Inflation : quand les spéculateurs profitent de la crise alimentaire
À l’occasion de la journée mondiale contre la faim, et dans un contexte inquiétant d’inflation des prix alimentaires, le CCFD-Terre Solidaire et Foodwatch braquent les projecteurs sur les pratiques inacceptables des spéculateurs qui tirent profit de la crise et aggravent la précarité alimentaire, en France et dans le monde.
Regarder sur BFM TV – L’interview de Jean-François Dubost, directeur du plaidoyer au CCFD-Terre Solidaire
Dans une note commune, le CCFD-Terre Solidaire et Foodwatch montrent que la spéculation, invisible pour le grand public, tire les prix des matières premières agricoles – et de nos aliments – vers le haut. Les chiffres sont tirés d’une analyse des rapports hebdomadaires de la Bourse de Paris (Euronext) et des publications les plus récentes sur le sujet.
La note rappelle à quel point les prix alimentaires ont grimpé suite à la flambée du cours des céréales en 2022.
Déjà en nette augmentation à la sortie de la pandémie COVID-19, l’agression russe en Ukraine a propulsé le cours du blé à des niveaux records, à 440€ la tonne.
Mais alors que le cours du blé est redescendu, les prix alimentaires restent élevés et continuent d’impacter, en bout de chaîne, les ménages les plus modestes et les pays dépendants de ces importations.
Une crise alimentaire attractive pour les spéculateurs
Cette flambée des prix alimentaires n’est pas uniquement la conséquence de la crise sanitaire et d’un événement géopolitique majeur.
Comme l’explique Pierre Duclos, expert des marchés financiers “plus le marché a une source de volatilité importante, plus il constitue un attrait pour les acteurs financiers”. Les acteurs qui dominent les marchés financiers des matières premières agricoles amplifient les effets des crises en spéculant sur les céréales et en tirent profit. Une dérive permise par la dérégulation progressive des marchés qui a offert un boulevard à la financiarisation de notre alimentation et à ses dérives.
L’exemple du blé
Des acteurs financiers (banques, fonds d’investissements, assurances, etc.) profitent de l’instabilité des marchés pour empocher des gains en pariant sur la valeur de notre alimentation. Cette pratique alimente l’inflation.
80 %
70 %
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : au premier trimestre 2022, les 10 plus gros fonds d’investissements présents sur les marchés des céréales et du soja ont réalisé près de 2 milliards de dollars de profits.
Un système qui nourrit la faim dans le monde
Lorine Azoulai, chargée plaidoyer souveraineté alimentaire au CCFD-Terre SolidaireAnnée après année, la part des acteurs commerciaux sur les marchés agricoles diminue tandis que celle des acteurs financiers augmente. Cela génère une amplification de la hausse des prix. On estime ce chiffre au minimum entre 15 et 20%.
On a donc d’un côté des profits assez extraordinaires sur ces marchés là. Et de l’autre côté des populations vulnérables, dépendantes des importations, qui n’ont plus accès à une alimentation saine.
Pendant que les spéculateurs s’enrichissent, leurs pratiques affectent en bout de ligne la capacité des ménages et des populations les plus vulnérables à se nourrir face à la flambée des prix et aggravent la crise alimentaire mondiale.
Jean-François Dubost, Directeur du plaidoyer au CCFD-Terre SolidaireTel qu’il est conçu, le système permet aux acteurs financiers de tirer profit des crises et de capter la valeur de l’alimentation, au moment même où elle devient plus difficile d’accès. Une situation tout simplement inacceptable aux conséquences mondiales.
Dans le monde, 9.8 % de la population ne mange pas à sa faim. Au nord comme au sud, les chiffres de la faim ne cessent de s’aggraver. En France, le nombre de personnes ayant recours à l’aide alimentaire à triplé en 10 ans.
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Se mobiliser pour une réforme ambitieuse
Le rôle de ces acteurs financiers reste pourtant, en pleine crise, invisibilisé et difficile à tracer. Pour le CCFD-Terre Solidaire et Foodwatch, il faut mettre un terme à ces pratiques abusives et réguler sérieusement l’activité des spéculateurs privés qui agissent depuis des années en toute impunité, profitant de l’opacité et du laxisme des marchés.
Malgré les alertes répétées des deux organisations à Emmanuel Macron et la mobilisation de près de 110.000 citoyens, les mesures de régulation pour limiter la spéculation excessive sur les marchés financiers se font toujours attendre.
Pierre Duclos, expert des marchés financiersEn réalité cette situation ne convient à personne : ni aux personnes qui souffrent de la faim, ni aux agriculteurs et industriels qui connaissent la volatilité des prix, ni aux traders qui font du commerce.
POURTANT DES SOLUTIONS EXISTENT
1. BAISSER SÉRIEUSEMENT LES LIMITES DE POSITION AFIN DE STOPPER LA SPÉCULATION EXCESSIVE
Les limites de positions plafonnent, par acteur, les volumes d’échanges réalisés sur les marchés financiers. Les limites actuelles doivent être baissées et renforcées.
2. EXCLURE DES MARCHÉS LES INVESTISSEURS FINANCIERS QUI SPÉCULENT DE FAÇON EXCESSIVE SUR LES MATIÈRES PREMIÈRES AGRICOLES, OU RESTREINDRE LEUR ACCÈS À MINIMA
Il faut limiter l’accès et la capacité des opérateurs à spéculer sur ces marchés. A minima, augmenter drastiquement les dépôts de garanties et appels de marge – cautions versées pour accéder au marché – qui leur sont demandés.
3. RENDRE LES MARCHÉS PLUS TRANSPARENTS
L’opacité des marchés et le manque de transparence sur les opérations rend extrêmement difficile l’évaluation du rôle de la spéculation dans les prix alimentaires. Il faut absolument mettre de la transparence au cœur des marchés, pour casser le climat actuel de totale impunité : transparence sur les acteurs qui interviennent sur ces marchés mais aussi meilleure transparence sur les stocks – pour éviter la panique du marché.
Les deux organisations appellent en priorité la France et les autres États membres européens à appuyer une réforme ambitieuse de la Directive européenne sur la régulation des marchés financiers, MIFID 2, en cours de discussion.
La France doit aussi porter une position ambitieuse pour pousser les instances internationales à s’emparer du sujet, au risque de contribuer à aggraver par son inaction la faim dans l’hexagone et dans le monde.
En savoir plus :
Consulter l’article du Monde – “Comment la spéculation a amplifié la flambée des prix”
Consulter l’article de Reporterre – Manger coûte cher à cause des spéculateurs
Lire la note sur la spéculation alimentaire et l’étude du marché du blé
avec le CCFD - TERRE SOLIDAIRE
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