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Au Niger, le prix du mil s’envole
Ali Badara travaille en tant qu’ingénieur agronome dans une fédération de coopératives agricoles au Niger. Il est en première ligne aujourd’hui face à la crise alimentaire qui frappe son pays. Il explique comment le manque d’eau et l’insécurité au Sahel font flamber les prix du mil, ingrédient de base de la nourriture locale.
©Roland DARGELEZ/CCFD-Terre Solidaire Ali Badara est un ingénieur agronome nigérien. Il travaille à la Fédération des coopératives agricoles du Niger, Mooriben, c’est-à-dire « la misère est finie ». Fondée il y a 30 ans, Mooriben forme les paysans aux pratiques agro-écologiques et touche pas moins de 60 000 familles paysannes et éleveurs dans tout le pays. Nous avons recueilli son témoignage sur la situation actuelle au Niger :
Une récolte de mil catastrophique
Cette année, la situation alimentaire au Niger est très critique. La récolte de mil a été catastrophique. Or, cette céréale, appelée également sorgho, est la base unique de l’alimentation de nos campagnes : farine de mil, pâte de mil, boule de mil, mélangée à un peu de lait quand c’est possible. Dans les villes, comme Niamey ou Zinder, la population consomme également du riz ou du maïs. Ce n’est pas le cas dans les campagnes.
Ces récoltes catastrophiques en octobre et novembre derniers s’expliquent avant tout par une sécheresse exceptionnelle de plus d’un mois, pendant la saison des pluies, normalement de juin à octobre. L’eau a manqué quand la plante en avait un besoin vital pour sa croissance.
2,5 millions de Nigériens sont en situation d’insécurité alimentaire
Ali Badara, ingénieur agronome à MooribenLes stocks s’épuisent
Aujourd’hui, nous abordons déjà la période de soudure, c’est-à-dire cette période où les gens ont fini leurs réserves et attendent la prochaine récolte. Or, les stocks communautaires sont déjà en train de s’épuiser. Ces stocks, souvent organisés par l’Etat, permettent aux plus vulnérables de s’approvisionner à prix modérés. C’est d’autant plus vital, que les prix du mil ont bondi de 30% par rapport à l’an dernier, du fait de la pénurie.
Le Niger, deuxième producteur de mil d’Afrique, en est réduit à importer du mil du Nigéria et du Burkina Faso. Mais les quantités achetées sont faibles et les prix élevés.
2ème
producteur de mil d’Afrique30%
d’augmentation du prix du milLes djihadistes empêchent les paysans de cultiver
L’autre raison de cette crise alimentaire tient à l’insécurité croissante qui règne dans le pays. Dans des régions entières, les djihadistes brûlent les récoltes, imposent la terreur et chassent les habitants de leurs terres.
Les militaires impuissants face à l’insécurité dans les campagnes
C’est le cas notamment, vers Tillabéry, dans la région des trois frontières, qui jouxte le Mali et le Burkina Faso. Les déplacés se pressent dans la ville de Téra, la zone la plus militarisée du pays, où sont basées les forces nigériennes, tchadiennes et françaises. En fait, cette présence armée ne rassure pas les populations, car ces militaires semblent impuissants face aux terroristes.
Du niébé plutôt que du mil pour être plus en sécurité
Depuis un an, l’insécurité empêche de cultiver, surtout que les djihadistes ont pris l’habitude de se cacher dans les champs de mil dès que les plantes croissent. Alors, les rares agriculteurs qui restent se sont mis à cultiver le niébé, un genre de haricots, moins hauts.
Pour nous, ce n’est pas facile de travailler dans ces conditions. Je suis responsable du suivi et de l’évaluation des projets depuis sept ans chez Mooriben. Je suis basé dans la capitale, Niamey, et il n’est pas possible de se déplacer à plus de cinq kilomètres en dehors de la ville, du fait de l’insécurité. Heureusement, nous avons un réseau efficace de paysans relais à l’intérieur du pays.
Des paysans relais pour faire fonctionner les banques céréalières
Ce sont les paysans relais qui continuent à apprendre aux paysans des pratiques durables, comme l’utilisation de fertilisants naturels, pour nourrir la terre.
Ce sont eux également qui assurent le bon fonctionnement des 347 banques céréalières de Mooriben. Elles existent depuis une quinzaine d’années pour permettre justement de s’alimenter pendant la période de soudure.
Recueilli par Pierre Cochez
Lire aussi : L’AGRICULTURE PAYSANNE ET L’AGROÉCOLOGIE EN AFRIQUE : UN PARI GAGNANT
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Un manifeste pour refonder la politique de la France au Sahel
Le Sahel connait depuis plusieurs années une crise sécuritaire, politique, sociale, humanitaire et climatique. Jessica Pascal, chargée de mission partenariat Sahel explique pourquoi il est urgent pour la France de revoir sa stratégie dans cette région.
©Roberta VALERIO/CCFD-Terre Solidaire Une région en crise
D’un point de vue géographique, le Sahel fait référence à l’espace sahélo-saharien qui s’étend du Sénégal au Soudan. Mais plus communément, on parle de la région du Sahel pour parler de la Mauritanie, du Mali, du Burkina Faso, du Niger et du Tchad.
Le Sahel connaît depuis 2011 un regain d’insurrections armées, de violences, et de conflits intercommunautaires. Ceci a des conséquences graves sur les populations : déplacées de force, privées d’accès aux services de base et menacées par la faim. S’ajoute à cette situation l’instabilité politique, puisque le Mali, le Burkina et le Tchad ont tous connu un coup d’État ces deux dernières années.
Ainsi ce n’est pas seulement une crise sécuritaire que connaît la région, mais aussi une crise politique, sociale, humanitaire et climatique.
La France doit revoir sa stratégie
La stratégie de la France, militairement impliquée au Sahel, repose principalement sur les défis sécuritaires. Notre gouvernement doit revoir ses priorités.
- Être plus à l’écoute des revendications des populations sahéliennes, qui souhaitent reconstruire le lien avec leurs gouvernants, ont soif de justice et de transparence politique et économique.
- Mettre au cœur de sa politique au Sahel la protection des civils, la défense des droits humains, et la réduction des inégalités sociales.
Un manifeste pour alerter nos élus
Avec CARE France, Oxfam, Le Secours Catholique et Tournons la Page, le CCFD-Terre Solidaire a animé pendant cinq mois un cycle de conférences pour débattre – avec les chercheurs, les autorités françaises, la diaspora, les sociétés civiles sahéliennes et françaises – de l’action militaire, diplomatique, humanitaire et de l’aide au développement de la France au Sahel.
Aujourd’hui, nous sortons un manifeste que nous défendons auprès des principaux candidats à la présidentielle. Parce que nous voulons des engagements. L’engagement de nos futurs élus d’organiser un processus de consultation, à l’image de la Convention citoyenne pour le climat, devant déboucher sur une feuille de route pour refonder sa politique au Sahel.
C’est l’avenir de nos relations avec les pays de cette région, et plus largement avec l’Afrique, qui est en jeu.
Notre manifeste :
Aller plus loin :
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Au Niger, l’appel à l’aide des organisations paysannes après les inondations
Cette année au Niger, les pluies diluviennes de juillet à septembre ont été d’une rare violence. Le niveau du fleuve Niger a atteint son niveau le plus haut depuis 1929. Avec la rupture des digues, les inondations ont ravagé villes et villages, faisant des dizaines de morts et des milliers de sinistrés. Les organisations paysannes que nous soutenons sur place appellent à l’aide.
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Niger – Des organisations de la société civile demandent aux autorités de mettre un terme au harcèlement des défenseurs des droits humains (communiqué)
Plusieurs organisations de la société civile expriment leur préoccupation concernant l’interpellation d’au moins 15 membres de la société civile nigérienne ainsi que la mise en détention et l’ouverture de poursuites judiciaires à l’encontre de sept d’entre eux. Ces événements se déroulent dans le cadre d’un climat de plus en plus délétère pour la société civile au Niger où plusieurs graves atteintes aux libertés fondamentales ont été enregistrées au cours des dernières semaines
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Au Niger, l’État criminalise les populations migrantes et nomades à la demande de l’Union européenne
Bruxelles impose de plus en plus de conditions à son aide au développement au Sahel. Son objectif? Faire en sorte que les gouvernements locaux endossent le contrôle des personnes en migration. Résultat, les déplacements des travailleurs ruraux et des nomades, qui migrent traditionnellement selon les saisons, sont désormais contraints par des lois.
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Niger : ils ont été libérés grâce à vous (vidéo)
Au Niger, printemps 2018 : une vingtaine de leaders de la société civile sont arrêtés pour avoir manifesté contre une loi fiscale injuste. Nous relayons très vite une pétition pour demander leur libération. Hassan Boukar, de notre organisation partenaire AEC Niger nous explique la suite dans la vidéo ci-dessous.
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Au Niger : soulagement après la libération de 6 acteurs de la société civile
Le CCFD-Terre Solidaire est heureux et soulagé d’apprendre la libération de 6 acteurs de la société civile nigérienne emprisonnés depuis plusieurs mois, dont Moussa Tchangari, Secrétaire Général de notre organisation partenaire Alternative Espace Citoyens (AEC). Plusieurs personnes, dont Ibrahim Diori, sont encore détenues en attendant leur procès.
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Niger : Les défenseurs des droits humains poursuivis à tort doivent être libérés (communiqué)
Alors que le verdict du procès des défenseurs des droits humains au Niger est attendu pour mardi 24 juillet, il est plus que temps pour les autorités de ce pays de mettre un terme aux poursuites engagées contre eux et d’assurer leur libération immédiate et sans condition, ont déclaré aujourd’hui neuf organisations de défense des droits humains
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Au Niger : demande de libération immédiate pour les représentants de la société civile arrêtés
Au Niger, deux vagues d’arrestations viennent de cibler des acteurs de la société civile protestant contre la nouvelle loi de finance 2018 et ses dispositions fiscales. Deux représentants de l’association Alternative Espaces Citoyens, partenaire du CCFD-Terre Solidaire, ont été arrêtés : Moussa Tchangari, secrétaire général ainsi qu’Ibrahim Diori, chargé de plaidoyer.
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Une nouvelle approche pour soutenir la transition écologique et sociale à partir de l’Afrique
Le CCFD-Terre Solidaire accompagne un ambitieux Programme d’appui aux initiatives économiques pour une transition écologique et sociale des territoires ruraux (le Paies) déployé dans un premier temps au Sahel et en Afrique des Grands Lacs.
De grande ampleur, il marque le début d’une nouvelle approche du CCFD-Terre solidaire pour favoriser l’accès des populations du Sud à leur souveraineté alimentaire. -
Une caravane ouest-africaine pour le droit à la terre, à l’eau et aux semences
La Convergence ouest-africaine, qui rassemble notamment le CCFD-Terre Solidaire et plusieurs de ses partenaires, organise une caravane rassemblant plusieurs centaines de représentants de la société civile issus de quinze pays d’Afrique. La caravane s’ébranlera du Burkina Faso au Sénégal en mars 2016. Elle lance dès maintenant un appel à la mobilisation afin d’interpeller les autorités concernant l’accès des populations à la terre, à l’eau et aux semences.
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Au Sahel, le programme PAIES pour répondre aux enjeux climatiques
Le CCFD-Terre Solidaire se mobilise avec son réseau autour des enjeux climatiques. Au Sahel, trois partenaires du CCFD-Terre Solidaire acteurs de l’agriculture familiale préparent un nouveau programme de quatre ans, le PAIES. Il démarre en janvier 2016 pour mettre en place des alternatives aux systèmes agricoles actuels défaillants.
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Comment renforcer le dialogue politique concerté sur la sécurité alimentaire au Sahel ?
Depuis des décennies, les ONG travaillent à l’amélioration de la sécurité alimentaire dans certains pays du Sahel. Avec le projet Diapoco-SA (DIAlogue POlitique COncerté sur la Sécurité Alimentaire), le CCFD-Terre solidaire propose aux acteurs locaux une nouvelle approche pour améliorer leur impact, en leur donnant les moyens d’influer davantage sur le choix des politiques publiques dans l’agriculture.
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Bourse internationale des céréales de Niamey au Niger
Ce documentaire vidéo de 17 minutes présente le déroulement de la bourse internationale des céréales de Niamey au Niger (16 et 17 décembre 2013), événement organisé par AcSSA Afrique Verte Niger avec la collaboration d’Afrique Verte International. Il a été réalisé avec le soutien du CCFD-Terre Solidaire et de l’AFD.