mené en 2021 au Tchad à la suite de la mort du président Idriss Déby. Autre incohérence : le président de la République parle de renforcer ses liens avec les sociétés civiles et renouer avec les acteurs qui constituent les nouvelles “forces vives” ; il n’a pourtant pas hésité à suspendre l’aide française bénéficiant à la société civile au Mali. 

La dimension politique est effectivement déterminante. Mais si la France veut avoir une réelle politique de soutien à la démocratie en Afrique, elle devrait s’engager plus fermement en faveur du renforcement de l’Etat de droit en dénonçant tout autant les coups d’Etat que le recul des libertés fondamentales. Elle devrait inclure la promotion des droits humains ainsi que la protection des défenseur.e.s des droits humains dans le dialogue politique bilatéral avec les autorités des pays ouest-africains : cela passe par un soutien renforcé aux organisations de la société civile sahéliennes. 

Pour Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente du CCFD-Terre Solidaire, « Un des grands problèmes de la politique française au Sahel, c’est son déficit démocratique depuis dix ans. Celle-ci a été pensée et pilotée par l’Elysée sans réelle consultation et redevabilité démocratique. Il faut rappeler que l’opération Barkhane n’a jamais été soumise au vote du Parlement. C’est donc positif de voir un certain nombre de parlementaires aujourd’hui interpeller l’Exécutif à la suite du coup d’Etat au Niger et questionner notre politique au Sahel et en Afrique. Il faut désormais repenser en profondeur cette politique, en y associant non seulement le Parlement mais plus largement les acteurs des sociétés civiles ici et là-bas. Il y a urgence et le déni de nos erreurs ne doit plus guider nos relations avec l’Afrique. » 

_____________________________________________________________________________________________________________

avec le CCFD - TERRE SOLIDAIRE

J'agis

J'ai 1 minute

Partagez et relayez nos informations et nos combats. S’informer, c’est déjà agir.

Je m'informe

J’ai 5 minutes

Contribuez directement à nos actions de solidarité internationale grâce à un don.

Je donne

J’ai plus de temps

S'engager au CCFD-Terre Solidaire, c'est agir pour un monde plus juste ! Devenez bénévole.

Je m'engage

Vous n'avez qu'une minute ?

Vous pouvez participer à la vie du CCFD-Terre Solidaire

Rejoignez-nous

Restez au plus près de l'action

Restez informés

Abonnez-vous à notre newsletter

Je m'abonne
Pour une terre sans faim, cultivez l'action du CCFD-Terre Solidaire
Je donne chaque mois