Renforcer des solidarités entre organisations de la société civile

Depuis de nombreuses années, le CCFD-Terre Solidaire soutient des projets d’« échanges et de mises en relation » ainsi que des initiatives d’édification de mouvements internationaux ou d’animation de dynamiques régionales, sur tous les continents. Il joue un rôle de facilitateur, ou de « pont », et poursuit deux objectifs : la construction d’une vision systémique globale, et le renforcement des solidarités entre organisations de société civile, sources de résilience et d’espoir.

Depuis la réouverture progressive des frontières après le Covid, les annonces de conventions se sont multipliées, et les idées de rencontres ont fusé témoignant de la soif de se retrouver et de retisser ces liens humains.

Le CCFD-Terre Solidaire facilite de nombreux échanges entre ses partenaires : visite d’une ferme agroécologique expérimentale, séminaire d’échanges de pratiques sur la mobilisation citoyenne, mission d’enquête sur une mine controversée ou encore formation régionale sur le plaidoyer, etc. Les rencontres entre partenaires – notamment sur leur terrain – et le partage de leur mode d’action et stratégie contribuent à inspirer de nouvelles expérimentations, adaptées localement. Au niveau international, les forums ou les conférences permettent un changement d’échelle et une « prise de hauteur », par rapport au quotidien des mobilisations et luttes locales.

Nombreux sont les témoignages de militantes et de militants, qui se rendent compte à ces occasions des similarités entre leurs problèmes et défis et ceux rencontrés par les autres – collusion entre intérêts privés et pouvoirs publics, non-respect des lois, ou encore criminalisation des organisations de la société civile. Cela contribue à construire cette « vision systémique », mais aussi à favoriser une compréhension partagée, l’élaboration de demandes collectives et la construction d’un agenda commun.

Non à l’extractivisme

Fin 2018, plusieurs organisations partenaires du CCFD-Terre Solidaire ont par exemple organisé un Forum social mondial thématique sur l’économie minière et extractiviste, en Afrique du Sud. La déclaration finale a établi les bases d’un positionnement commun à savoir le « Droit de dire non » (# RightToSayNo), qui affirme « le droit des communautés à dire non à l’extraction minière et à l’extractivisme ». La dynamique de mobilisation se poursuit sous cette bannière, et la seconde édition du Forum se tiendra en octobre 2023 en Asie.

Il est également essentiel de favoriser la construction d’alliances entre organisations du « Sud global »⁽¹⁾, afin qu’elles puissent peser dans le débat international, exprimer leurs points de vue et contrebalancer le poids – disproportionné – des organisations de la société civile, des gouvernements et des acteurs économiques du « Nord Global ». Mais aussi pour qu’elles puissent développer leur propre mécanisme de collaboration.

Stratégies communes et mobilisation conjointes

En effet, il existe actuellement peu d’organisations « Sud-Sud », par rapport au nombre d’organisations « Nord-Sud », où l’organisation du Nord se fait le relais des mobilisations locales et s’engage dans des actions de plaidoyer vis-à-vis de « son » gouvernement et parfois des entreprises multinationales. Or, si l’on prend le cas de l’Asie, de plus en plus d’investissements sont le fruit des multinationales chinoises, indiennes, thaïlandaises, malaises ou indonésiennes. Développer des connexions solides, faciliter la construction de stratégies communes et de mobilisations entre organisations sont donc essentiels, pour veiller à ce que des mécanismes de contrôle et de redevabilité soient mis en place.

De ces rencontres naissent également des histoires militantes, de camaraderie et de compagnonnage, autant de liens qui ressourcent, animent, motivent et protègent aussi. Récemment, une organisation partenaire régionale – dont nous tairons le nom par mesure de sécurité – a dû se dissoudre en quelque heures puisqu’elle faisait face au risque d’arrestation de ses fondateurs et salariés. Cet événement aurait facilement pu détruire des décennies de construction d’un mouvement ouvrier asiatique, mais grâce à la mobilisation immédiate des membres d’un autre pays, l’organisation a pu s’y établir, et retrouver sa capacité d’action en quelques mois.

Compte tenu de la montée des autoritarismes dans le monde et du rétrécissement des espaces dévolus à la société civile, favoriser ces liens est fondamental, tant pour la résilience des organisations que pour celle des militants et militantes : se rencontrer et prendre le temps de sortir de son quotidien, dur et pesant, « s’oxygéner », nouer des relations humaines fortes sont également des moteurs d’engagement et d’espoir en notre capacité collective à agir et affirmer qu’un « autre monde est possible ».

Juliette Segard, responsable du service Asie

1 – La notion de « Sud global » regroupe les États du Sud, principales victimes des effets néfastes de la mondialisation et refusant de s’aligner sur l’un ou l’autre des puissants du Nord global, cet autre nom de l’Occident.